Diachronie de la proclise et de l'enclise avec l'infinitif en français médiéval (12e-15e siècles)

Diachrony of proclisis and enclisis with infinitives in Medieval French (12th-15th centuries)

Marc Olivier

Ulster University (Belfast, United Kingdom)

olivier-m@ulster.ac.uk

https://orcid.org/0000-0002-1804-9318

Reçu le 7/9/2020, accepté le 23/3/2021, publié le 7/10/2022 selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

Pour citer cet article

Olivier, Marc 2022. Diachronie de la proclise et de l'enclise avec l'infinitif en français médiéval (12e-15e siècles). Studia linguistica romanica 2022.8, 10-35. https://doi.org/10.25364/19.2022.8.2.

Résumé

Cet article présente une étude diachronique du placement des clitiques compléments d'un infinitif en français médiéval (12e-15e siècles) et interroge les usages de la proclise et de l'enclise. Il s'agit de retracer l'évolution et la disparition de l'enclise en la contrastant avec les fréquences d'utilisation de la proclise, ainsi que de la montée du clitique et des pronoms toniques. Le contexte pré-infinitival des deux premiers tours est présenté et les propriétés morphosyntaxiques des clitiques sont discutées. Cette documentation est le fruit d'une recherche de corpus : ce dernier est composé de textes légaux et épistolaires venant majoritairement de Normandie. Cette étude met en lumière l'usage fréquent de l'enclise en français médiéval et révèle le 14e siècle comme une période transitoire concernant le placement des clitiques avec les infinitifs et l'effet Tobler-Mussafia, qui reste présent dans ce contexte après avoir disparu des contextes finis un siècle auparavant.

Abstract

This paper presents a diachronic study of clitic placement with infinitives in Medieval French (dating from between the 12th and the 15th century). It particularly focuses on the phenomena of proclisis and enclisis. The evolution and disappearance of enclisis are contrasted with the frequency of use of proclisis, as well as with clitic climbing and strong pronouns. Examining data from a corpus of legal and epistolary texts mainly originating from Normandy, the pre-infinitival contexts of proclisis and enclisis are identified and their morphosyntactic properties are discussed. Besides providing evidence for the frequent usage of enclisis in Medieval French, the study shows that the 14th century was a transition period regarding the occurrence of clitics with infinitives and the Tobler-Mussafia effect, which remains active in infinitival contexts despite having disappeared from finite ones a century before.

Sommaire

1 Introduction
2 Langues romanes
3 Ancien français
3.1 Montée du clitique
3.2 Enclise
3.3 Proclise
4 Corpus
5 Étude
6 Résultats
7 Discussion
7.1 12e siècle
7.2 13e siècle
7.3 14e siècle
7.4 15e siècle
8 Conclusion
Abréviations et références bibliographiques

1 Introduction

[1] Le placement des pronoms clitiques n'est pas fixe dans la syntaxe de l'ancien français (AF). Cet article a pour objectif de documenter son évolution durant une partie du Moyen Âge (12e-15e siècles), plus précisément dans les contextes de l'infinitif qui ont été peu interrogés jusqu'à présent. Le terme clitique couvre un large éventail d'éléments dans différentes langues. Traditionnellement dans les langues romanes, les clitiques sont définis comme des éléments pronominaux ou adverbiaux qui ne sont ni des mots ni des affixes, mais qui partagent la typologie des deux (Kayne 1975). Ils s'opposent aux pronoms dits toniques, c'est à dire qu'ils font preuve de déficiences syntaxiques, sémantiques, phonologiques et pragmatiques (Cardinaletti & Starke 1999). Cette contribution repose sur la production d'une investigation empirique à la fois quantitative et qualitative illustrant les changements dans la langue.

[2] Il y a de nombreuses études diachroniques sur l'ordre des mots en français avec une large production d'études des clitiques. Cependant, les clitiques qui sont compléments d'un infinitif en AF n'ont pas attiré un grand intérêt et par conséquent il n'y a que peu d'information à leur sujet. On sait cependant qu'ils sont attestés dans trois constructions : la montée du clitique (1a), l'enclise (1b) et la proclise (1c).

(1a)

Je la voudrai marier bien. (Le Vair Palefroi, 324, Foulet 1919 : 112)

(1b)

et y mist serganz a plenté pour garder le. (Helcanus, 253, De Kok 1985 : 115)

(1c)

Dont fu li empereres esbahis de li dire son corage. (Helcanus, 177, De Kok 1985 : 127)

À notre connaissance, même si ces constructions sont présentées dans plusieurs études, les seules analyses détaillées sont celles de Foulet (1924), de Moignet (1970), de De Kok (1985) et de Martineau (1990). L'ordre du français moderne [Cl + VINF] est pourtant intéressant puisqu'il est l'unique option qui a survécu et on ne le retrouve pas dans les autres langues romanes. Cette image tripartite qu'offre la syntaxe de l'AF mène à une série de questions : qu'est-il advenu de l'enclise ? La proclise et l'enclise ont-elles été interchangeables ? Les propriétés des clitiques de l'ancienne langue sont-elles identiques à celles du français moderne ? Enfin, on pourrait aussi questionner la montée du clitique mais les limitations de cet article ne permettent pas de traiter cette construction. La discussion est limitée à l'enclise et à la proclise (la montée sera mentionnée lorsque nécessaire).

[3] Cette étude montre que l'AF voit deux grammaires en compétition : une utilise l'enclise, l'autre utilise la proclise. L'enclise reste peu étudiée et les études qui la mentionnent la voient comme une construction peu productive que l'on observe au début de la période de l'AF et qui disparaît rapidement (De Kok 1985). De nouvelles données sur le sujet mettent en lumière que l'enclise a perduré jusqu'au 14e siècle. L'analyse conduite ici expose l'augmentation de la fréquence des clitiques dans la périphérie de l'infinitif et les contextes dans lesquels ils sont trouvés. Enfin, le placement de l'infinitif, la réorganisation du paradigme pronominal et l'érosion du recours à la montée du clitique motivent la syntaxe à opter pour la proclise, un changement amorcé timidement durant la deuxième moitié du 14e siècle.

[4] La section 2 compare brièvement le français moderne à l'italien, le catalan et l'espagnol. La section 3 passe en revue les études qui ont été menées sur l'ordre du clitique et de l'infinitif en AF. Avant de présenter l'étude dans la section 5, la section 4 présente le corpus qui a été analysé : l'utilisation de textes jusqu'alors inexplorés dans les études du placement des clitiques a pour but d'apporter un regard nouveau sur le problème. Dans la section 6, les résultats sont présentés sommairement avant d'être discutés et illustrés chronologiquement dans la section 7.

