Coordination, complémentation et sujet zéro en français médiéval

Trois faits de langue à la lumière des versions médiévales de la coutume de Normandie

Coordination, complementation and null subject in Medieval French

Three language phenomena in the light of medieval versions of Norman customary law

Daniéla Capin

Université de Strasbourg (Strasbourg, France)

dcapin@unistra.fr

https://orcid.org/0000-0002-6232-2182

Reçu le 16/10/2021, accepté le 19/5/2021, publié le 7/10/2022 selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

Pour citer cet article

Capin, Daniéla 2022. Coordination, complémentation et sujet zéro en français médiéval. Trois faits de langue à la lumière des versions médiévales de la coutume de Normandie. Studia linguistica romanica 2022.8, 36-70. https://doi.org/10.25364/19.2022.8.3.

Résumé

Cette étude examine la réalisation de trois faits de langue – la coordination par et, l'alternance que/ce que dans des contextes subordonnants et la non-expression du sujet – dans sept textes médiévaux liés à la coutume de Normandie du projet ConDÉ. Elle cherche à montrer que la façon d'appréhender les faits peut être différente entre les textes du domaine littéraire et ceux du domaine juridique et que ces différences doivent être prises en compte dans la description du changement linguistique.

Abstract

This study discusses the realization of three linguistic phenomena – the coordination by et 'and', the variation que/ce que 'that' in subordinate contexts and the null subject – in seven medieval texts relating to Norman customary law from the corpus compiled for the ConDÉ project. It argues that there could be differences between the literary texts and legal texts and that these should be considered when describing linguistic change.

Sommaire

1 Introduction
2 Le cas de et
2.1 La coordination
2.2 Cas intermédiaires, entre coordination et connexion
2.3 La connexion
2.4 Entre connexion et marquage discursif
2.5 Le marquage discursif
2.6 Et à l'épreuve des textes du corpus
3 L'alternance ce/Ø
3.1 Alternance dans des contextes subordonnants
3.2 Alternance dans des contextes non-subordonnants
3.3 Alternance dans le corpus à l'étude
4 Le sujet pronominal non-exprimé
5 Conclusion
Abréviations et références bibliographiques

1 Introduction

[1] Cette étude1 a pour objectif de vérifier la portée des analyses et interprétations proposées dans les études de linguistique médiévale pour trois faits de langue attestés dans un domaine textuel spécifique – celui des textes médiévaux appartenant à la coutume de Normandie, la plus ancienne de France et toujours en vigueur dans les îles anglo-normandes (Callemein 2019 ; Capin & Larrivée 2017b ; Neveux 2005 ; Yver 1986, entre autres). Deux constats (inter)reliés l'ont précédée : le premier, relatif à la spécificité des études contemporaines de linguistique diachronique, de leurs résultats et leurs rendus, le second, en rapport avec la constitution des bases de données exploitables actuellement.

[2] Depuis deux décennies, le nombre d'études de linguistique diachronique ne cesse d'augmenter. Ces études sont de plus en plus fines ; elles sont maintenant, grâce à la présence de corpus, richement documentées et tiennent compte au plus haut point des dernières tendances en linguistique. Les chercheurs reconnaissent unanimement l'importance des facteurs dia- – diatopique, diaphasique, diastratique, diamésique et même diagénique – mais leurs travaux ne parviennent pas toujours à les prendre en compte. La constitution des bases de données est en partie responsable de ce glissement. En effet, si les études de linguistique synchronique pourraient se passer, du moins plus facilement, des ressources d'un corpus et s'appuyer sur des exemples forgés, le recours aux corpus est essentiel en linguistique diachronique. Constituer un corpus par ses propres moyens, sur la base de lectures individuelles est une opération extrêmement coûteuse en termes de temps et imparfaite en termes de fiabilité statistique. Recourir à des bases de données préconstruites apparaît comme une solution bien meilleure. Elle est désormais intégrée dans les pratiques de la recherche en diachronie.

[3] Résultat d'un travail gigantesque, les corpus actuels veillent à la diversité des données, les équipes poursuivent inlassablement le travail d'enrichissement en termes de constitution et d'annotation, mais à l'heure actuelle, ces corpus contiennent essentiellement des textes littéraires, les œuvres des domaines religieux, didactique, historique, juridique étant quantitativement beaucoup moins représentées. Corollaire prévisible de cette situation, les faits circonscrits dans les études sur la langue médiévale sont basés majoritairement sur l'observation d'une langue – on le reconnaît volontiers – assujettie aux contraintes du domaine textuel littéraire ; les études linguistiques basées sur des corpus spécialisés restent, somme toute, assez rares2. L'on est, alors, en droit de se demander si la généralisation à laquelle aspirent les résultats obtenus ne pourrait pas fausser la description des faits de la langue médiévale dont on n'a pas encore résolu bon nombre d'énigmes. On retiendra, à ce sujet, les mises en garde de Buridant (2019 : 14-26), rappelant que la « mouvance et variance » de la langue ancienne est caractéristique d'un système souple à géométrie variable, ainsi que quelques divergences très concrètes signalées dans la catégorisation et l'interprétation des faits concernant la langue littéraire et ceux, relatifs à la langue utilisée dans le domaine juridique (Balon & Larrivée 2016 ; Larrivée & Capin 2018).

[4] Heureusement pour les chercheurs, pour la description et la réception de la langue médiévale, les pratiques sont en train de changer : l'émergence de nouveaux corpus dédiés à des textes non-littéraires et particulièrement attentifs dans leurs sélections contribue grandement à modifier les conditions d'enquête et à corriger les attitudes. Les corpus suivants sont déjà accessibles : l'Anglo-Norman Year Books Corpus réunit des textes transcrits de plaidoiries en anglo-normand, certains accompagnés de leurs traductions en anglais couvrant les années 1270-1289, 1292-1294, 1302-1307, 1340-1341, 1345-1346, 1385-13903 ; la base de données DocLing offre l'accès à des documents administratifs de la zone oïlique4 et franco-provençale française et helvétique, produits entre le 13e et le 15e siècle ; encore plus homogène sur le plan géographique, les Cartulaires d'Île-de-France de l'École nationale des chartes permettent de consulter et d'étudier les chartes des abbayes et prieurés de la région parisienne, écrites en français et en latin entre le 12e et le 13e siècle ; le corpus SERMO contient 62 sermons protestants francophones, édités pour la plupart à Genève, entre 1550 et 1750.

[5] Le corpus du projet ConDÉ vient compléter cette liste. Fruit des efforts d'une équipe interdisciplinaire, il offre une homogénéité thématique remarquable : il contient des textes légaux et jurisprudentiels du seul duché de Normandie. Conçu comme une plate-forme fédérative sous l'intitulé La constitution d'un droit européen : six siècles de coutumiers normands, le projet ConDÉ se propose :

de répertorier les manuscrits et imprimés de la Coutume de Normandie pour l'époque médiévale et moderne, d'en développer un ensemble représentatif, et de les rendre disponibles sur une base interrogeable en ligne ; de favoriser les synergies entre chercheurs et partenaires pour encourager des travaux (trans)disciplinaires novateurs sur les évolutions institutionnelles, sociales et langagières en lien avec ces ressources ; de rejoindre les publics scientifiques, les professionnels du droit et de l'enseignement, et le grand public, en veillant aux appuis qu'il peut apporter au développement socio-économique régional. (Présentation)

Partant, le corpus du projet permet de suivre non seulement l'évolution du droit normand et de la société normande, mais aussi celle de la langue française. La recherche dont la présente contribution rend compte porte sur cinq manuscrits et deux éditions critiques, l'ensemble allant du 13e au 15e siècle. Ce choix a été dicté par les conditions d'enquête exceptionnelles du projet : alors que la majorité des bases de données est constituée d'éditions critiques, et, par conséquent, de textes établis par les soins d'un éditeur critique, avec des modifications de l'original, lesquelles, même infimes, peuvent infléchir l'interprétation des données5, le projet ConDÉ permet au chercheur d'accéder au texte d'origine, et de ce fait, de constater et apprécier directement la 'mouvance et variation' de la langue.

[6] Parmi les textes étudiés, trois sont du 13e siècle. Le manuscrit ms BSG 1743 (figure 1) de la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris contient la coutume de Normandie (f° 193 à 256) et les assises de Normandie (f° 256 à 306). Il a été soigneusement transcrit par le juriste Ange-Ignace Marnier dans un ouvrage édité en 1839 sous le titre Établissements et coutumes, assises et arrêts de l'Échiquier de Normandie au treizième siècle (1207-1245). Le manuscrit ms HLS 91 (figure 2), de 145 feuillets r/v, est conservé dans la Harvard Law School Library.

[7] Deux manuscrits offrent des versions de la coutume qui ont circulé au 14e siècle : d'une part, le ms ADSM 28 F2 des Archives départementales de la Seine-Maritime, particulièrement long (462 feuillets) ; il contient la coutume et la Charte aux Normands (figure 3) ; d'autre part, le ms BNF fr. 5961 (figure 4) de la Bibliothèque nationale de France où l'on trouve (f° 1 à 68) le Grand Coutumier de Normandie réalisé par un copiste qui se nomme Thomas et, par la suite, la Charte aux Normands. Afin de compléter les données par d'autres témoins, une édition critique des Instrucions et ensaignemens, par les soins de Georges Besnier et Robert Génestal, a été ajoutée.

[8] Enfin, le seul témoin du 15e siècle est le manuscrit ms ADSM 76 J117 des Archives départementales de la Seine-Maritime, particulièrement soigné. Le manuscrit débute par la Charte aux Normands (figure 5).

[9] Outre leurs supports, ces textes présentent un autre avantage : les contenus du texte du ms HLS 91 et celui du ms BNF fr. 5961, d'une part, du texte du ms ADSM 28 F2 et du ms ADSM 76 J117, d'autre part, sont assez proches alors que, dans les deux cas, environ un siècle les sépare. Ils permettent ainsi de comparer idéalement deux synchronies, pour le plus grand bonheur des chercheurs.

Figure 1 : Page de garde du ms BSG 1743

Figure 2 : Début du ms HLS 91

Figure 3 : La Charte aux Normands dans le ms ADSM 28 F2

Figure 4 : f° 1 du ms BNF fr. 59616

Figure 5 : La Charte aux Normands dans le ms ADSM 76 J117

[10] À partir de ce champ d'observation, le présent article se propose de mesurer l'importance de trois faits de la langue médiévale dont l'existence dans les textes littéraires est bien établie. Le premier concerne la transcatégorialité/transcatégorisation du terme et, décrit dans la littérature comme conjonction (de coordination) et/ou connecteur, mais dont les lectures dépassent les deux statuts mentionnés. L'analyse proposée s'inscrit dans le cadre théorique de la transcatégorisation élargie (Capin & Badiou-Monferran 2020, entre autres). Le second concerne l'alternance que/ce que dans différentes subordonnées, mais aussi dans les incises et les incidentes de la langue ancienne. Le troisième implique la non-expression du sujet, une des particularités caractéristiques de la langue ancienne (Prévost 2011), reconnue à l'unanimité par les médiévistes. L'objectif de la contribution est double : (i) premièrement, de vérifier si les descriptions proposées dans les manuels et dans diverses études s'appliquent également aux textes juridiques ; (ii) de montrer, le cas échéant, les apports de ces textes sur le plan des connaissances linguistiques et sur celui des modalités établies du changement linguistique. Chemin faisant, l'étude proposera la désambiguïsation de certains énoncés, et signalera les différences des régimes énonciatifs de chaque texte.