2 Langues romanes

[5] Il y a une constance que l'on retrouve dans les langues romanes et en grec : la proclise va de pair avec les formes finies et l'enclise avec les formes non-finies (Mavrogiorgos 2010). Dans les langues voisines du français comme l'espagnol, l'italien ou le catalan, les clitiques qui sont le complément d'un infinitif sont obligatoirement enclitiques. Le français fait exception en les plaçant systématiquement avant leur hôte, c'est-à-dire le verbe avec lequel ils forment une unité prosodique (Zwicky 1977). Cette disparité va de pair avec le phénomène de montée du clitique qui est possible avec les verbes modaux, aspectuels ainsi que certains verbes de mouvement dans les langues romanes qui possèdent l'enclise. Ce phénomène, analysé comme restructuring1 par Rizzi (2013 [1982]) permet au verbe de la proposition principale de sélectionner le complément de l'infinitif de la subordonnée et de devenir son hôte prosodique. Le clitique apparaît alors comme proclise du verbe de la proposition principale bien qu'il reste complément de l'infinitif. Le français moderne ne permet ni l'enclise (2b), ni la montée du clitique (2c).

(2a)

Je veux le voir.

(2b)

* Je veux voirle.

(2c)

* Je le veux voir.

D'autres langues romanes utilisent indifféremment l'enclise et la montée avec les verbes de restructuration.

(3a)

Voglio vederlo. (Italien)

(3b)

Lo voglio vedere.

(4a)

Vull veure'l. (Catalan)

(4b)

El vull veure.

(5a)

Quiero verlo. (Espagnol)

(5b)

Lo quiero ver.

La possibilité de faire monter le clitique dans la périphérie du verbe fini est déclenchée ici par les verbes de modalité volere, voler et querer.

[6] Lorsque le verbe de la proposition principale ne permet pas la montée du clitique, l'italien (7), le catalan (8) et l'espagnol (9) optent systématiquement pour l'enclise, tandis que le français n'accepte que la proclise (6).

(6)

Elle ira à Paris pour le voir.

(7)

Andrà a Parigi per vederlo.

(8)

Anirà a París a veure'l.

(9)

Irá a París a verlo.

Ici, le clitique reste dans la périphérie de l'infinitif. Une rapide comparaison de l'ordre des mots dans les langues sélectionnées montre que le français possède un ordre singulier. Kayne (2000 : 651) et Roberts (2010 : 85) proposent que cette différence s'explique par le déplacement de l'infinitif2. Leurs études analysent le placement du clitique de manière similaire : le clitique adjoint systématiquement Infl (inflexion, la tête fonctionnelle de la flexion) ou v (little v dans la littérature, une tête fonctionnelle dans le syntagme verbal). Selon cette hypothèse, l'infinitif se déplace plus haut que Infl ou v dans les langues à enclise, tandis qu'il reste plus bas que Infl ou v dans les langues à proclise. C'est aussi cette hypothèse que je développe pour l'AF dans Olivier (2022).

[7] Les clitiques sont présents dans l'ensemble des langues et dialectes romans. Leur existence dans la langue latine a été discutée mais jamais démontrée, probablement car leur caractère se développe sur plusieurs siècles et n'est véritablement identifiable qu'à partir du Moyen Âge. En latin, les pronoms peuvent être accentués en fonction de la position dans laquelle ils se trouvent. Ils peuvent aussi apparaître indépendamment et être coordonnés avec un autre pronom, ou même avec un syntagme nominal (Vincent 1997). Bien que ces caractéristiques s'opposent à celles des clitiques, on observe d'autres tendances qui pourraient être les prémices de la cliticisation. En effet, les pronoms latins semblent s'être rapprochés du verbe afin de former une unité phonologique semblable à celle que l'on observe dans les langues romanes. Par exemple, Adams (1996) analyse des textes militaires datant du tournant du 2e siècle et observe l'utilisation de points médians pour séparer des groupes de mots : son observation soulève l'absence de cette ponctuation entre les verbes et leur complément pronominal. Bien que la seule exploration de l'emploi des points médians ne suffise pas à affirmer que les pronoms sont des clitiques à ce stade, elle permet de démontrer une certaine unité entre le verbe et le pronom, qui peut être précurseur à la cliticisation du pronom. Une remarque similaire est faite par Clackson & Horrocks (2007 : 255) dans leur revue de l'histoire de la langue latine. D'après eux, les pronoms non-accentués ont tendance à être placés en périphérie du verbe dans le latin du 3e siècle. Similairement, Ledgeway (2017) affirme que les pronoms du latin tardif sont sensibles au placement du verbe et son étude les analyse comme des clitiques. Le caractère atone des pronoms clitiques est cependant acquis dès la fin du premier millénaire. En français, on retrouve les clitiques dès les premiers manuscrits. Ci-après, j'examine la morphologie pronominale de l'AF avant de revoir les études qui analysent le placement des clitiques compléments d'un infinitif.

3 Ancien français

[8] Diverses études diachroniques montrent que l'évolution du placement des clitiques a eu lieu différemment dans les contextes finis, impérativaux et infinitivaux (Moignet 1970 ; Martineau 1990 ; Hirschbühler & Labelle 2000, 2006 ; Labelle & Hirschbühler 2005 ; Iglesias 2015). En AF, les formes finies et les impératifs ont un comportement similaire : lorsque l'ordre de la proposition est V1, le pronom est enclitique et cela va de même lorsque le verbe est précédé d'une conjonction de coordination ou d'une subordonnée circonstancielle (Hirschbühler & Labelle 2000 ; Simonenko & Hirschbühler 2012 : 13-14). Dans tous les autres cas il y a une proclise. C'est l'effet Tobler-Mussafia (TM, Tobler 1875 ; Mussafia 1886) que l'on retrouve dans les langues romanes médiévales. Il empêche le clitique d'être le premier élément d'une clause et les conjonctions ne lui permettent pas de compter comme élément second. C'est un trait connu dans plusieurs langues : par exemple en vieux catalan (Fischer 2003) et en vieil espagnol (Wanner 1991), et de manière moins systématique en vieux roumain (Nicolae & Niculescu 2015) et en vieil occitan (Donaldson 2020).

[9] L'ordre des mots jouit d'une plus grande liberté que dans la langue moderne (Anglade 1934 : 157). On observe que la syntaxe autorise une variété de constructions avec les pronoms et les infinitifs. Par exemple, et contrairement au français moderne, les formes toniques sont utilisées avec les infinitifs (10), (11). D'après Roberts (1997 : 447), l'antéposition des pronoms toniques n'existe nulle part ailleurs dans les langues romanes.

(10)

pour soi vengier. (Roman de Thèbes, 788, Moignet 1970 : 16)

(11)

de toi combatre. (Roman de Thèbes, 5817, Moignet 1970 : 17)

Cette construction, propre à la langue médiévale, laisse place à l'usage des clitiques qui concurrencent les pronoms toniques très tôt dans certains contextes. Néanmoins d'après De Kok (1985 : 54), cette construction n'est pas prévalente et l'usage des clitiques est plus commun.

[10] Le paradigme des pronoms en AF est donné dans le tableau 1, qui couple les données de Einhorn (1974 : 63), de De Kok (1985 : 21, 26) et de Pearce (1990 : 240)3. Il y a trois déclinaisons pronominales, même si certaines formes affichent un syncrétisme marqué. C'est le cas de nos et vos qui ne changent jamais.

Formes atones

Formes toniques

Préverbales

Postverbales

Singulier

1ère

me

moi

moi

2nde

te

toi

toi

3e ACC (m.)

le/lo

le/lo

lui (m.) / li (f.)

3e ACC (f.)

la

la

3e DAT

li (lui)

li (lui)

Pluriel

1ère

nos

nos

nos

2nde

vos

vos

vos

3e ACC

les

les

eux/eus (m.) / eles (f.)

3e DAT

lor

lor

Réflexif

3e

se

soi

soi

Adverbe

en

en

-

i

i

-

Tableau 1 : Morphologie pronominale

Cette tripartition oppose les formes préverbales aux pronoms toniques. Ces derniers peuvent apparaître isolés ou après une préposition (Pearce 1990 : 240). Les formes postverbales empruntent leur morphologie à la proclise pour la troisième personne et aux pronoms toniques pour la première et la deuxième personne du singulier. Pearce (1990) explique cette divergence d'un point de vue phonologique et l'étude de De Kok (1985) traite également les formes postverbales en -oi comme enclises. Les adverbes en et i substituent un syntagme prépositionnel introduit par de ou à et se comportent également comme des clitiques. Ils ne possèdent pas de déclinaison tonique. D'après l'étude de Moignet (1970) et une remarque de De Kok (1985 : 24), s'ajoutent à l'accentuation et l'autonomie syntaxique des pronoms d'autres propriétés comme l'animéité, le nombre, le genre ou encore le cas grammatical.

[11] Je cherche ici à capturer et exposer les contextes dans lesquels on retrouve les clitiques compléments d'un infinitif dans l'ancienne langue. Comme exposé dans la section 1, la littérature disponible sur le sujet présente trois tours : la montée du clitique [Cl + VFIN + VINF], la proclise [Cl + VINF] et l'enclise [VINF + Cl]. Dans les sections qui suivent, les trois tours sont présentés et discutés brièvement.

3.1 Montée du clitique

[12] La montée du clitique est largement attestée en ancien et en moyen français. Dans sa grammaire, Foulet (1919 : 112) qualifie cette construction d'usage constant et Roberts (1997 : 448) la décrit comme obligatoire avec les verbes de restructuration (12), (13), (14). Comprenons par-là que si le clitique peut monter, il montera.

(12)

Je la voudrai marier bien. (Le Vair Palefroi, 324, Foulet 1919 : 112)

(13)

Je la doie prendre. (Queste del Saint Graal, 1225, BFM)

(14)

Il le pouvoit aidier. (Cent Nouvelles Nouvelles, 57/64, Martineau 1990 : 57)

Ce tour est attesté avec une classe restreinte de verbes, principalement avec les verbes modaux, les verbes aspectuels et les verbes de mouvement : cette même classe autorise la montée en italien, en catalan et en espagnol avec des variations dialectales attestées (Rizzi 2013 [1982], note de bas de page 6). Dans ces langues, la montée du clitique est analysée comme un résultat du phénomène de restructuration, à l'instar de la sélection de l'auxiliaire, du passif réfléchi avec se et du mouvement de l'objet. L'AF possède chacune de ces constructions (Pearce 1990 ; Roberts 1997).

[13] Ce tour est souvent décrit comme très productif et il disparaît en même temps que la règle de restructuration. Dès lors, la proclise s'impose comme unique possibilité. Cette étape est cependant graduelle et s'étend sur plusieurs siècles. Le début du déclin de la montée est généralement observé au 14e siècle, tandis qu'au 17e siècle ce tour devient largement minoritaire (Martineau 1990 : 126-127 ; Iglesias 2015 : 96). D'après Foulet (1924 : 84), les clitiques de la troisième personne sont les premiers à ne plus monter et les clitiques de la première et de la deuxième personne suivent. Dans la section précédente, il a été montré que les langues qui permettent au clitique de monter lui permettent aussi de rester dans la périphérie directe de l'infinitif sous forme d'enclise. Ce tour, absent du français moderne, est présenté dans la section suivante pour l'AF.

3.2 Enclise

[14] L'enclise est peut-être le tour le plus insolite ici. Jusqu'à présent, on trouve peu d'études à son sujet en comparaison avec la montée du clitique. Roberts (1997 : 447) affirme que lorsque cette dernière est bloquée, on ne trouve ni l'enclise ni la proclise, mais un pronom tonique qui précède l'infinitif. La situation est en réalité plus nuancée.

[15] D'après De Kok (1985 : 115-116), les contextes propices à l'enclise sont les suivants : après une préposition autre que à ou de (15), après à ou de quand le syntagme prépositionnel qui comprend l'infinitif et le clitique a une valeur adverbiale (16), dans les constructions où l'infinitif a la fonction de complément du nom (17), dans les constructions où l'infinitif a la fonction de sujet (18) et dans les constructions où l'infinitif est dépendant d'un verbe régent (19).