2 Le cas de et

[11] Et est un terme difficile à cerner, un terme à 'géométrie variable'. Ce fait a suscité, et depuis fort longtemps, des appariements catégoriels différents en fonction des cas étudiés et aussi de l'état de langue étudiée. On a vu en lui un jonctif mais aussi un translatif (Tesnière 1959 : 323-334) ; il peut être catégorisé en tant que ligament mais aussi succédané de subordination (Antoine 1958-1962 : 813-865) ; d'autres contextes ont conduit à le classer en tant que terme de relance (Serbat 1990) ; particule (Tanquerey 1939) ; ponctuant (Marchello-Nizia 1978 ; Buridant 1980 ; Llamas-Pombo 2016) ; marqueur discursif (Badiou-Monferran & Capin 2020 : 368-370) ; interjection (Capin 2013, 2018), sans oublier la tradition scolaire qui le considère comme une conjonction de coordination mémorisable grâce à une litanie célèbre – Mais ou et donc Ornicar ? La prolifération des étiquettes suggère des chevauchements dans les lectures et des ambiguïtés. Celles-ci sont vite dissipées par le contexte/cotexte. Elles ne sont ni syntaxiques, ni sémantiques, mais pragmatiques ; par conséquent, elles obligent à considérer et en tant que terme sous-déterminé.

[12] Plusieurs études ont proposé des classements. En nous inspirant du cadre théorique de la transcatégorisation élargie (Capin & Badiou-Monferran 2020)7, nous avons proposé (Badiou-Monferran & Capin 2020, 2021), sur la base de relevés des textes littéraires, un classement des emplois de et sur trois niveaux. Parmi ces niveaux, on compte :

-

Le niveau référentiel, entendu comme le socle de base, non pas parce qu'il est antérieur du point de vue chronologique, ni parce qu'il est plus important au niveau de la fréquence, mais parce qu'il fait appel au contenu ;

-

le niveau épistémique, celui des opérations/déductions logiques, logiquement postérieures aux opérations de dénomination du niveau de base ;

-

le niveau discursif où le terme a une valeur procédurale qui se manifeste soit au niveau de la structuration du discours (en qualité de marqueur de balisage, indicateur de cohérence avec le discours qui précède, terme relançant le propos, ponctuant), soit au niveau interactionnel (en tant que particule qui renvoie à la situation de production du discours8).

Et opère un va-et-vient entre ces trois niveaux ; ce mouvement permet de comprendre la présence de niveaux intermédiaires, autrement dit la superposition des valeurs qui le caractérise. Au niveau de base, et désigne une opération d'addition et peut être catégorisé en tant que conjonction ; il fonctionne comme un connecteur au niveau épistémique ; enfin, au niveau discursif, et est un marqueur discursif (MD), démarcateur de discours ou marque d'interaction. Ce classement est pérenne : dans les grandes lignes, les catégorisations produites à chaque niveau sont attestées depuis le latin9. Deux critères essentiels nous ont guidé dans l'identification de chaque niveau : l'ordre des éléments reliés par et et la possibilité d'omission du terme. La transcatégorisation est illustrée dans les exemples suivants (1 à 9), issus d'éditions critiques de textes littéraires médiévaux. Cette présentation ne doit cependant pas faire oublier – on le rappellera plus loin – d'autres réalités du texte médiéval : tout d'abord, jusqu'au 16e siècle, et pouvait être rendu par les graphies e, et et aussi par la note tironienne ; ensuite, quelle que soit sa graphie, il pouvait apparaître en cooccurrence ou en alternance avec un signe de ponctuation, soit la virgula, soit le punctus ; enfin, il peut apparaître en cooccurrence avec un adverbial (Badiou-Monferran & Capin 2021) : et aprés, et puis, et voire, et plus, et loés10, etc. Revenons à la classification proposée. Elle distingue trois statuts principaux, avec des cas intermédiaires.

2.1 La coordination

[13] Celle-ci peut être stricte ou lâche11. Dans le premier cas (1), les éléments sont réversibles et la conjonction n'est pas supprimable ; dans le second (2 et 3), la réversion est toujours possible, mais la conjonction est supprimable :

(1)

… sauf qu'ilz prierent que encores on leur menast cent arbalestriers et coulevriniers (Jean de Roye, Chronique scandaleuse, 1460, 281, Frantext)

'… excepté le fait qu'ils demandèrent de leur faire envoyer cent arbalétriers et couleuvriniers'

(2)

Baissent les lances vers Flamans / et vers Françoys … (Renaut, Galeran de Bretagne, 13e siècle, v. 6020-6021)

'Ils baissent les lances contre les Flamands et les Français'

(3)

Une nuit terme li a mis / Qu'il l'en menra com vrais amis / En son païs mout richement / La l'espousera hautement / Si sera s'amie et sa fame. (Coincy, Miracles Nostre Dame, 1218, 194, Frantext)

'… là-bas, il l'épousera dignement ; elle sera son amie (? sa parente) et sa femme'

2.2 Cas intermédiaires, entre coordination et connexion

[14] L'ordre y est difficilement réversible, comme dans le cas suivant où le clitique n'est pas répété, engendrant ainsi l'effet de 'somme' :

(4)

Je vous amerroi la ou je ly vy huy et parlai (Fouke le Fitz Warin, 14e siècle, 37, BFM)

'Je vous amènerai là où je le vis aujourd'hui et (lui) parlai'

2.3 La connexion

[15] A ce niveau, l'ordre est déterminé, le contenu est élaboré sur la base de prémisses et accepte une paraphrase par 'X, je déduis que Y'.

(5)

Fiers est li reis a la barbe canue, E Bramidonie les turs li ad rendues / les dis sunt grandes les cinquante menues. (Chanson de Roland, 1125, v. 3654-3656, BFM)

'Fier est le roi à la barbe chenue, et / car Bramidoine lui a rendu les tours, dont dix sont grandes (et) cinquante petites' (cité et traduit par Antoine 1958-1962 : 894)

(6)

Et s'esté m'a dur ne cruel, / Trop plus que cy je ne raconte, / Je veul que le Dieu eternel / Luy soit dont semblable a ce compte. / Et l'Eglise nous dit et compte / Que prions pour noz annemys … (Villon, Le Testament, 15e siècle, v. 25-30, Frantext)

'Et s'il a été dur et cruel avec moi, bien plus que je ne le dis ici, je souhaite que l'Éternel agisse de la même façon avec lui. Pourtant l'Église nous demande de prier pour nos ennemis …'

2.4 Entre connexion et marquage discursif

[16] Ces cas signalent un décrochement énonciatif, visible, dans le cas des éditions critiques, grâce à l'utilisation de signes de ponctuation forte. Les indices suivants permettent de les reconnaître : l'inversion des éléments est impossible ; l'omission est possible en surface, mais pas en structure profonde. Ainsi dans :

(7)

Si com c'est veïr – et creire le deit on – / Defent mon cors e de mort et de prison / Que ne m'ocie cist Sarrazins felon. (Couronnement de Louis, 1130, v. 1022-1024, Frantext)

'Puisque c'est vrai – et l'on doit le croire – Protège-moi de mort et de prison, afin que ce traître sarrasin ne me tue pas'

il s'agit d'une parenthétique qui n'est pas le pendant de On doit croire que c'est vrai.

2.5 Le marquage discursif

[17] Ces cas relèvent du niveau trois. A ce niveau, et donne des instructions sur la façon d'intégrer le message dans la représentation globale du discours. Aux deux types prédéfinis – celui de l'organisateur textuel qui relance le nouveau propos, indique la progression de l'information et lui donne une orientation prospective (Rychner 1970 ; Serbat 1990 ; Bordas 2005 ; Badiou-Monferran & Monferran 2021) et celui de la particule phatique et pragmatique qui participe à l'interaction, véhiculant une émotion ou une expressivité (Capin 2013, 2018) – correspondent, respectivement, les exemples (8) et (9) :

(8)

Il descent a l'entree, et oste son hiaume, et puis entre dedenz et trueve devant l'autel deus preudomes vestuz de robes blanches, et bien resembloient provoire ; et si estoient il. (Mort Artu, 1230, 258, BFM)

'Il descend à l'entrée de l'église et enlève son heaume, et puis entre, et trouve devant l'autel deux hommes vêtus de blanc habits et ils ressemblaient à des prêtres et ils l'étaient vraiment'

(9)

Ahi! Mahonmet sire, fait-il, et car m'aidiés ! (Adenet le Roi, Buevon de Conmarchis, 1271, 120, Frantext)

'Ah ! Mahomet, sire, fit-il, aidez-moi donc !'

[18] Les trois statuts se maintiennent en diachronie longue, mais dans des proportions différentes : l'usage du et en tant que MD décline au fil des siècles, sans disparaître complètement. À la différence de l'opinion générale qui commente cette baisse en évoquant un épiphénomène, et/ou une conséquence du mouvement d'intégration syntaxique, nous avons proposé (Badiou-Monferran & Capin 2020) d'y voir la conséquence de l'autonomisation de l'oral par rapport à l'écrit. À ce titre, l'examen des manuscrits de la coutume pouvait apporter des réponses intéressantes, non seulement pour valider ou invalider le classement proposé, mais aussi pour apporter un témoignage quant à la langue des textes juridiques de l'époque médiévale : la présence de et, marqueur discursif, pourrait conforter l'analyse du caractère encore 'oral' de ces textes, et plaider pour une caractérisation différente de la langue utilisée, comparée à celle de la langue littéraire, plus contrainte. Certes, ce raisonnement vient heurter une opinion si souvent exprimée qu'elle est devenue désormais une certitude : celle qui affirme que la langue juridique est une langue formelle, codée et élaborée. On verra, dans ce qui suit, que cette opinion, particulièrement juste lorsqu'elle concerne la langue juridique moderne (Cornu 2005), ne peut pas s'appliquer pleinement à la langue utilisée dans les textes juridiques médiévaux.

2.6 Et à l'épreuve des textes du corpus

[19] Que trouve-t-on dans les textes du corpus étudié, datés du 13e siècle ? Dans le ms BSG 1743, on trouve (la note tironienne) et e, graphié seul, sans t. Marnier (1839) respecte scrupuleusement cette différence dans son édition : il développe la note tironienne en et et garde e, seul, pour la forme non abrégée. Puisque les deux coexistent, doit-on y voir des valeurs différentes ? L'examen du texte montre que l'abréviation (respectivement, le et chez Marnier 1839) est essentiellement utilisée pour noter la coordination, alors que e peut noter le connecteur et le MD. Ainsi, le passage suivant décrit la sanction du duc face à un homicide : la grâce peut intervenir seulement si l'assassin s'est réconcilié au préalable avec les amis (les parents) de celui qu'il a tué. L'exemple (10) donne la transcription diplomatique du ms BSG 1743 ; l'exemple (11) montre le même passage dans l'édition Marnier (1839) :

(10)

Se li homicides puet aquerre la pes as amis a cels que il a ocis, ce ne uaut riens se il n'a la pes le duc. E se il a pesdune part ⁊ dautre il ait les lettres le duc .enque12 sa pes soit contenue. ⁊ les port sellees a son col .i. an ⁊ .i. jor sique il soit veuz as assises. ⁊ as foires. ⁊ al marchiez del país.sique li serjant ne le truissent sanz leseelleduc. ⁊ que tuit cil qui uerront la droiture ⁊ la leal iustice leduc.le gardent damcheoir en autretel homecide. Se cil homecides est quens ou barons. ou de noble lignage. il ne portera pas a son collesletres. (ms BSG 1743, De fuitis, f° 219v)

(11)

Se li homicides puet aquerre la pès13 as amis à cels que il a ocis, ce ne vaut riens se il n'a la pès le duc ; e se il a pès d'une part et d'autre il ait les lettres le duc en que sa pès soit contenue, et les port séellées à son col I an et I jor, sique il soit veuz as assises et as foires, et al marchiez del païs, si que li sergent ne le truissent sanz le séel le duc, et que tuit cil qui verront la droiture et la léal justice le duc, se gardent d'amcheoir en autretel homecide. Se cil homecides est quens ou barons, ou de noble lignage, il ne portera pas à son col les letres. (Marnier 1839, De fuitis)