(15)

et y mist serganz a plenté pour garder le. (Helcanus, 253, De Kok 1985 : 115)

(16)

mais je le vous baille a faire ent chou que vous vaurrés. (Clari, 27, 57, De Kok 1985 : 116)

(17)

Quant la juene dame vos ot contee la raison que l'autre dame avoit de guerroier la. (Queste, 185, 14, De Kok 1985 : 116)

(18)

car che seroit uns perix d'aler i. (Clari, 78, 34, De Kok 1985 : 116)

(19)

car ce seroit folie se je tendoie a avoir la. (Queste, 5, 32, De Kok 1985 : 116)

Avec la première et la deuxième personne du singulier ainsi que le pronom réflexif de la troisième personne du singulier, l'enclise utilise la morphologie des formes toniques (20), (21).

(20)

Et saches que j'ai eu grant poine pour toi d'apaisier toi a la benoiete virge Marie. (Mir. St Louis, 115, 83, De Kok 1985 : 116)

(21)

Si n'i a que de ferir soi en l'ost. (Arthu, 145, 9, De Kok 1985 : 116)

De Kok (1985 : 122) et Pearce (1990 : 240) remarquent que les formes me, te et se peuvent être utilisées pour l'enclise dans des contextes particuliers. C'est le cas avec les formes finies, notamment lorsqu'un pronom sujet ou un adverbe suivent. On les retrouve aussi avec les formes non finies lorsque deux clitiques se suivent : plutôt que moi en, on réduit le premier pour le combiner phonologiquement avec le deuxième et créer m'en.

[16] L'enclise est préférée pour les agglomérats de clitiques du type m'en d'après Pearce (1990 : 270), qui voit également dans le placement postverbal une position pour les êtres de la classe des inanimés. Le recours à l'animéité dans l'analyse du système pronominal en AF est courant : l'étude de Moignet (1970 : 19) y voit une distinction morphologique plutôt qu'une distinction liée à la place du clitique. D'après lui, l'ancienne langue a tendance à utiliser les formes atones pour les inanimés et les formes toniques pour les animés.

[17] Ce tour n'est cependant pas décrit comme étant très fréquent. Toujours d'après Moignet (1970), il est principalement attesté pendant les 12e et 13e siècles et peut être sujet au style de l'auteur. Pearce (1990) ne retrouve pas ce tour en moyen français et De Kok (1985 : 325) note qu'il disparaît rapidement malgré des exemples sporadiques au 14e siècle qu'elle qualifie d'archaïsmes.

[18] L'emploi de l'enclise avec les infinitifs en AF est certainement pluriel. Pour l'expliquer, diverses études font appel à une combinaison hybride de traits morphophonologiques et syntaxiques, avec possiblement des contraintes pragmatiques et stylistiques. S'ajoute à cet éventail de constructions la concurrence du clitique antéposé, la proclise.

3.3 Proclise

[19] Ce tour n'est pas non plus le mieux représenté dans l'ancienne langue. D'après Moignet (1970), les pronoms atones ne sont pas fréquents en position antéposée. Néanmoins, cette situation évolue rapidement puisque Foulet (1924 : 79) et Martineau (1990 : 197) notent qu'en moyen français, la proclise s'établit comme tour principal lorsque le clitique ne monte pas. Cela signifie que la proclise finit par remplacer à la fois l'enclise, mais aussi les pronoms toniques pré-infinitivaux. En d'autres termes, la transition de l'AF au moyen français présente une réorganisation de l'ordre des mots où les clitiques qui étaient jusque-là admis en position postposée sont désormais antéposés, et les pronoms qui pouvaient garder leur forme tonique sont systématiquement remplacés par leur équivalent proclitique. Toutefois, la proclise n'apparaît pas pour remplacer l'enclise : elle est déjà présente en AF et semble concurrente à l'enclise et aux pronoms pré-infinitivaux.

[20] Moignet (1970) atteste des exemples de proclise dès le 13e siècle et De Kok (1985 : 127) remarque que ce tour est très rare avant 1300. Il est principalement trouvé avec les clitiques de la troisième personne (22), (23), (24).

(22)

Dont fu li empereres esbahis de li dire son corage. (Helcanus, 177, De Kok 1985 : 127)

(23)

se diex ne vos i eust amené por la mener a chief. (Queste, 39, 28, De Kok 1985 : 127)

(24)

pour les voir. (Le Roman de Thèbes, 4209, Moignet 1970 : 16)

À première vue, il semble difficile de différencier ces contextes de ceux de l'enclise : c'est certainement ce qui a poussé les linguistes à s'intéresser au genre et à l'animéité puisque, à ma connaissance, il n'y a pas d'explication syntactique qui justifie la cooccurrence de la proclise et de l'enclise dans ce contexte.

4 Corpus

[21] Afin d'approfondir le sujet, la présente étude analyse des textes jusqu'alors inexplorés en ce qui concerne le placement des clitiques en contexte infinitival. Les textes littéraires anciens ont permis à diverses études de produire des grammaires ainsi que des analyses syntaxiques et morphologiques de la langue médiévale : diverses investigations ont mis en évidence leur caractère roman qui s'est étiolé au fil du temps, contrairement à l'italien (Rizzi 2013 [1982]), l'occitan (Hernanz & Rigau 1984), le catalan (Hernanz & Rigau 1984 ; Picallo 1990) et l'espagnol (Aissen & Perlmutter 1976) qui retiennent des caractéristiques telles que le sujet nul et la montée du clitique. Cependant, il est notable que l'utilisation de matériel littéraire à des fins diachroniques n'est pas un choix qui s'impose : un texte en vers, par exemple, aura un impact important sur le résultat de l'étude. Cette dernière reflète en effet le registre qu'elle analyse (Kytö 2019).

[22] La méthodologie de Balon & Larrivée (2016) précède notre travail. Leur analyse expose la différence que l'on obtient lorsque l'on utilise des textes littéraires vs. des textes non littéraires. D'après leurs données, la perte du sujet nul en français se fait au 13e siècle, tandis que d'autres études de textes littéraires la situent au moins deux siècles plus tard (Adams 1987 ; Roberts 1993). Nous supposons donc que les études sur la diachronie des clitiques qui analysent des textes littéraires peuvent aussi être contrastées avec une étude qui choisit un registre plus proche du vernaculaire : ici un corpus de textes légaux et épistolaires.

[23] Ces documents se devaient d'être intelligibles et compris par tous, c'est pourquoi un style proche du vernaculaire devait y être transcrit. En 1539, Guillaume Le Rouillé écrit le Le grand coustumier du pays et duché de Normendie, qui commence par :

Le grant Couſtumier du pays et duche de Normendie treſutile et profittable a tous practiciens. Lequel eſt le texte diceluy en francoys proportiōne a lequipollent de la gloſe ordinaire et familiaire.

On apprend donc que la langue du texte est française et proportionnelle à l'équivalent de la langue ordinaire et familière. La pertinence de ce choix de matériel pour notre étude est alors explicitée par l'auteur4. Le choix de ce type de registre pour saisir une langue plus simple n'est pas nouveau ; l'étude de l'espagnol médiéval de Diez Del Corral Areta (2011) utilise un corpus de déclarations de témoins et de lettres avec pour but de saisir l'inmediatez comunicativa, 'l'immédiat communicatif', une notion précédemment soulevée par Koch & Oesterreicher (1985). Le bénéfice de cette sélection de textes est que la langue analysée est au plus proche de ce qu'a pu être la langue parlée au temps de l'écriture, puisque les effets de style que l'on retrouve dans la langue littéraire n'interviennent pas.

[24] Afin d'assurer un corpus homogène et couvrant une période qui s'étend du 12e au 15e siècle, le corpus de l'étude comprend majoritairement des textes normands. Cela permet à l'analyse d'éviter le plus de variation dialectale possible et de capturer la variation historique le mieux possible. Nous avons cependant ajouté trois exceptions dans l'optique d'assurer une quantité analysable suffisante : les Actes de Ferri III, le Corpus Philippicum, et les Actes Royaux du Poitou. Toute divergence notable avec le reste du corpus pourra refléter un trait dialectal. Autre exception au corpus : l'ajout du Roman de Brut, un texte en vers5. Cette addition est justifiée par la faible quantité de clitiques trouvée dans les Lois de Guillaume le Conquérant et l'impossibilité de localiser d'autres textes légaux pour cette période. Elle permettra d'étoffer les données collectées pour le 12e siècle.

Texte / Corpus

Région

Période

Registre

Lois de Guillaume le Conquérant (PL)

Normandie

1150

Lois

Le Roman de Brut (BFM)

Normandie

1155

Poème en vers

SCRIPTA 1

Normandie

1154-1189

Actes

SCRIPTA 2

Normandie

1208-1265

Actes

Établissements et Coutumes (PL)

Normandie

1207-1270

Coutumes

Actes de Ferri III

Lorraine

1251-1303

Actes

Corpus Philippicum

Varié

1272-1299

Enquêtes et actes

SCRIPTA 3

Normandie

1277-1294

Actes

Grand Coutumier de Normandie (PL)

Normandie

1300

Coutumes

Actes Royaux de Poitou

Poitou

1302-1341

Lettres

Mortemer (PL)

Normandie

1320-1321

Plaids

Actes Normands (PL)

Normandie

1328-1350

Actes

Lettres de Rémission (PL)

Normandie

1357-1360

Lettres

Actes de la Chancellerie d'Henri VI (PL)

Normandie

1420-1440

Actes

Tableau 2 : Corpus de l'étude

Ces documents sont issus de plusieurs bases de données. Les documents normands (mis à disposition par Pierre Larrivée, PL) et le corpus SCRIPTA sont administrés par l'Université de Caen Normandie, le Corpus Philippicum est déposé à l'Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT), la Base de français médiéval (BFM) et les Actes de Ferri III sont diffusés par le Laboratoire Analyse et traitement informatique de la langue française (ATILF).

[25] La sélection des textes a été dictée par deux critères : la quantité et la période. Les textes les plus anciens ont été choisis en priorité et les 60000 premiers mots des textes les plus longs ont été analysés. La faible quantité de matériel pour le 12e siècle a fourni peu d'occurrences. La section suivante présente la méthodologie et les limitations de l'étude.

5 Étude

[26] La présente étude investigue la coexistence de la proclise et de l'enclise avec l'infinitif en AF et au début du moyen français (12e-15e siècles) : lorsque la montée du clitique est bloquée, et que le pronom n'apparaît pas sous sa forme tonique, quel choix font les locuteurs et locutrices ? L'approche utilisée documente ce choix et son évolution en analysant des données qui, bien que textuelles, ne voient pas leur structure altérée par des effets de style littéraires6. L'objectif de cette étude est de documenter les contextes dans lesquels le clitique reste dans la périphérie immédiate de l'infinitif dont il est le complément. Notamment, je cherche à mettre en évidence la disparition de l'enclise au profit de la proclise.

[27] Chaque document a été analysé avec le logiciel AntConc. Ce dernier facilite la recherche de corpus en localisant un item et son contexte. Les clitiques ont été cherchés les uns après les autres en intégrant les allomorphes connus (par exemple le/lou) ainsi que les réalisations morphologiques plus complexes, impliquant par exemple un agglomérat de clitiques (par exemple se + en = sen). Néanmoins, AntConc ne propose pas d'outil d'étiquetage. Pour contrer cela, les documents issus de la recherche automatique du logiciel ont été étiquetés manuellement dans le logiciel NVivo, un outil qui permet une analyse qualitative des données.

[28] Les clitiques n'ont pas été comptés individuellement dans les résultats : ces derniers représentent le nombre des phénomènes impliquant la cliticisation d'un ou de plusieurs compléments d'un infinitif. Par conséquent, un agglomérat de deux clitiques pré-infinitivaux a été compté comme un seul phénomène de proclise, plutôt que deux. D'un point de vue morphosyntaxique, on sait qu'il faut considérer le phénomène dans son ensemble plutôt que chaque clitique de manière individuelle (Cinque 2004 : 151). Cela est d'ailleurs confirmé par l'absence de construction qui utiliserait simultanément la proclise et l'enclise.

[29] Seuls les clitiques qui sont le complément d'un infinitif ont été relevés. Par conséquent, la construction [Cl + VFIN + VINF] n'a pas été comptée lorsque le verbe conjugué était un verbe causatif tels que fere ou lesser, ou un verbe de perception tels que veoir ou oïr (25), (26) et (27).

(25)

Et que il le veoit souvent aler eu bois. (Corpus Philippicum, J 1034, no. 50)

(26)

Et en ce faisant et machinant ce que dit est, les oy demander parmi la ville a son de trompe. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 173, no. 134, fol. 67r)

(27)

Et y fist mener l'un desdis chevaulx […]. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 173, no. 36, fol. 19r)

À première vue, l'ordre des mots indique une construction similaire à la montée du clitique ; cependant, le clitique précédant un verbe causatif ou un verbe de perception n'est pas le complément d'un infinitif (Kayne 1975 ; Rizzi 2013 [1982]). Ces constructions n'entrent pas dans la portée de cet article.