[20] Comme on le voit, la note tironienne est utilisée majoritairement pour coordonner des syntagmes – d'une part ⁊ d'autre ; .i.an ⁊ .i.jor 'un an et un jour'; as assises. ⁊ as foires. ⁊ al marchiez del país 'aux assises, et aux foires, et aux marchés' ; la droiture ⁊ la leal iustice leduc 'la droiture et la grande justice du duc'. Elle note également la coordination des propositions : les apodoses – il ait les lettres le duc […] ⁊ les port sellees a son col 'qu'il ait les lettres du duc et (qu'il) les porte avec le sceau du duc à son cou' ; et les consécutives sique li serjant ne le truissent sanz leseelleduc . ⁊ que tuit cil qui uerront la droiture … 'de sorte que les sergents/officiers ne le trouvent pas sans le sceau du duc et que tous ceux qui verront la droiture et la grande justice du duc …'. Quel que soit le cas, l'opération de base est l'addition. Elle est rendue de manière différente : la coordination est stricte dans le cas de un an et un jour, puisqu'elle est difficilement supprimable, mais dans le reste des exemples elle pourrait être qualifiée de lâche (cf. supra) puisque le coordonnant est omissible et l'ordre peut, majoritairement, être inversé14. La situation est différente dans le cas de e (ligne 2) : l'addition est toujours présente, mais la lecture est implicative, puisque l'ordre est déterminé. Le premier argument – Si celui qui a commis un meurtre peut obtenir la réconciliation des amis de ceux qu'il a tués, cette réconciliation ne compte pas s'il n'a pas obtenu la grâce du duc – est suivi par l'argument opposé : s'il a pardon d'une part et d'autre, qu'il ait les lettres du duc contenant son pardon …. La lecture est implicative, l'ordre est déterminé, par conséquent, l'interprétation est épistémique. E fonctionne alors comme un connecteur, ce qui autoriserait la traduction suivante :

(12)

'Si celui qui a commis un meurtre peut obtenir le pardon des amis de ceux qu'il a tués, ce pardon ne compte pas s'il n'a pas obtenu la grâce du duc. Mais s'il a pardon d'une part et d'autre, qu'il ait en sa possession les lettres du duc qui contiennent sa grâce et qu'il les porte un an et un jour avec le sceau du duc à son cou, de sorte qu'il soit vu aux assises, aux foires et aux marchés du pays, que les sergents ne le trouvent pas sans le sceau du duc et que tous ceux qui verront la droiture et la grande justice du duc se gardent de tomber dans un tel crime. Si l'homicide est comte ou baron ou homme de noble lignage, il ne portera pas les lettres à son cou.'

[21] La différence dans la distribution et les valeurs des graphies peut être observée également dans le cas suivant. Il indique la procédure pour le coupable qui s'enfuit après avoir commis un crime (Des pes fuitis) L'abréviation par la note tironienne semble de nouveau mobilisée essentiellement pour noter la conjonction, alors que e est utilisé dans deux cas différents : soit pour structurer le discours et pour noter la progression de l'argumentation – il relève alors du marquage discursif –, soit pour traduire une implication ; dans ce dernier cas, e fonctionne à la manière d'un connecteur (13), comme dans les exemples de (10) à (12) :

(13)

Li conte ⁊ li baron ⁊ tuit li home sont tenuz par leur serement agarder la pesleduc ⁊ leal justice. e se aucuns est fuitis por aucun crime ⁊ il est apelez a trois assises asmarchiez del país devenir a lasise ⁊ as plez por fere le droit del país e il n'ose venir a la justice si chatel soient pris ⁊ soient randu ala justice ⁊ ses nons soit escriz es roles le duc e sa meson soit arsse, se elle est en vile,·e se elle est en borc ou en cite elle soit abatue ⁊ portee hors de la vile ⁊ arse endroit midi ce fet len que tuit voient la leal justice le duc ⁊ aient peor deincheoir en tel perill (ms BSG 1743, Des pes fuitis, f° 211b)

Pour marquer les étapes dans l'argumentation, la traduction qui suit (14) introduit des alinéas et utilise les chiffres en indice pour faciliter le commentaire des et :

(14)

'Les contes, les barons et tous les hommes sont tenus par leur serment à respecter la justice du duc et la légalité.

Et1 si un homme est en fuite pour un crime et2 s'il est appelé pendant trois assemblées des juridictions mixtes à se présenter aux assises et3 au procès pour que la justice du pays soit appliquée, et4 s'il n'ose pas s'y rendre

-que ses biens soient saisis et5 rendus à la justice et6 son nom soit inscrit au registre du duc

-et7 que sa maison soit brûlée si elle est située dans la campagne et8 si elle se trouve dans un bourg ou dans une cité, qu'elle soit démolie et9 transportée hors et10 brûlée à midi. L'on fait cela, afin que tous voient la droite justice rendue par le duc et11 qu'ils aient peur d'encourir semblable risque.'

En effet, dans Et si un homme est en fuite…, et1 n'additionne pas une information à la précédente. Il sert à introduire un cas concret, distinct de l'assertion précédente qui énonce la règle générale. Et1 introduit une protase qui ne compte pas parmi ses propriétés l'opération d'ajout mais plutôt une opération d'extraction par rapport à l'information antérieure. Qui plus est, dans le manuscrit e (écrit et non abrégé) est précédé par un punctus. On pourrait alors le considérer comme une alternative pour démarquer l'énonciation des faits de l'énonciation de la règle, soit comme un MD et, par conséquent, comme un terme optionnel (cf. supra). De même, et4, également écrit et non abrégé dans le manuscrit, opère un décrochage énonciatif ; il constitue un marqueur de surenchère qui recycle l'information précédente (Badiou-Monferran & Capin 2021) : étant en fuite, l'homme est appelé trois fois ; il ne s'est pas présenté aux assises. L'information suivante – 'il n'ose pas se rendre aux assises' – rebondit sur la précédente ; et4 pourrait être glosé par 'et surtout, si …', 'et en outre, si ..', 'et mieux encore, si …'. Il en est tout autrement des et restants : la réalisation d'une opération d'addition ne permet pas de supprimer les et qui servent à conjoindre des propositions – et2, et6, et7, et11 – ni le et qui additionne deux noms communs – et3 –, encore moins les et qui additionnent des participes – et5, et9, et10. À l'opération d'addition sous-jacente se greffe une nuance d'opposition logique dans le cas du et8 puisque l'interprétation du circonstant dans la campagne pourrait contraster avec dans un bourg ou dans une cité. Si cette interprétation est juste, et8 fonctionnerait comme un connecteur admettant une traduction par mais.

[22] Qu'est-ce à dire ? L'étude du ms BSG 1743 permet de noter que l'auteur ou le copiste ont peut-être cherché à distinguer, d'une part, le coordonnant, d'autre part, le connecteur et le MD, en privilégiant l'abréviation par la note tironienne ⁊ pour noter le premier et la lettre e pour les deux autres. Ange-Ignace Marnier a scrupuleusement suivi cette distinction dans son édition.

[23] Les autres textes et manuscrits analysés semblent confirmer cette tendance. Dans le ms HLS 91 et en lettres apparaît majoritairement en début d'une nouvelle séquence signalée par le pied de mouche, ce dernier réalisé en couleur bleue ou rouge (cf. figure 2), le signe étant réservé plutôt à la coordination :

(15)

Et por ce donc que les lois ⁊ les establissemens que les princes de normendie establirent par grant porveance ⁊ par le conseil de prelaz ⁊ de barons ⁊ dautres sages home qui … (ms HLS 91, f° 7)

'Et parce que les lois et établissements que les princes de Normandie établirent par grande sagesse et sur le conseil des prélats et barons et autres hommes sages …'

(16)

Et por ce doit len savoir que justise poet estre fete en trois manieres.ce est par le mueble ou par le fieu ou par lecor ... (ms HLS 91, f° 17)

'Et pour ceci / à cause de ceci, on doit savoir que justice pourrait être rendue par saisie de bien, par saisie de fief ou par l'emprisonnement de la personne ...'

(17)

Et se le segnor ne levelt fere.le seriant doit prendre les pleges ⁊ metre les nans hors de tout en tout ⁊ assigner jor a lun ⁊ lautre as premieres assises (ms HLS 91, f° 22)

'Et si le seigneur ne veut pas le faire, le sergent doit prendre les garants et saisir les cautions et fixer une date à l'un et à l'autre pour la première session'

La cooccurrence avec le pied-de-mouche, signe de ponctuation externe (Arabyan 1994 : 157) au début d'un bloc thématique permet de plaider, ici aussi, pour un rôle de MD de type 'organisateur textuel' (cf. supra, ainsi que Beeching 2002 : 48-52, parmi d'autres). Et est supprimable ; si, dans le cas 'Et pour ce doit-on savoir', il fonctionne comme un et de relance et rebondit sur l'information précédente (15 et 16), dans le cas de 'Et si' (17), le lien avec l'information précédente est lâche ; et sert alors seulement à structurer l'énoncé.

[24] La même distribution peut être observée dans le ms BNF fr. 5961 du 14e siècle : et (en lettres) y est associé à un pied-de-mouche de couleur rouge ou bleue (cf. figure 4) ; un décompte effectué sur l'ensemble des 68 feuillets contenant la coutume, permet de noter 27 occurrences de ¶ Et lon doit savoir, face à 4 occurrences de ¶ Len doit savoir et 3 occ. ⁊ si doit len savoir, soit un usage massif du et de relance.

[25] L'exploitation argumentative semble encore plus nette dans le ms ADSM 76 J117 du 15e siècle : et y est en covariance avec la note tironienne (18) ; mais à la différence de cette dernière, il semble sollicité pour marquer la surenchère ; il accepterait à ce titre l'adjonction d'un adverbial de type 'et en outre', 'et en plus', 'et de surcroît', 'et aussi'.

(18)

Loys par la grace de dieu roy de france. et de nauarre atous noz feaulz et noz justiciers. salut. ⁊ paix. nos auons receue la grieue complainte des barons des chevaliers . ⁊ de tous autres nobles ⁊ submiz et du menu peuples de nostre duchie, de normendie content . que du temps saint loys nostre besael . moult de griefs leurs auoient este fais . et de nouueautez tailles subuencions . ⁊ imposicons diverses contre la coustume du pays ⁊ contre les droiz et les franchisez diceluy desqueles choses griefz esclandes apparissoient aeulz a leurs hoiirs ⁊ aleurs successeurs et porroient estre engendrez prejudices infiniz. (ms ADSM 76 J117, f° 1)

Si cette analyse est juste, on pourrait proposer la traduction : 'Louis, roi de France et encore15 de Navarre, a tous nos sujets et aussi à nos juges'. Dans ce qui suit, la coordination permet d'additionner les barons, les chevaliers et les nobles soumis et de leur ajouter 'et, de même, le menu peuple'. Plus loin, la hiérarchisation continue : 'tout le peuple a subi des préjudices et de plus, des agressions troublant la possession de ses biens : tailles, redevances, et impositions diverses à l'encontre de la coutume du pays et des droits des particuliers et même, contre les avantages accordés à la communauté dans ce pays16, ce qui constitue de graves outrages et, qui plus est, pourrait engendrer de préjudices infinis'.

[26] Un siècle plus tôt, la version de la Charte aux Normands du ms ADSM 28 F2 est différente. Et est représenté uniquement par la note tironienne, ainsi que le laisse voir le début du manuscrit (cf. figure 3) :

(19)

Loys par la grace de dieu roy de france . ⁊ de nauarre atos nos feaulx iusticiers Salut ⁊ paix ¶ Nous auon receu la griefue complainte des prelats ⁊ des personnes deglise barons chevaliers ⁊ autres nobles ⁊ sugges ⁊ populaires du duchies de normendie content que puis le temps de Monseigneur Saint Loys nostre besael … (ms ADSM 28 F2, f° 1)

Il est difficile, dans l'absence de covariance, de proposer la même interprétation que celle de la Charte aux Normands du ms ADSM 76 J117 du 15e siècle. En revanche, excepté ce passage introductif, le reste du manuscrit note et non-abrégé, en particulier après un pied-de-mouche dans la formule ¶ Et pour ce.