[30] Les constructions qui comprennent simultanément une antéposition stylistique (stylistic fronting) de l'infinitif et un clitique objet du même infinitif ont été comptées comme montée du clitique. L'antéposition stylistique, très productive en AF, place l'infinitif en première position de la proposition (Mathieu 2006 ; Labelle & Hirschbühler 2014). Lorsqu'il y a un clitique, on pourrait croire que l'on a une enclise (28), alors que c'est bien une montée du clitique, comme on peut le voir lorsque la négation ne s'intercale entre les deux (29).

(28)

ainsi que faire le povoit. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, no. 671, fol. 371v)

(29)

que tenir ne se purreit. (Le Roman de Brut, v. 14503)

La fréquence des constructions où le pronom est préverbal et garde sa forme tonique (comme dans les exemples (10) et (11)) a été inclue dans l'étude. En revanche, les formes en -oi post-infinitivales ont été traitées comme enclise, en accord avec la discussion de la section 3.2.

6 Résultats

[31] Un total de 1 581 constructions comprenant un phénomène de cliticisation avec un ou plusieurs compléments d'un infinitif a été compté. La montée du clitique est le tour majoritaire avec 1098 occurrences, soit plus de deux fois le nombre d'occurrences comprenant la proclise ou l'enclise. L'enclise surpasse la proclise au 13e et au 14e siècles avant de disparaître abruptement, en passant d'un cinquième du nombre total de constructions à zéro ; soit de 20,58% au 14e siècle à 0% au 15e siècle (tableau 3). L'enclise est donc un trait propre à l'AF qui ne survit pas à l'époque du moyen français. Il est intéressant de noter que la fréquence du pronom tonique pré-infinitival augmente au 15e siècle.

Siècle

Total

Proclise

Enclise

Montée

PTON + VINF

12e

83

7,23% (6)

6,02% (5)

84,34% (70)

2,41% (2)

13e

545

3,3% (18)

9,17% (50)

86,06% (469)

2,02% (11)

14e

656

11,89% (78)

20,58% (135)

65,09% (427)

2,44% (16)

15e

297

46,13% (137)

0% (0)

44,44% (132)

9,43% (28)

Tableau 3 : Fréquence par siècle du placement des clitiques avec un infinitif

On observe une apparente décroissance progressive de la montée du clitique et l'on sait qu'elle disparaitra complètement du français dans les siècles qui suivront. Néanmoins, ce tour reste robuste dans les constructions [VMODAL/ASPECTUEL + VINF] : dans le corpus, avec 8 enclises et 12 proclises là où la montée aurait été attendue7. Je me concentre donc sur les contextes où il n'y a pas de verbe à montée et où le clitique reste dans la périphérie immédiate de l'infinitif. On en trouve peu d'exemples avant le 14e siècle. D'après la faible quantité de données, la fréquence de la proclise et de l'enclise est similaire au 12e siècle, mais cela ne dure pas : le siècle suivant, la fréquence d'utilisation de l'enclise dépasse celle de la proclise et cette tendance s'intensifie au 14e siècle. À priori, cela laisse à penser que deux grammaires sont alors en compétition concernant le placement du clitique. La grammaire qui utilise la proclise s'impose au 15e siècle. Ci-dessous, nous conduisons un commentaire pour chaque siècle en documentant et en illustrant l'utilisation de la proclise et de l'enclise.

7 Discussion

7.1 12e siècle

[32] Les données pour le 12e siècle montrent que 13,25% des clitiques apparaissent directement avant ou après un infinitif. C'est relativement peu et cela s'explique notamment par une tendance presque systématique à faire monter le clitique (84,34%). La faible quantité de clitiques rend les trois textes difficiles à comparer (tableau 4). Dans chaque tableau qui suit et qui présente le détail des données, le nombre total de constructions inclut la montée du clitique et les pronoms toniques afin de mettre en relief la présence des constructions étudiées.

Total

Proclise

Enclise

Montée

PTON + VINF

Lois de Guillaume le Conquérant

18

0% (0)

11,11% (2)

88,89% (16)

0% (0)

Le Roman de Brut

57

0% (0)

5,26% (3)

91,23% (52)

3,51% (2)

SCRIPTA 1

8

75% (6)

0% (0)

25% (2)

(0)

Total

83

7,23% (6)

6,02% (5)

84,34% (70)

2,41% (2)

Tableau 4 : Détail des données du 12e siècle

Alors que la proclise est absente des deux premiers textes, elle est majoritaire dans les actes de SCRIPTA 1. Quant à l'enclise, elle existe avec une fréquence très faible : après le dépouillement on ne compte que 5 enclises sur 83 phénomènes de cliticisation pour toute la période. Dans les cas où la montée du clitique n'est pas possible et où l'enclise apparaît, les infinitifs sont précédés des prépositions de (30), (31) et pur (32) (tableau 5).

(30)

il averad terme de un meis e un jur de querre le. (Lois de Guillaume le Conquérant, par. 3)

(31)

Mes il pensa de guarir sei. (Le Roman de Brut, v. 13173)

(32)

Ki abat femme a terre pur fere lui force, … (Lois de Guillaume le Conquérant, par. 18)

Proclise

Enclise

Vimpératif + objet

de

pur

de

pur

Lois de Guillaume le Conquérant

1

1

Le Roman de Brut

2

1

SCRIPTA 1

1

4

1

Total

1

4

1

3

2

Tableau 5 : Contexte gauche de l'infinitif au 12e siècle

Les données obtenues pour ce siècle sont insuffisantes pour faire des généralités. En revanche, elles témoignent de ce qui semble alors possible dans la langue. L'auteur des Lois de Guillaume le Conquérant utilise une grammaire qui semble favoriser l'enclise, cependant cette dernière n'apparaît que deux fois (30), (32).

[33] On peut faire une remarque inverse pour les auteurs des actes de SCRIPTA 1 qui préfèrent la proclise à l'enclise (33), (34).

(33)

… qu'il estoit bon de les exprimer par leurs propres noms. (Acte 5070, SCRIPTA 1)

(34)

… avec toutes ses dixmes, terres et appartenances, pour en jouir de moy comme de ma propre aumosne. (Acte 7090, SCRIPTA 1)

À nouveau, la montée du clitique n'est pas une option dans ces exemples et les infinitifs sont introduits par les mêmes prépositions que dans les exemples (30) à (32). Ici, la comparaison des données ne permet pas de définir un contexte particulièrement propice à la proclise ou à l'enclise.

[34] D'un point de vue méthodologique, l'utilisation de Le Roman de Brut ne semble pas être incohérente, mais elle n'apporte pas non plus d'information particulière. Auprès de l'infinitif, on n'y trouve que l'enclise8.

[35] Le 12e siècle offre une image hybride du placement des clitiques : quand la montée est bloquée, on trouve des exemples peu abondants de proclise et d'enclise qui pourraient être un choix dépendant de la grammaire de l'auteur.

7.2 13e siècle

[36] Les données du 13e siècle offrent plus de matière : l'enclise est trois fois plus fréquente (9,17%) que la proclise (3,3%) (tableau 6). C'est l'inverse du siècle précédent. Différents textes indiquent que les deux tours sont possibles, parfois de manière presque équitable comme dans le Corpus Philippicum.

Total

Proclise

Enclise

Montée

PTON + VINF

SCRIPTA 2

10

10% (1)

20% (2)

40% (4)

30% (3)

Établissements et Coutumes

101

0 (0)

29,7% (30)

70,3% (71)

0% (0)

Actes de Ferri III

356

1,69% (6)

0% (0)

96,35% (343)

1,97% (7)

Corpus Philippicum

54

14,81% (8)

18,52% (10)

64,81% (35)

1,85% (1)

SCRIPTA 3

24

0% (0)

33,33% (8)

66,67% (16)

0% (0)

Total

545

3,3% (18)

9,17% (50)

86,06% (469)

2,02% (11)

Tableau 6 : Détail des données du 13e siècle

Il y a néanmoins des textes qui utilisent un tour plus fréquemment que l'autre : c'est le cas des Actes de Ferri III, qui ne contiennent aucune enclise, alors que c'est le contraire dans SCRIPTA 3. Dans ce dernier, la proclise est absente mais l'enclise est relativement fréquente (35), (36), voir aussi dans le Corpus Philippicum (37). Les données du 12e siècle dans cette même base montrant l'inverse, on remarque que l'enclise commence à remplacer la proclise.

(35)

et garder les en de touz damages, ou eschangier en lor propre héritage où que il seit. (Acte 1268, SCRIPTA 3)

(36)

sanz réclamance fere i desorénavant. (Acte 1266, SCRIPTA 3)

(37)

se il out onques riens de nuls por lessier le a metre en amende. (Corpus Philippicum, J 1034, no. 50)

Dans l'exemple (35), les clitiques les en et en sont post-infinitivales : la construction [et/ou + V + Cl] nous renvoie à l'effet TM, comme nous l'avons vu dans la section 3. On observe cette contrainte pour les Établissements et Coutumes ainsi que SCRIPTA 3 où l'on obtient une enclise après et et ou (tableau 7). Nous comptons 1 occurrence où le clitique aurait pu monter et 6 où l'infinitif est introduit par offrir à/tenir à, un contexte qui peut aussi permettre la montée (Martineau 1990).

sanz

sanz + obj

Verbe

a

de

por

et

ou

SCRIPTA 2

1

1

Établissements et Coutumes

2

1

18

5

1

2

1

Corpus Philippicum

10

SCRIPTA 3

2

1

4

1

Total

2

2

1

20

5

11

7

2

Tableau 7 : Contexte gauche de l'infinitif au 13e siècle avec l'enclise

À ce stade, l'enclise est majoritairement trouvée quand l'infinitif est précédé des prépositions a, de et por ou de la conjonction et.

[37] Les Actes de Ferri III sont une large source de données qui compte 356 cliticisations ; mais curieusement, presque la totalité (96,35%) d'entre elles reflètent une montée du clitique. Néanmoins, on trouve quelques exemples de proclise (38), (39).

(38)

Et ce il ou autres por lui avoit ne cost ne daigmaige an peunir ou an waigier. (Actes de Ferri III, 321288)

(39)

ou dounei a moi la contei pour lou tenir. (Actes de Ferri III, 471271)

Dans ces exemples, et contrairement aux exemples précédents, la préposition por et la conjonction ou n'empêchent pas la proclise (tableau 8). C'est le seul texte de la période qui se comporte ainsi : nous allons voir qu'il reflète en réalité les prémices d'un changement dans la section 7.3.

Ø

obj

sanz

a

de

por

et

ou

ne

SCRIPTA 2

1

Actes de Ferri III

1

2

2

1

Corpus Philippicum

1

3

4

Total

1

1

4

0

0

2

2

1

4

Tableau 8 : Contexte gauche de l'infinitif au 13e siècle avec la proclise

La comparaison des textes du 13e siècle est troublante : alors que la plupart des auteurs n'utilisent qu'un tour, une minorité utilise les deux de manière apparemment interchangeable.

7.3 14e siècle

[38] Les données du 14e siècle indiquent une forte concurrence entre la proclise (11,89%) et l'enclise (20,58%). Leur développement concorde avec le siècle précédent et l'enclise est presque deux fois plus fréquente que la proclise. Ces données numériques contredisent celles de Moignet (1970) et de De Kok (1985 : 325). Dans leurs études, l'enclise appartient aux 12e et 13e siècles et est archaïque au 14e siècle. Ici, on observe que ce tour n'est pas archaïque mais bien productif, en particulier dans un texte.

[39] Le 14e siècle fait état de la même tendance hybride que le siècle précédent : on a d'un côté les auteurs du Grand Coutumier et de Mortemer qui utilisent principalement l'enclise ; et de l'autre les auteurs des Actes Royaux du Poitou et des Lettres de Rémission qui préfèrent la proclise (tableau 9).

Total

Proclise

Enclise

Montée

PTON + VINF

Grand Coutumier

427

0,7% (3)

29,74% (127)

69,56% (297)

0% (0)

Actes Royaux du Poitou

115

40% (46)

1,74% (2)

52,17% (60)

6,09% (7)

Mortemer

15

6,67% (1)

26,67% (4)

66,67% (10)

0% (0)

Actes Normands

18

22,22% (4)

11,11% (2)

61,11% (11)

5,56% (1)

Lettres de Rémission

81

29,63% (24)

0% (0)

60,49% (49)

9,88% (8)

Total

656

11,89% (78)

20,58% (135)

65,09% (427)

2,44% (16)

Tableau 9 : Détail des données du 14e siècle

Dans les données que l'on a pour ce siècle, un clitique sur cinq suit l'infinitif, comme illustré dans les exemples (40) à (42).