[27] Que conclure au terme de cet aperçu ? Et apparaît dans les textes étudiés sous deux graphies – il est soit abrégé (⁊), soit écrit en lettres (e ou et). L'examen des configurations où ces signes apparaissent montre une tendance à utiliser la note tironienne pour indiquer les emplois conjonctifs de et, à la différence des graphies développées qui privilégient plutôt l'indication de la connexion ou du marquage discursif. Cette pratique valide l'analyse transcatégorielle de et. Quelle que soit la part de subjectivité dans l'interprétation proposée, force est de reconnaître la présence d'un et, marqueur discursif. S'agit-il d'une marque d'oralité ? On pourrait l'admettre pour les cas examinés plus haut. Mais l'étude d'énoncés comme celui de la Charte aux Normands, texte plus solennel compte tenu de l'acte qu'il représente, où et apparaît en cooccurrence avec un pied-de-mouche, marque externe d'organisation textuelle, incite à y voir également une exploitation stylistique, probablement annonciatrice du style formulaire et très contraint des textes juridiques actuels.

3 L'alternance ce/Ø

[28] L'examen d'un autre fait de langue, outre son intérêt pour la collecte et l'analyse des faits linguistiques, permet d'apporter des indices supplémentaires en réponse aux interrogations sur les différences entre les textes littéraires et les textes juridiques. Il s'agit de l'alternance que/ce que (ces derniers pouvant être contigus ou non, soit ce …. que) à la 'charnière' de certaines subordonnées. Des études antérieures nous ont permis d'y associer l'alternance ce + verbe de dire/Ø + verbe de dire que l'on trouve dans les incises et incidentes des textes littéraires du Moyen Âge17. Dans ce qui suit, la formule ce/Ø regroupe tous les cas précités. L'alternance se manifeste aussi bien en contexte subordonnant que non-subordonnant.

3.1 Alternance dans des contextes subordonnants

[29] L'alternance ce que/que à la jonction de différentes subordonnées est signalée dans beaucoup de manuels (Buridant 2019 : 212-216 ; Foulet 1990 [1919] : 331-332 ; Martin & Wilmet 1980 : 223-226). Des études spécifiques, réalisées dans des cadres différents, proposent des pistes et des explications pour cette alternance – des études dédiées au démonstratifs (Marchello-Nizia 2019), aux locutions conjonctives dans leur ensemble (Combettes 2008), aux conjonctions introduisant des circonstancielles (Combettes 2006) ou des complétives (Rouquier 1990 ; Pierrard 1995), à l'évolution des relatives (Muller 2008, 2013), des études sur les constructions clivées, pseudo-clivées et liées (Muller 2003 ; Rouquier 2014). L'inventaire qui suit est basé uniquement sur des attestations de textes littéraires relevées dans le cadre d'études antérieures.

-

Alternance dans le cas de la complétive directe :

(20)

… quant il vit ce que le roy Jehan son pere fu mors … (Chronique de la Morée, 14e siècle, 77, BFM)

'… quand il vit que le roi Jean son père était mort'

(21)

Ço dist li reis que sa guerre out finee. (Chanson de Roland, 1125, v. 705, BFM)

'Le roi dit que sa guerre est terminée'

(22)

Et qant mes sire Yder ce vit que proieere n'i valroit rien … (Vengeance Raguidel, début 13e siècle, 60, Frantext)

'Et quand monseigneur Yder vit que la prière ne servait à rien …'

(23)

Respundi Siba : « Sire, sire, çó requier que grace truisse envers téi. » (Les Quatre Livres des Rois, 1175, 88, BFM)

'… Seigneur, seigneur, je demande de trouver la grâce auprès de toi !'

(24)

Et cele dit que onques deseritee n'en fu, ce est ele preste del prover … (Queste Graal, 1220, 162, BFM)

'Elle dit qu'elle n'avait jamais été déshéritée ; elle était prête à le prouver …'

-

Alternance dans le cas de la complétive indirecte :

(25)

Et la dame mout s'esjoï … Et de ce que elle amenoit / Le lyeon et le chevalier (Yvain, 1178-1181, v. 6711-6716, BFM)

'Et la dame se réjouit beaucoup de ce qu'elle amenait le lion et le chevalier'

(26)

… moult se merveilla de ce que le traïtre lui avoit laissié son cheval. (Bérinus, 14e siècle, 326, BFM)

'… (il)18 s'étonna beaucoup de ce que le traître lui avait laissé son cheval'

(27)

Mais nuls ne se merveille que li soflement des ventz batent les rivages de la mer par grantz ondes … (Del Confortement de Philosophie, 1240, 146, Frantext)

'Mais personne ne s'étonne que les rafales de vents s'abattent sur les rivages de la mer avec véhémence …'

-

Alternance dans le cas de la complétive sujet19 :

(28)

…mais ce que il se deguisa en semblance de nouvel chevalier m'en toli la droite connoissance. (La mort du roi Artu, 1230, 28, BFM)

'Mais le fait qu'il se déguisa …'

(29)

Mais que j'aie laissiet ma char devourer a lions ne sai ge nient que che soit voirs encore. (La Suite du Roman de Merlin, 1235, 307, Frantext)

'Mais le fait que j'ai laissé ma chair dévorer par les lions n'est pas vrai, que je sache …'

(30)

Mais ce l'en a fait esloignier qu'il a dit qu'ele n'est pas pucele. (Jean Renart, Guillaume de Dôle, début 13e siècle, v. 3974-3975, Frantext)

'Mais le fait qu'il a dit qu'elle n'était pas vierge l'a fait éloigner'

-

Alternance dans le cas de la relative périphrastique (Riegel, Pellat & Rioul 1994 : 487-488) :

(31)

Saveir voleit que cil faiseit (Marie de France, Guigemar, dernier tiers du 12e siècle, v. 465-468)

'(Il) voulait savoir ce que celui-ci faisait'

(32)

Ne volum pas desfaire ceo que firent li maire (Comput, 12e siècle, v. 2031, BFM)

'(Nous) ne voulons pas défaire ce que nos aînés ont fait'

(33)

Ço est failli que Deus m'aveit presté. (Chanson de Guillaume, 12e siècle, v. 1332-1340, Frantext)

'Ce que Dieu m'avait prêté a disparu'

-

Alternance dans le cas de la relative pseudo-périphrastique (Kuyumcuyan 2011)20 :

(34)

Chevaucherent vers Roem dreit / Ce que il porent a espleit (Benoît de Sainte Maure, Chronique des ducs de Normandie, début 13e siècle, v. 11275-6, BFM)

'(Ils) chevauchèrent droit jusqu'à Rouen, ce qu'ils firent avec empressement'

(35)

La royne Hester si a prié le roy Assuaire a disner / Et, pour ma personne honnorer / M'a invité avec le roy, / Moy seul, et non autre que moy, / Que je repute a grant honneur (Mystère du Viel Testament, début 16e siècle, v. 47230-6, Frantext)

'La reine Esther […] m'a invité avec le roi, moi seul et personne d'autre, ce que je considère comme un grand honneur'

-

Alternance dans le cas des constructions impersonnelles :

(36)

Ço est merveille que Deus le soefret tant. (Chanson de Roland, 1125, v. 1774, BFM)

'(Il) est étonnant que Dieu le supporte tant'

(37)

Il ne finat tut le jur hui / De turneer e de juster, / Merveille est ke il pout tant durer. (Hue de Rotelande, Ipomédon, 1180, 262, Frantext)

'Toute cette journée, il n'arrêta pas de faire des combats et des joutes. (Il) est étonnant qu'il ait pu tant durer'

-

Alternance dans le cas des circonstancielles :

(38)

Grant paor a de son ami, / au chevalier crie merchi, / que a lui a jousté avant / que il s'en departist atant. (Espine, 13e siècle, v. 459-463, BFM)

'Elle a peur pour son ami, elle réclame la grâce au chevalier qu'il avait affronté au combat avant qu'il ne parte'

(39)

Li rois, qui bien savoit que les barons ne l'avoient pas a cuer et que il le menaçoient, apela I jor celi Guinement avant ce que il fust essiliez dou roiaume. (Chroniques de France 1, 13e siècle, 28, BFM)

'Le roi, qui savait bien que ses nobles ne l'estimaient pas et qu'ils proféraient des menaces contre lui, appela un jour Guinement avant que celui-ci ne fût exilé du royaume'

3.2 Alternance dans des contextes non-subordonnants

[30] On retrouve la même alternance dans des contextes non-subordonnants. Premièrement, elle concerne le cas des incises :

(40)

« Sire rei, dist Merlin, entent ; / Desuz ta tur, el fundement, / Ad un estanc grant e parfunt. » (Wace, Le Roman de Brut, 1155, v. 369, Frantext)

'« Sire roi, dit Merlin, écoute-moi. Sous ta tour, dans les fondations, il y a un grand et profond étang … »'

(41)

« Rei, ço dist Merlin, mandé m'as ; / Que me vuels, pur quei me mandas ? » (Wace, Le Roman de Brut, 1155, v. 365, Frantext)

'« Roi, dit Merlin, tu m'as fait venir ; que me veux-tu, pourquoi m'as-tu fait chercher ? »'

Si, comme le soutiennent beaucoup de chercheurs (cf. Thompson & Mulac 1991, entre autres), l'on accepte de voir dans l'incise une réduction de la complétive depuis Il dit que X jusqu'à X, dit-il, cette alternance devrait être traitée dans la suite des cas énumérés plus haut.

[31] Deuxièmement, l'alternance concerne le cas de l'incidente. Dans ce cas, il ne s'agit pas véritablement d'alternance, mais de variation dans le temps. En effet, jusqu'au 16e siècle, l'incidente se construit majoritairement avec ce (Capin 2020 ; Glikman & Schneider 2018), comme dans l'exemple suivant :

(42)

La roÿne le fist, ce dist en la leçon, / Qui par sa grant biauté deçut roy Salemon. (Alexandre de Paris, Le Roman d'Alexandre, 44, 1180, Frantext)

'La reine le fit, ce dit l'Écriture, elle qui par sa grande beauté trompa le roi Salomon'

Les premiers exemples sans ce datent du 16e siècle :

(43)

S'il avoit soif il demandoit à boire à ma femme, la remerciant assez doulcement (advisez je ne m'en doutois point) disant qu'elle prenoit beaucoup de peine, et qu'il la serviroit le jour de ses nopces, puis, se tournant vers moy, me monstroit un couteau, un chaussepié qu'il (disoit-il) avoit achapté à Marsille Seichault, me demandant en conscience s'il estoit point trompé. (Noël du Fail, Les Baliverneries d'Eutrapel, 1548, 675, Frantext)

'… me montrait un instrument tranchant, un chausse pied qu'il, disait-il, avait acheté à Marsille Seichault …'

Au 17e siècle, l'incidente se construit majoritairement avec comme :

(44)

il ne voulut point que M De Beaufort y entrât, soit qu'en effet il crut, comme il le disoit, qu'il y eût trop de péril pour lui, soit que sachant que je ne faisois pas état que celui qui iroit de nous deux y vît le Cardinal Mazarin …. (Retz, Mémoires, t. 2, 1679, 520, Frantext)

[32] On le voit : l'inventaire montre que l'alternance affecte des configurations fort différentes. Compte tenu de l'évolution ultérieure, conduisant soit à la disparition, soit au maintien de ce, la question le plus souvent débattue dans les analyses proposées est liée au statut de ce dernier. La majorité des interprétations (cf. les références dans § 3.1) proposent d'y voir, en particulier dans le cas de la complétive, un terme plein, en fonction d'objet, sorte de pronom cataphorique. En position frontale (comme en 21), ce marquerait la thématisation de l'énoncé. La même interprétation est proposée pour la construction impersonnelle introduite par ce est : ce est merveille que… (comme en 36) ; ce me poise que …. Cette explication nous paraissait incompatible avec un autre fait dont il sera question dans ce qui suit : le sujet pronominal n'est pas toujours exprimé dans les textes littéraires médiévaux. Par conséquent, il semblait difficile d'admettre que, en contrepartie, on pouvait recourir à la réduplication de l'objet. Trois études réalisées sur les alternances signalées (Capin 2019a, 2019b, 2020) nous ont permis de proposer une explication différente. Elle prenait en compte :

-

la difficulté de déterminer le statut référentiel de ce ;

-

la faible fréquence des constructions complétives directes réalisées avec le démonstratif, comparées aux constructions sans démonstratif et le fait que les premières ne semblent pas attestées au-delà du 12e siècle, du moins suivant les données des bases textuelles actuellement accessibles ;

-

l'influence du type de texte – les configurations avec ce sont largement majoritaires dans les textes en vers ;

-

les 'histoires' corrélées de toutes ces constructions qui justifient la présence d'un ce 'redondant'. Ainsi, le latin tardif utilisait eo/hoc quod pour introduire la complétive et la relative ; pendant la même période, le discours rapporté était marqué par le redoublement des verbes de dire ; quant à la langue médiévale, la syntaxe de l'ancien français privilégie le fonctionnel et l'expression des dépendances fortes, etc.

[33] Ces observations conduisaient à proposer le parcours suivant : pendant une courte période de temps, un mode de jonction alternatif – soit que, joncteur simple, soit ce que (conjoint ou disjoint), joncteur complexe, conforme au modèle latin – a été utilisé pour introduire les complétives et aussi les relatives. Dans les deux cas, les constructions avec que et avec ce que alternent. Dans l'association, ce a dû être interprété de deux façons : soit en tant que partie intégrante du joncteur, sorte de calque sur le modèle latin, soit en tant que nominal vague, de type ceci/cela, marque (orale ?) de segmentation des énoncés. Comme expliqué dans Muller (2008, 2013), ce a disparu lorsqu'il fallait introduire l'argument verbal, la nominalisation n'étant plus interprétée comme nécessaire, en particulier dans le cas de la complétive directe et des suites impersonnelles non-identificationnelles. Ce s'est maintenu dans des cas où, justement, la nominalisation était nécessaire, comme dans les complétives sujet, les complétives compléments de noms ou d'adjectifs et dans des complétives indirectes. Dans ces cas, ce est passé du statut de nominal vague indéterminé à celui de nominal vague déterminé – son remplacement dans la langue moderne par un nom très général de type le fait auquel s'associe la complétive sujet et la complétive complément du nom en constitue la preuve21. Ce s'est imposé dans les périphrastiques et pseudo-périphrastiques pour matérialiser l'antécédent sous la forme d'un pronom cata-/ana-phorique. Selon les spécialistes (Jokinen 1978, 1986 ; Kunstmann 1990 ; Pierrard 1995, parmi d'autres), dans le cas des périphrastiques, cette modification a eu lieu dès le moyen français, soit à une période où la complétive directe est déjà 'stabilisée' et essentiellement introduite par que, seul. Elle intervient plus tard dans le cas des pseudo-périphrastiques. Ainsi les deux types de relatives vont garder une structure uniforme, mais avec des degrés différents d'intégration de la relative. Si la proposition d'adjoindre les incises à l'inventaire des alternances est acceptée, on pourrait analyser ce dans les incises comme l'héritier du ce de la complétive, mais avec un usage détourné, comme marque explicite de fin ou de début de segment et/ou comme marque d'oralisation du dit, en continuité avec le modèle latin d'insertion de discours rapporté (cf. supra).

3.3 Alternance dans le corpus à l'étude

[34] Quelles réalisations offrent les textes juridiques du corpus étudié ? Comme on pouvait s'y attendre, toutes les configurations de l'inventaire ci-dessus ne sont pas attestées : on trouve essentiellement des complétives directes et des relatives périphrastiques, occasionnellement des circonstancielles (essentiellement introduites par por ce que et ja soit ce que). La complétive directe est introduite uniquement par que22, la périphrastique – par ce que/qui, conjoints, comme dans les exemples suivants :

(45)

R dist que H estoit bastart ⁊ nom pas oirs e por ce que la cause de la bastardie napartient pas ala cort seculermes a cele de sainte yglise ge vous mant que vos ooiz la cause ⁊ me faciez savoir ce qui en sera jugie en la cort sainte yglise (ms BSG 1743, f° 233)

'R. dit que H. était un bâtard et non un héritier. Et parce que la cause de bâtardise ne relève pas de la cour séculière mais de celle de la sainte église, je vous ordonne que vous entendiez la cause et que vous me fassiez savoir ce qui sera décidé à la cour judiciaire de la sainte église'

(46)

je requier a cels qui ceste oevre esgarderont que il amendent ce que il verront a amender ⁊ metent ce qui i faudra·⁊ en ostent ce que lieu ne tendra ⁊ maident en aucune chose (ms HLS 91, f° 9)

'… je demande à ceux qui examineront cette affaire qu'ils apportent des amendements à ce qu'il y verront et y ajoutent ce qui manque et enlèvent ce qui n'est pas nécessaire et qu'ils m'apportent de l'aide en toute chose'

Les rares cas de discours direct n'offrent pas d'incises :

(47)

Il ne loise pas as segneurs de terre à metre les homes qui ont costume en leur forest, em prison, por aucun forfet de la forest, se il ne sont trové ociant bestes, einz leur soient lor gage randu par pleges et jorz asis de fere droit : e se plez est meuz de la costume et cil qui est retez dit : je fui pris en ma costume? li lieus doit estre veuz, et si doit l'en enquerre si fu pris en sa costume ou el forfet de la forest. (Marnier 1839, De forfez de bois)

'… et si un procès de droit a lieu et celui qui est retenu dit : j'ai été pris dans mon droit ?, l'affaire doit être examinée et on doit enquêter pour savoir s'il était arrêté dans son droit ou en délit d'usage de la forêt'

[35] Même si tous les cas signalés dans l'inventaire basé sur des textes littéraires ne trouvent pas leur contrepartie dans les textes juridiques examinés, deux remarques s'imposent. Tout d'abord, la complétive directe est introduite uniquement par que. L'absence de ce permet de relativiser l'importance accordée à l'alternance que/ce que dans les études consacrées à la complétive dans les textes littéraires. Elle confirme l'interprétation transcatégorielle de ce proposée plus haut : sa présence dans les complétives des textes littéraires doit être entendue comme une trace du patron latin et non comme la matérialisation d'un objet. Les textes en vers qui attestent sa présence – essentiellement des chansons de geste – auraient utilisé ce pour satisfaire les exigences du mètre.

[36] À l'opposé, la présence massive de ce dans les relatives périphrastiques des textes juridiques étudiés signale un autre décalage dans la description des faits : si, comme cela a été déjà souligné plus haut, l'adoption définitive de ce, autrement dit sa stabilisation, est tardive dans les textes littéraires, elle aurait été beaucoup plus précoce dans les textes juridiques.

4 Le sujet pronominal non-exprimé

[37] L'étude contrastive de la réalisation et de l'interprétation des deux premiers faits de langue entre les textes littéraires et les textes du corpus étudié se termine par le troisième et dernier – celui de l'expression du sujet pronominal personnel et impersonnel.

[38] Le sujet pronominal non-exprimé compte parmi les caractéristiques les plus saillantes des textes littéraires de la période de l'ancien français (cf. GGHF : 1055-1082). Les nombreuses études réalisées à ce jour soulignent que la non-expression n'affecte pas toutes les personnes de la même manière, qu'elle est plus fréquente dans la principale que dans la subordonnée. Les études avancent plusieurs explications : la non-expression serait une conséquence de la richesse de la morphologie verbale (à commencer par Chomsky 1991 [1981], repris par Rizzi 198223) ; elle dépend de la syntaxe de la phrase (Foulet 1990 [1919] : 319-329 ; Franzén 1939 ; Skårup 1975 ; Vance 1997, entre autres) ; la non-expression serait corrélée à la thématisation et/ou rhématisation de l'énoncé (Buridant 2019 : 634-638), à la présence d'un topique ou d'une expression focalisée (Ingham 2018) ; elle n'affecte pas toutes les personnes du pronom personnel de la même façon (Detges 2003 ; Prévost 2015 ; Goux & Larrivée 2020) ; la non-expression est liée à la longueur du texte, puisque cette dernière détermine l'apparition des chaînes anaphoriques (Marchello-Nizia 2018) ; la non-expression correspond à une organisation particulière de la continuité référentielle laquelle se modifie avec le temps (Capin & Larrivée 2020) ; la non-expression est assujettie à l'influence de facteurs diamésiques, diastratiques et diaphasiques (Schøsler 2020).

[39] L'écart dans l'expression du sujet entre les textes littéraires et les textes juridiques a été signalé pour la première fois par Balon & Larrivée (2016). L'étude montre que le nombre de sujets zéro dans la principale des textes légaux étudiés est très faible, alors que dans les textes littéraires il est extrêmement élevé. Des études ultérieures sur les mêmes types de textes (Capin & Larrivée 2017a, 2020 ; Larrivée & Capin 2018) ont confirmé cette analyse et signalé que les cas résiduels de non-expression relèvent essentiellement de la coordination (ou connexion). Quelques cas de sujet zéro ont été relevés également dans les conditionnelles, majoritairement dans des cas de coréférence entre la protase et l'apodose (Capin 2017).

[40] Que constate-t-on dans les textes et manuscrits à l'étude ? Il s'agit d'un ensemble homogène où le sujet pronominal personnel et impersonnel est majoritairement exprimé et ceci, dès les textes les plus anciens – le ms BSG 1743 et le ms HLS 91 du 13e siècle. De ce fait, les textes à l'étude ne permettent pas d'alléguer une différence entre l'expression du sujet personnel et celle du sujet impersonnel. Rappelons que cette différence est souvent évoquée : soulignant le statut non-référentiel du sujet impersonnel, les linguistes signalent que celui-ci tarde à s'imposer dans la langue et ceci, jusqu'au 17e siècle environ.

[41] Dans le corpus étudié, les cas relevés de non-expression du sujet pronominal personnel correspondent à deux configurations : la non-expression peut être notée dans des structures coordonnées (exemples 48 à 51) et dans le cas de conditionnelles avec un subjonctif injonctif dans l'apodose (52 et 53). Dans les deux cas, la continuité référentielle permet de justifier le sujet zéro : le sujet non-exprimé est coréférent au sujet exprimé en amont. Dans le cas des structures coordonnées, le français moderne reconduit ce 'modèle' :

(48)

Li senechaus fu coreciez si ø24 commenda que li sergent le duc qui doivent lealment mener le peuple nacusent pas les genz deslealment ⁊ se aucuns est ataiz de tel deslealte il soit mis en prison tant que cil qui est dus le delivre … (ms BSG 1743, f° 226)

'L'officier a été contrarié et a ordonné que les chargés de poursuite auprès du duc qui doivent traiter le peuple en conformité avec la justice ne doivent pas pratiquer la diffamation contre les gens et si …'

(49)

je requier a cels qui ceste oevre esgarderont que il amendent ce que il verront amender ⁊ ø metent ce qui i faudra. ⁊ ø en ostent ce que lieu ne tendra ⁊ ø maident en aucune chose (ms HLS 91, f° 9)

'Je demande à ceux qui considéreront cette œuvre qu'ils dédommagent ce qu'il faut dédommager et y administrent ce qui est nécessaire et suppriment ce qui n'est pas nécessaire et m'aident en toute chose'

(50)

Je requier aceuls qui ceste euure esgarderont que il amendent ce qu'il voudront amender ⁊ ø metent ce qui il faudra ⁊ ø amendent en aucune chose (ms BNF fr. 5961, f° 1) (cf. la traduction précédente)

(51)

s'aucun est respecté et depuis il vient ou ø est trouvé en court et ø denye que par lui le respit soit envoyé (Instrucions et ensaignemens, § 8)

'… si quelqu'un a profité d'un délai, et après il vient à la cour ou bien s'y trouve et nie avoir demandé le délai …'

[42] Dans le cas des conditionnelles avec un subjonctif injonctif dans l'apodose (52 et 53), la continuité référentielle peut également être convoquée puisque le sujet de la protase est coréférent à celui de l'apodose. À la différence du cas précédent, la restitution du sujet est obligatoire en français moderne :

(52)

Se le segnor velt delivrer les nans ø prenge pleges ⁊ ø les recroie (ms HLS 91, De delivrer nans, f° 32)

'Si le seigneur veut se débarrasser des saisies, qu'(il) prenne des garants et qu'(il) renonce à la détention'

(53)

Se li sires veult rendre les namps ø prenge buens plesges ⁊ ø les recroie (ms BNF fr. 5961, De delivrer namps, f° 4v b) (cf. la traduction précédente)

Dans quelques cas, très rares, c'est la coréférence entre l'objet de la protase et le sujet de l'apodose qui explique la non-expression du sujet :

(54)

Et est a savoir que cil qui crye les respis, les doit ainssi crier : « Oyez ces respis, oyez ; Jehan est respecté vers G. ; et s'il en y a plus, sy ø viengent avant, ou ils ne seront mes huy oys … (Instrucions et ensaignemens, 10)

'Il faut savoir que celui qui annonce les sursis doit les annoncer comme ceci : « Oyez ces sursis, oyez ! Un sursis a été accordé à Jean vis-à-vis de G. Et s'il y a en d'autres, qu'(ils) se présentent ou sinon ils ne seront pas entendus …'

[43] En revanche, dans le cas de conditionnelles à l'indicatif, le sujet est exprimé, même en cas de coréférence (exemples 55 et 56). Rappelons que dans la même configuration, les textes littéraires offrent essentiellement des cas de sujets non-exprimés (Capin 2017 : 381- 385).

(55)

Et se le seriant treove celui qui tient les nans es leux devantdiz ou en plus prochainz ou son atorne ou son prevost ou son seneschal il doit delivrer les nans si comme nos avon dit. ⁊ se il ne treove ne lui ne les nans il doit forment iustisier par lui ou par autre letenant jusqua tant que les nans soient delivrez (ms HLS 91, f° 25-26)

'(Et) si le sergent trouve celui qui tient les cautions dans les lieux mentionnés ci-dessus ou dans des lieux proches, ou son représentant, ou son prévôt, ou son sénéchal, il doit procéder à la libération des cautions ainsi comme nous l'avons dit. (Et) s'il ne trouve ni lui ni les cautions, il est obligé de distribuer la justice lui-même ou par un autre lieutenant jusqu'à ce que les cautions soient mises en liberté'

(56)

Et s'il dit sy, il en fera amende pour le serement fait et en rapportera G. la chose qu'il demande et ses despens (Instrucions et ensaignemens, 33)

'(Et) s'il dit ainsi/ceci, il acceptera la peine pour le serment fait …'

[44] Un seul texte se démarque de l'ensemble : il s'agit des Instrucions et ensaignemens. N'ayant pas pu trouver le manuscrit de base qui a servi à l'édition, je n'ai pas pu vérifier le texte édité, comme cela a été fait pour l'édition Marnier (1839). Les cas de sujet pronominal personnel non exprimé représentent 33,7% sur l'ensemble des sujets pronominaux attestés dans ce texte ; le sujet impersonnel non-exprimé – 44,2 % sur l'ensemble des attestations de sujets impersonnels25. En dehors des cas signalés plus haut pour les autres textes du corpus – des cas de coréférence entre les sujets des structures coordonnées ou des cas de coréférence entre le sujet de la protase et celui de l'apodose au subjonctif –, on note des cas peu attestés par ailleurs.

[45] Ainsi, dans l'exemple suivant qui traite le cas de ceux qui n'ont pas les droits et prérogatives des nobles, le sujet non-exprimé n'est pas coréférent au sujet précédent, en dépit de la présence d'une jonction qui rappelle par sa forme une coordination/connexion :

(57)

Mais de la justice manuelle par eulx faicte ils ne peve[n]t faire delivrance, mes ø se doit fair[e] par le sergent de l'espée, se la partie le requiert … (Instrucions et ensaignemens, 55)

'Mais ils ne peuvent pas procéder au règlement d'une saisie de biens meubles, mais il ('le règlement') doit être fait par l'officier de justice …'

[46] L'exemple (58) offre un cas similaire : et devant par ce fonctionne plutôt comme un et de relance que comme un conjonctif/connecteur. Si cette analyse est juste, le cas rejoindrait le cas précédent pour être classé parmi les attestations, fort rares, de sujets non-exprimés dans la principale.

(58)

Il peut bien que pieça, vous et moy pa[r]lasmes ensembles de marchandise d'un asne et de deux boisseaux d'orge et je vous di que, se icelle marchandise me voulliez bailler et livrer pour xij s. que je y offry je la prendroye et vous en feroye paiement et satisfacion, et que par icellui pris de xij s. nous fumes lors a accord, et par ce ø me baillastes et livrastes icelles denrés et marchandises, dont je vous fis paiement presentement et satisfacion. (Instrucions et ensaignemens, 104)

'… en raison de cela, (vous) m'avez donné et livré ces marchandises, dont je vous fis le paiement et dont je me suis acquitté …'

[47] Dans (59), le sujet de la relative n'est pas exprimé :

(59)

Je vous monstre ces lieux et dy que sur iceulx lieux mes predecesseurs et moy avons acoustumé prendre la rente que ø vous demande (Instrucions et ensaignemens, 96)

'… prendre la rente que (je) vous demande'

[48] Enfin, dans (60), c'est celui de la complétive :

(60)

Et, pour ce que vous m'avez dit [que] par compte fait en ø suis demouré votre debteur… (Instrucions et ensaignemens, 104)

'(Et) pour ce que vous m'avez dit que, de cette manière, (je) suis resté votre débiteur …'

Même s'ils illustrent des cas très différents de ceux des autres textes, les exemples précités ne représentent toutefois pas des cas d'ambiguïté référentielle : les références extralinguistiques, la morphologie verbale et le sémantisme des verbes opèrent conjointement pour assurer l'identification référentielle.

5 Conclusion

[49] Comme annoncé dans l'introduction, le but de cette étude était d'examiner les textes du domaine juridique normand constitutifs du projet ConDÉ à la lumière de trois faits caractéristiques de la langue médiévale : la transcatégorisation de et, l'alternance ce que/que dans des contextes subordonnants et la non-expression du sujet pronominal.

[50] La transcatégorisation de et est bien attestée dans les textes étudiés : les cas relevés confirment les critères distinctifs proposés dans la théorie de la transcatégorisation 'élargie' (Capin & Badiou-Monferran 2020) et le classement des occurrences sur trois niveaux : le niveau référentiel, le niveau épistémique et le niveau discursif. Qui plus est, les différentes lectures semblent mobiliser des graphies différentes : les abréviations sont réservées aux emplois conjonctifs, les graphies en lettres plutôt aux emplois connectifs et de marquage discursif. Marque d'oralité ou marque d'oralisation, le marqueur discursif participe à la structuration des énoncés et à leur exploitation stylistique.

[51] Les textes et manuscrits étudiés ne livrent pas d'attestations de l'alternance ce que/que en contexte subordonnant. Toutes les complétives directes sont introduites exclusivement par que. À l'opposé, la relative périphrastique est introduite essentiellement par ce que. Si, après la numérisation des textes, les statistiques venaient à confirmer ces observations, elles appelleront à une modification des descriptions actuelles ; elles conduiront (i) à revoir l'importance accordée dans les ouvrages de linguistique médiévale à la présence de ce que, conjoint, ou de ce … que, disjoint, en introduction de la complétive et (ii) à modifier la chronologie proposée pour l'évolution de la relative périphrastique, puisque cette dernière est systématiquement réalisée avec l'antécédent ce dès le 13e siècle, soit bien plus tôt que la date annoncée pour la généralisation de ce dans les textes littéraires.

[52] Enfin, conformément aux résultats des études antérieures consacrées aux textes juridiques, les sujets pronominaux personnels et impersonnels sont majoritairement exprimés, devançant, de nouveau de plusieurs siècles, l'obligatorisation26 du sujet dans les textes littéraires. Les cas de non-expression correspondent à deux configurations, déjà relevées dans des études antérieures – dans des cas de coordination et dans des hypothétiques avec un subjonctif dans l'apodose. Dans les deux cas, l'explication par la coréférence entre le sujet exprimé et le sujet non-exprimé s'impose.

[53] Par les contrastes signalés, l'analyse proposée confirme que les données des textes juridiques modifient les descriptions et les modélisations proposées pour les textes littéraires ; elle voudrait insister sur la nécessité de prendre en compte le type de domaine textuel dans l'analyse des données linguistiques.

Abréviations et références bibliographiques

Anglo-Norman Year Books Corpus = Pierre Larrivée, Richard Ingham (éds.) 2010. Narrations et dialogues en français ancien : The Anglo-Norman Year Books Corpus. Caen : Pierre Larrivée.

Antoine 1958-1962 = Gérald Antoine 1958-1962. La coordination en français. Paris : d'Artrey.

Arabyan 1994 = Marc Arabyan 1994. Le paragraphe narratif. Étude topographique et linguistique de la ponctuation textuelle dans les récits classiques et modernes. Paris : L'Harmattan.

Badiou-Monferran 2002 = Claire Badiou-Monferran 2002. Coordonner : (qu') est-ce (qu') ajouter ? Jacqueline Authier-Revuz, Marie-Christine Lala (éds.). Figures d'ajout. Phrase, texte, écriture. Paris : Presses Sorbonne nouvelle, 97-110.

Badiou-Monferran & Capin 2020 = Claire Badiou-Monferran, Daniéla Capin 2020. Comment identifier le et « de relance » en diachronie longue ? Marta Saiz-Sánchez, Amalia Rodríguez Somolinos, Sonia Gómez-Jordana Ferary (éds.). Marques d'oralité et représentation de l'oral en français. Chambéry : Presses universitaires Savoie Mont Blanc, 367-390.

Badiou-Monferran & Capin 2021 = Claire Badiou-Monferran, Daniéla Capin 2021. Co-occurrences de et+adverbe en diachronie longue : délimitations et enjeux d'un nouveau champ de recherches. Çédille 19, 89-125. https://doi.org/10.25145/j.cedille.2021.19.05.

Badiou-Monferran & Monferran 2021 = Claire Badiou-Monferran, Jean-Charles Monferran 2021. Et de relance dans les romans pantagruéliques : fait de langue ou fait de style ? Franco Giacone, Paola Cifarelli (éds.). Les langues et les langages dans l'œuvre de François Rabelais. Genève : Droz, 275-294.

Balon & Larrivée 2016 = Laurent Balon, Pierre Larrivée 2016. L'ancien français n'est déjà plus une langue à sujet nul – nouveau témoignage des textes légaux. Journal of French Language Studies 26, 221-237.

Bazin-Tacchella 2007 = Sylvie Bazin-Tacchella 2007. Constitution d'un lexique anatomique en français aux 15e et 16e siècles. L'exemple des noms des intestins et des os dans les traductions françaises de la Chirurgia magna de Guy de Chauliac. Olivier Bertrand, Hiltrud Gerner, Béatrice Stumpf (éds.). Lexiques scientifiques et techniques. Constitution et approche historique. Palaiseau : Les éditions de l'École polytechnique, 65-80.

Beeching 2002 = Kate Beeching 2002. Gender, politeness and pragmatic particles in French. Amsterdam : Benjamins.

BFM = École normale supérieure de Lyon (éd.) 1989-2022. Base de français médiéval. http://txm.ish-lyon.cnrs.fr/bfm.

Bordas 2005 = Eric Bordas 2005. Et la conjonction resta tensive. Sur le et de relance rythmique. Le français moderne 73, 23-39. https://en.calameo.com/read/000903947bc7d76891233?authid=g9HTYofWH5VG.

Buridant 1980 = Claude Buridant 1980. Le strument et et ses rapports avec la ponctuation dans quelques textes médiévaux. Anne-Marie Dessaux-Berthonneau (éd.). Théories linguistiques et traditions grammaticales. Lille : Presses universitaires de Lille, 13-53.

Buridant 2019 = Claude Buridant 2019. Grammaire du français médiéval (XIe-XIVe siècles). Strasbourg : Éditions de linguistique et de philologie.

Callemein 2019 = Gwenaëlle Callemein 2019. L'histoire d'une source de droit : la coutume de Normandie. Caen : ConDÉ. https://conde.hypotheses.org/145.

Capin 2013 = Daniéla Capin 2013. , ho, ha, dea : interjections, connecteurs ou marqueurs discursifs ? Le témoignage des textes en prose médiévaux. Diachroniques 3, 95 -119.

Capin 2017 = Daniéla Capin 2017. Le sujet zéro dans les subordonnées en si/se en ancien et moyen français. Émergence de la norme de son expression. Malinka Vélinova (éd.). Normes et grammaticalisation. Le cas des langues romanes. Sofia : CU Romanistika, 371-393.

Capin 2018 = Daniéla Capin 2018. Repérage, statuts et glose des interjections dans les textes médiévaux. Wendy Ayres-Bennett et al. (éds.). Nouvelles voies d'accès au changement linguistique. Paris : Classiques Garnier, 297-317.

Capin 2019a = Daniéla Capin 2019a. Présence du démonstratif dans les contextes subordonnants en français médiéval. Variation, évolution et hypothèses. Daniéla Capin et al. (éds.). Le français en diachronie. Moyen français, segmentation des énoncés, linguistique textuelle. Strasbourg : Éditions de linguistique et de philologie, 87-103.

Capin 2019b = Daniéla Capin 2019b. Complexité des structures en français médiéval : la variation que/ce que dans les complétives. Ivaylo Burov, Giuliana Fiorentino (éds.). Complexité des structures et des systèmes linguistiques. Le cas des langues romanes. Sofia : CU Romanistica, 265-287.

Capin 2020 = Daniéla Capin 2020. Ce dans les incises en français médiéval (12e s.-16e s.). Studii de lingvistică 10, 79-97. http://studiidelingvistica.uoradea.ro/docs/10-2020/pdf-uri/Capin.pdf.

Capin & Badiou-Monferran 2020 = Daniéla Capin, Claire Badiou-Monferran 2020. À l'aune de la transcatégorisation : modélisation des emplois de et dans la langue d'hier et d'aujourd'hui. Dahn-Thành Do-Hurinville, Huy-Linh Dao, Annie Rialland (éds.). De la transcatégorialité dans les langues. Description, modélisation, typologie. Paris : Éditions de la Société linguistique de Paris, 153-193.

Capin & Larrivée 2017a = Daniéla Capin, Pierre Larrivée 2017. La disparition du sujet nul en ancien français et la continuité référentielle. Sophie Prévost, Benjamin Fagard (éds.). Le français en diachronie. Dépendances syntaxiques, morphosyntaxe verbale, grammaticalisation. Bern : Lang. 83-109.

Capin & Larrivée 2017b = Daniéla Capin, Pierre Larrivée 2017. Gloses et réécritures des textes coutumiers : les métamorphoses de La Coutume de Normandie du Moyen Âge à la Renaissance. Le français préclassique 19, 49-68.

Capin & Larrivée 2020 = Daniéla Capin, Pierre Larrivée 2020. La continuité référentielle du sujet nul dans les textes législatifs en ancien français. Estèle Dupuy, Victor Millogo, Marie-Hélène Lay (éds.). La continuité référentielle ou le choix des mots dans les textes français et anglais. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 147-165.

Cartulaires d'Île-de-France = École nationale des chartes (éd.) 2022. Cartulaires d'Île-de-France. http://elec.enc.sorbonne.fr/cartulaires/.

Chomsky 1991 [1981] = Noam Chomsky 1991 [1981]. Théorie du gouvernement et du liage. Les conférences de Pise. Paris : Seuil [traduction de Lectures on government and binding. The Pisa lectures. Dortrecht : Foris].

Combettes 2006 = Bernard Combettes 2006. La formation des locutions conjonctives temporelles : le cas de dès que. Estelle Moline, Dejan Stosic, Carl Vetters (éds.). Les connecteurs temporels du français. Amsterdam : Rodopi, 1-19.

Combettes 2008 = Bernard Combettes 2008. La variation que/ce que et la formation des locutions conjonctives en français. Linx 59, 15-32. https://doi.org/10.4000/linx.621.

ConDÉ = Pierre Larrivée, Mathieu Goux (éds.) 2022. Projet Constitution d'un droit européen : six siècles de coutumiers normands. https://www.unicaen.fr/coutumiers/conde/accueil.html.

Cornu 2005 = Gérard Cornu 2005. Linguistique juridique. 3e édition. Paris : Montchrestien.

Detges 2003 = Ulrich Detges 2003. Du sujet parlant au sujet grammatical. L'obligatorisation des pronoms sujets en ancien français dans une perspective pragmatique et comparative. Verbum 25, 307-335.

DocLing = Martin-Dietrich Glessgen (éd.) 2016. Documents linguistiques galloromans. 3e édition. https://www.rose.uzh.ch/docling.

Ducos 2013 = Joëlle Ducos (éd.) 2013. Météores et climats d'hier. Décrire et percevoir le temps qu'il fait depuis l'antiquité au XIXe siècle. Paris : Hermann.

Floquet 1843 = Amable Floquet 1843. La charte aux Normands. Bibliothèque de l'École des Chartes 4, 42-61. https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1843_num_4_1_451702.

Foulet 1990 [1919] = Lucien Foulet 1990 [1919]. Petite syntaxe de l'ancien français. 3e édition. Paris : Champion.

Frantext = Laboratoire Analyse et traitement informatique de la langue française (ATILF) (éd.) 1998-2022. Base textuelle Frantext. http://www.frantext.fr.

Franzén 1939 = Torsten Franzén 1939. Étude sur la syntaxe des pronoms personnels sujets en ancien français. Uppsala : Almquist & Wiksells.

GGHF = Christiane Marchello-Nizia et al. 2020. Grande grammaire historique du français (GGHF). Berlin : De Gruyter Mouton.

Glikman & Schneider 2018 = Julie Glikmann, Stefan Schneider 2018. Constructions parenthétiques, marques d'oralité et types de textes en diachronie du français. Wendy Ayres-Bennett et al. (éds.). Nouvelles voies d'accès au changement linguistique. Paris : Classiques Garnier, 317-334.

Goux & Larrivée 2020 = Mathieu Goux, Pierre Larrivée 2020. Expression et position du sujet en ancien français : le rôle de la personne pronominale. Franck Neveu et al. (éds.). CMLF 2020 - 7e Congrès mondial de linguistique française, Université de Montpellier 3, France, 6-10 juillet 2020. https://doi.org/10.1051/shsconf/20207803002.

Goyens 2003 = Michèle Goyens 2003. Le développement du lexique scientifique français et la traduction des Problèmes d'Aristote par Evrart de Conty (c.1380). Thélème. Revista complutense de estudios franceses, número extraordinario, 189-207. https://revistas.ucm.es/index.php/THEL/article/view/THEL0303220189A.

Ingham 2018 = Richard Ingham 2018. Topic, focus and null subjects in Old French. Canadian Journal of Linguistics / Revue canadienne de linguistique 63, 242-263. https://doi.org/10.1017/cnj.2017.48.

Instrucions et ensaignemens = Instrucions et ensaignemens (1386-1390). Georges Besnier, Robert Génestal (éds.) 1912. Instrucions et ensaignemens : style de procéder d'une justice seigneuriale normande (1386-90). Caen : Jouan.

Jokinen 1978 = Ulla Jokinen 1978. Les relatifs en moyen français. Formes et fonctions. Helsinki : Suomalainen Tiedeakatemia.

Jokinen 1986 = Ulla Jokinen 1986. Le rôle de ce neutre, dans les relatives du moyen français. Elena Suomela-Härmä, Olli Välikangas (éds). Actes du 9e congrès des romanistes scandinaves. Helsinki, 13-17 août 1984. Helsinki : Société néophilologique, 165-179.

Kunstmann 1990 = Pierre Kunstmann 1990. Le relatif-interrogatif en ancien français. Genève : Droz.

Kuyumcuyan 2011 = Annie Kuyumcuyan 2011. Syntaxe et sémantique du relatif de liaison en français moderne. Olga Inkova (éd.). Saillance. La saillance en langue et discours. Vol. 1 : Aspects linguistiques et communicatifs de la mise en évidence dans un texte. Besançon : Presses universitaires de Franche-Comté, 187-204.

Llamas-Pombo 2016 = Elena Llamas-Pombo 2016. Ponctuation médiévale, pragmatique et énonciation. Lire l'Ovide moralisé au XIVe siècle. Linx 73, 113-146. https://doi.org/10.4000/linx.1638.

Larrivée & Capin 2018 = Pierre Larrivée, Daniéla Capin 2018. Types de textes et changement syntaxique. Franck Neveu et al. (éds.). 6e Congrès mondial de linguistique française, Université de Mons, Belgique, 9-13 juillet 2018. https://doi.org/10.1051/shsconf/20184603004.

Marchello-Nizia 1978 = Christiane Marchello-Nizia 1978. Ponctuation et « unités de lecture » dans les manuscrits médiévaux, ou : je ponctue, tu lis, il théorise. Langue française 40, 32-44. https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1978_num_40_1_6134.

Marchello-Nizia 2018 = Christiane Marchello-Nizia 2018. De SO à SV : Vers le sujet obligatoire et antéposé en français, les dernières phases d'un changement. Journal of French Language Studies 28, 1-19.

Marchello-Nizia 2019 = Christiane Marchello-Nizia 2019. Ce, il, cela, ça : le cycle des cataphoriques en français, hypothèse sur l'origine de ça. Daniéla Capin et al. (éds.). Le français en diachronie. Moyen français, segmentation des énoncés, linguistique textuelle. Strasbourg : Éditions de linguistique et de philologie, 169-181.

Marie de France = Marie de France. Lais de Marie de France. Laurence Harf-Lancner, Karl Warnke (éds.) 1990. Paris : Livre de poche.

Marnier 1839 = Ange-Ignace Marnier 1839. Établissements et coutumes, assises et arrêts de l'échiquier de Normandie (de 1207 à 1245). Paris : De Stahl. https://droit-normand.nakalona.fr/items/show/319.

Martin & Wilmet 1980 = Robert Martin, Marc Wilmet 1980. Syntaxe du moyen français. Bordeaux : Sobodi.

Mazziotta 2009 = Nicolas Mazziotta 2009. Ponctuation et syntaxe dans la langue française médiévale. Étude d'un corpus de chartes originales écrites à Liège entre 1236 et 1291. Tübingen : Niemeyer.

MD = marqueur discursif.

ms ADSM 28 F2 = manuscrit 28 F2 des Archives départementales de la Seine-Maritime, f° 17 à 113.

ms ADSM 76 J117 = manuscrit 76 J117 des Archives départementales de la Seine-Maritime, f° 1 à 70.

ms BNF fr. 5961 = manuscrit fr. 5961 de la Bibliothèque nationale de France, f° 1 à 68.

ms BSG 1743 = manuscrit 1743 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris, f° 193 à 306.

ms HLS 91 = manuscrit 91 de la Harvard Law School Library, 145 feuillets r/v.

Muller 2003 = Claude Muller 2003. Naissance et évolution des constructions clivées en c'est…que... : de la focalisation sur l'objet concret à la focalisation fonctionnelle. Peter Blumenthal, Jean-Emmanuel Tyvaert (éds.). La cognition dans le temps. Études cognitives dans le champ historique des langues et des textes. Tübingen : Niemeyer, 101-120.

Muller 2008 = Claude Muller 2008. Valeurs communes et valeurs particulières des formes QU- en français. Langue française 158, 13-28. https://doi.org/10.3917/lf.158.0013.

Muller 2013 = Claude Muller 2013. Que entre conjonction et pronom clitique en français. Daniel Jacob, Katja Ploog (éds.). Autour de que/El entorno de que. Frankfurt am Main : Lang, 113-138.

Muller 2018 = Claude Muller 2018. L'emploi de ce dans les reprises de contenu propositionnel. Scolia 32, 117-138. https://journals.openedition.org/scolia/337.

Neveux 2005 = François Neveux 2005. La Normandie royale. Des Capétiens aux Valois (XIIIe-XIVe siècle). Rennes : Éd. Ouest-France.

Pierrard 1995 = Michel Pierrard 1995. Système et histoire du système : l'évolution de ce que introducteur de subordonnées. Langue française 107, 111-124. https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1995_num_107_1_5308.

Prévost 2011 = Sophie Prévost 2011. Français médiéval en diachronie : du corpus à la langue. Mémoire de synthèse en vue de l'obtention de l'habilitation à diriger des recherches, École normale supérieure de Lyon. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00667107.

Prévost 2015 = Sophie Prévost 2015. Diachronie du français et linguistique de corpus : une approche quantitative renouvelée. Langages 197, 23-45. https://doi.org/10.3917/lang.197.0023.

Reenen & Schøsler 2000 = Pieter van Reenen, Lene Schøsler 2000. The pragmatic functions of the Old French particles AINZ, APRES, DONC, LORS, OR, PUIS, and SI. Susan C. Herring, Pieter van Reenen, Lene Schøsler (éds.). Textual parameters in older languages. Amsterdam : Benjamins, 59-105.

Renaut = Renaut. Galeran de Bretagne. Jean Dufournet (éd.) 2009. Paris : Champion.

Riegel, Pellat & Rioul 1994 = Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat, René Rioul 1994. Grammaire méthodique du français. Paris : Presses universitaires de France.

Rizzi 1982 = Luigi Rizzi 1982. Issues in Italian Syntax. Dordrecht : Foris.

Rouquier 1990 = Magali Rouquier 1990. Le terme ce que régissant une complétive en ancien français. Revue Romane 25, 1, 47-72. https://tidsskrift.dk/revue_romane/article/view/29690.

Rouquier 2014 = Magali Rouquier 2014. L'émergence des constructions clivées, pseudo-clivées et liées en français. Paris : Classiques Garnier.

Rychner 1970 = Jean Rychner 1970. L'articulation des phrases narratives dans La mort Artu. Neuchâtel : Université de Neuchâtel.

Schøsler 2020 = Lene Schøsler 2020. Le rapport entre continuité référentielle et expression du sujet envisagé dans une perspéctive diasystématique. Estèle Dupuy, Victor Millogo, Marie-Hélène Lay (éds.). La continuité référentielle ou le choix des mots dans les textes français et anglais. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 123-146.

Serbat 1990 = Guy Serbat 1990. Et « jonctif » de proposition : une énonciation à double détente. L'information grammaticale 46, 26-28. https://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1990_num_46_1_1938.

SERMO = Carine Skupiens-Dekens (éd.) 2018. Corpus SERMO. http://sermo.unine.ch.

Skårup 1975 = Povl Skårup 1975. Les premières zones de la proposition en ancien français. Essai de syntaxe de position. København : Akademisk forlag.

Tanquerey 1939 = Frédéric-Joseph Tanquerey 1939. Et particule. Studies in French language and medieval literature. Presented to Prof. Mildred K. Pope by pupils, colleagues and friends. Manchester : Manchester University Press, 339 -350.

Tesnière 1959 = Lucien Tesnière 1959. Éléments de syntaxe structurale. Paris : Klincksieck.

Thompson & Mulac 1991 = Sandra A. Thompson, Anthony Mulac 1991. A quantitative perspective on the grammaticization of epistemic parentheticals in English. Elizabeth C. Traugott, Bernd Heine (éds.). Approaches to grammaticalization. Vol. 2 : Focus on types of grammatical markers. Amsterdam : Benjamins, 313-329.

Vance 1997 = Barbara Vance 1997. Syntactic change in medieval French. Verb-second and null subjects. Dordrecht : Kluwer.

Viard 1900 = Jules Viard 1900. Le titre de roi de France et de Navarre au XIVe siècle. Bibliothèque de l'École des Chartes 61, 447-449. https://doi.org/10.3406/bec.1900.452606.

Wirth-Jaillard 2013 = Aude Wirth-Jaillard 2013. Des sources médiévales méconnues des linguistes, les documents comptables. Emili Casanova Herrero, Cesáreo Calvo Rigual (éds.). Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas. Valencia 2010. Volumen 7. Sección 11 : Filología y lingüística de los textos y de los diccionarios de las lenguas románicas. Variaciones diasistemáticas en época antigua. Berlin : De Gryuter, 469-477.

Yver 1986 = Jean Yver 1986. La rédaction officielle de la coutume de Normandie (Rouen, 1583). Son esprit. Annales de Normandie 36, 3-36. https://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_1986_num_36_1_1716.

1 J'adresse mes vifs remerciements au Professeur Claude Muller pour ses remarques et commentaires qui m'ont permis d'améliorer sensiblement ce texte.

2 On citera toutefois les études de Reenen & Schøsler (2000), de Mazziotta (2009) sur les chartes, de Wirth-Jaillard (2013, et d'autres) sur les documents comptables, une suite d'études sur les textes juridiques réalisées par Pierre Larrivée, à commencer par Balon & Larrivée (2016) et enfin, des travaux imposants sur les lexiques spécialisés – sur les textes météorologiques par Ducos (2013, et d'autres), sur les textes médicaux par Bazin-Tacchella (2007, et d'autres) et Goyens (2003, et d'autres).

3 Une vaste équipe, sous la direction de Pierre Larrivée et Richard Ingham, poursuit le travail pionnier des directeurs du corpus pour la préparation d'une concordance.

4 La présentation de la troisième édition précise : « L'ouverture vers le domaine d'oc, actuellement en chantier, est prévue pour la quatrième édition du site ».

5 On le verra plus loin : la résolution des abréviations, particulièrement fréquentes, peut infléchir les interprétations et la catégorisation grammaticale du terme qui apparaît sous forme abrégée.

6 On y voit, en bas, le nom d'un des acquéreurs, le célèbre Jacques Auguste de Thou (Jac.Aug. Thuani).

7 Nous considérons la transcatégorisation élargie comme un cadre théorique qui signale la flexibilité catégorielle et/ou les recouvrements catégoriels d'un terme sans modification de sa surface/forme. Ce type de changement se rencontre aussi bien en synchronie qu'en diachronie. Les catégories affectées peuvent être grammaticales, sémantiques, syntaxiques, voire des catégories de genre littéraire. À la différence de la grammaticalisation, ce changement n'est pas directionnel et n'implique pas une perte (javellisation) du sens, mais pourrait, dans certains cas, impliquer une superposition de valeurs. Ainsi, la transcatégorisation permet de rendre compte des ressources multiples d'un terme.

8 Et non à la situation dont on parle ni à la structuration du discours.

9 Bien entendu, si certains emplois se développent, d'autres se raréfient (Badiou-Monferran & Capin 2020 : 371- 373).

10 Petrus en manja si fu sauf, Johannes, Andreas et tot li autre en mangerent et furent sauf ; Judas en manja si fu perduz. Et loés, ço dist, avoec le morsel li entra li diables el cors. (Commentaire en prose sur les Psaumes, 12e siècle, 85, BFM) 'Et après, le texte le dit, grâce au morceau, le diable pénétra dans son corps'.

11 Ne pouvant pas proposer des manipulations dans le cadre de la langue médiévale, au risque de fausser l'interprétation, on ne peut l'illustrer que par des exemples modernes : dix garçons et filles ; Il fume (et) boit.

12 Les abréviations des termes autres que et sont développées en italiques.

13 Les accents sont de l'éditeur Ange-Ignace Marnier.

14 Majoritairement, mais pas uniquement : le processus est orienté dans le cas de avoir les lettres du duc et les porter à son col. En suivant Badiou-Monferran (2002), on évoquera ici une gradation, une opération d'adjonction, différente de l'addition.

15 Un des relecteurs conteste cette analyse en signalant que roi de France et de Navarre est un syntagme figé. Or, la consultation de plusieurs ouvrages historiques et d'articles sur lesquels se fonde la traduction présentée, laisse entendre que : (i) seuls trois rois du 14e siècle ont porté ce titre : Louis X, Philippe V et Charles IV (Viard 1900 : 447-449) ; (ii) Louis X avait reçu le titre de roi de Navarre de sa mère, Jeanne de Navarre, bien avant celui de roi de France, titre qu'il reçoit après la mort de son père Philippe IV le Bel ; (iii) que, enfin, le jeune roi de 25 ans tente de réparer par cette Charte des injustices commises pendant le règne de son père (Floquet 1843) mais dont il est innocent et que, par conséquent le titre complet pourrait ne pas être une formule figée, mais revêtir un caractère hautement symbolique : déjà roi de Navarre et récemment devenu roi de France, Louis X accorde les libertés et les garanties que le précédent roi avait refusées ; (iv) enfin, dernier argument, d'ordre textuel cette fois : il s'agit d'un texte du 15e siècle, où l'alternance et/ est attestée, à la différence du texte du ms ADSM 28 F2, texte plus ancien, qui n'offre pas les mêmes alternances, comme on le verra dans ce qui suit.

16 Cette interprétation est basée sur un effet de gradation perceptible dans les valeurs sémantiques de droit, pris au sens de 'avantage personnel', à la différence de la franchise dont le sens, si l'analyse est correcte, est celui de 'avantage collectif'.

17 Pour la différence entre incise et incidente dans la langue moderne, voir Riegel, Pellat & Rioul (1994 : 460-462) ; pour le français médiéval, voir Capin (2020 : 85-88), Glikman & Schneider (2018).

18 La parenthèse sert à indiquer le sujet pronominal restitué.

19 Auxquelles on peut associer les complétives complément du nom (Riegel, Pellat & Rioul 1994 : 494), ainsi que complément d'adjectif : … molt est liez de ce que Diex l'a amené en lieu … (Queste Graal, 1220, 122, BFM) 'il est très heureux (du fait) que Dieu l'a conduit en ce lieu'.

20 L'étiquette appartient à Kuyumcuyan (2011) qui étudie ces constructions du point de vue de la référence. Pour une explication de la construction du point de vue des dépendances, on se rapportera à Muller (2018). La différence majeure par rapport aux périphrastiques réside dans le statut de ce : dans les périphrastiques, il a une fonction dans la principale et dans la subordonnée, alors que dans les pseudo-périphrastiques, il n'a pas de fonction dans la principale en lien avec la subordonnée.

21 Cf. les traductions des exemples (28) à (30).

22 Les complétives indirectes sont très rares : Li pledeeur souloient metre en merci les simples homes qui sanz le qomandement a la justice sagenolloient a fere leur seremenz ; ⁊ quant il ooient que il estoient acuse de ce que il s'estoient agenollié, si se levoient, ⁊ li pledeeurs les acusoient de rechief de ce que il s'estoient leve sanz le commandement a la jostice, et emssi les escrivoit li clers ... (ms BSG 1743, f° 226b) '… et quand ils entendaient qu'ils étaient accusés de ce qu'ils s'étaient agenouillés …'.

23 Selon Chomsky (1991 [1981]), le verbe fini assigne le cas nominatif au sujet, ce qui explique l'apparition du il impersonnel dans des phrases où le verbe ne sélectionne pas d'argument externe (par ex. Il paraît que… il a été dit des choses.). Ce principe est contenu dans le principe de projection étendu.

24 Le symbole ø note le sujet non-exprimé sans présumer de la place de celui-ci : anté- ou post-posé au verbe conjugué. Les italiques signalent (en dehors des cas de résolution des abréviations) l'antécédent du sujet non-exprimé.

25 Ainsi il est a entendre alterne avec ø est a entendre ; c'est assavoir avec ø est a savoir/(et) ø est assavoir ; il advient, il conviendroit, il appartient, il est vray avec comme ø dit est, ø est de droit, ø est vray, et ø doit estre juré

26 Le terme est de Detges (2003).