(40)

il doit gagier lestablie & donner pleges daporter la dedens quinzaine. (Grand Coutumier, seq. 249)

(41)

& aura congie de consellier soi se il le demande. (Grand Coutumier, seq. 165)

(42)

… pour fere ent ce qu'il l'en plera senon raison. (Mortemer, par. 74)

La concurrence entre la proclise et l'enclise est alors à son apogée et l'enclise l'emporte doucement sur la proclise qui ne disparaît pas pour autant (43), (44), (45). Bien que l'on pourrait voir un trait dialectal poitevin dans l'usage presque systématique de la proclise dans les Actes Royaux du Poitou, les Lettres de Rémission sont normandes et se comportent de manière relativement identique, contrairement aux autres textes normands. On peut cependant diviser la période en deux pour donner du sens à ces données : le Grant Coutumier et Mortemer sont écrits entre 1300 et 1321, tandis que les Actes Normands et les Lettres de Rémission sont écrits entre 1328 et 1360. Dans les textes normands, la fin de la première moitié du 14e siècle marque une période transitoire entre l'enclise et la proclise.

(43)

… que nous avons euz de les retenir. (Actes Royaux du Poitou, JJ. 269, no. 209 et 210, fol. 95v)

(44)

données au dit Phelipe et à sa requeste, pour li valoir en temps et en lieu… (Actes Normands, 40)

(45)

pour ce qu'il n'avoit de quoy la paier ... (Lettres de Rémission, fol. 41v, no. 50. 1358)

À nouveau, on observe que la séquence [Prep + VINF + Cl] des exemples (40) à (42) exposée ici dans le tableau 10 est concurrencée par [Prep + Cl + VINF] dans les exemples (43) et (44), que l'on peut comparer avec le tableau 11. Aussi, on remarque que la montée n'est pas systématique : il y a 7 enclises et 3 proclises où le verbe aurait pu accepter la montée et 27 enclises et 1 proclise avec un verbe introduisant l'infinitif avec a (dont 22 occurrences avec tenir a). C'est plus qu'au 13e siècle.

neg

sanz

a

de

por

Verbe

Obj

et

ou

Grand Coutumier

2

1

57

31

9

7

3

14

3

Actes Royaux du Poitou

1

1

Mortemer

2

2

Actes Normands

1

1

Total

2

1

59

32

11

7

3

16

4

Tableau 10 : Contexte gauche de l'infinitif au 14e siècle avec l'enclise

sanz

sanz + adv

a

de

pour

Verbe

et

ou

Ø

Grand Coutumier

1

2

Actes Royaux du Poitou

2

1

13

5

12

1

5

2

5

Actes Normands

4

Lettres de Rémission

2

1

1

4

11

4

1

Total

4

2

14

10

27

3

9

2

6

Tableau 11 : Contexte gauche de l'infinitif au 14e siècle avec la proclise

Les clitiques postverbaux dans l'exemple (43) sont sujets à l'effet TM. Les analyses de Hirschbühler & Labelle (2000) et Labelle & Hirschbühler (2005) montrent pourtant que cette contrainte disparaît des contextes finis et impérativaux entre la fin du 12e siècle et la première moitié du 13e siècle. Toutefois, la séquence [et/ou + VINF + Cl] est toujours de rigueur dans certains textes du 14e siècle. L'hypothèse retenue ici est que l'on peut voir l'érosion de l'effet TM comme un processus lent qui affecte les propositions finies et les impératifs dans un premier temps, puis s'étend aux infinitifs beaucoup plus tard. Ce genre de délai entre contextes finis et non-finis n'est pas inhabituel : la diachronie de la négation en français le montre bien. Hirschbühler & Labelle (1994) affirment que la construction [non + V] existe jusqu'au 15e siècle avec les infinitifs, alors qu'elle est remplacée dans les contextes finis bien avant avec [ne V (pas/point)] (Donaldson 2018). Bien que la construction [et/ou + Cl + VINF] soit encore minoritaire, elle est tout de même plus fréquente qu'au siècle précédent, mais bien moins qu'au siècle suivant.

7.4 15e siècle

[40] Les Actes de la Chancellerie d'Henri VI représentent une large source de données à eux seuls. Pour la première fois, la proclise est le tour majoritaire (46,13%) dans les contextes sans verbe à montée. L'enclise a disparu. D'un point de vue théorique, on peut adopter les analyses de Kayne (2000) et de Roberts (2010) et admettre que l'enclise va de pair avec un infinitif qui monte plus haut que le point de cliticisation. Cela nous amène à supposer que l'infinitif monte aussi haut en AF qu'en italien et qu'une réanalyse au milieu du 14e siècle l'empêche de dépasser le point de clitisation, amenant la proclise (Olivier 2022).

Total

Proclise

Enclise

Montée

PTON + VINF

Actes de la Chancellerie d'Henri VI

297

46,13% (137)

0% (0)

44,44% (132)

9,43% (28)

Tableau 12 : Détail des données du 15e siècle

La proclise est trouvée dans diverses constructions, par exemple au milieu d'un syntagme verbal (46), après une préposition (47), (48) ou une conjonction (49).

(46)

Monnier prist ledit le Brun par le corps, cuidant le apaisier. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, no. 529, fol. 294v)

(47)

et mectez vostre dague en sauf, sans me meffaire. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, no. 237, fol. 174v)

(48)

et que il lui targeroit trop de les actendre a terre, (…) (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, no. 552, fol. 307r)

(49)

pour y enlever plusieurs bourgeois et les emmener prisonniers dans la forêt. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, p. 559, fol. 310v)

Le caractère proclitique du pronom s'observe au moins au niveau syntaxique : on s'attendrait à ce que le (46) soit réduit, créant une proclise l' au niveau phonologique. Cette élision est tout de même comptée 4 fois dans le texte et est illustrée dans l'exemple (50).

(50)

et estoit tres courroucié de l'avoir ainsi blecié. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 173, no. 174, fol. 89v)

Contrairement au français moderne, et d'après Foulet (1924 : 79) et De Kok (1985 : 21), le pronom atone le peut apparaître comme une forme accentuée en AF. Foulet (1924) voit cette tournure comme l'équivalence de lui. De même, la, li, les, lor, en et i sont concernés, et De Kok (1985 : 20) parle de pronoms accentués à la forme faible. On voit dans l'exemple (46) que cette accentuation existe encore au début du moyen français.

[41] On notera aussi que le phénomène de restructuration reste fort, malgré 9 cas où on aurait pu voir le clitique monter. Alors que pour l'AF, Foulet (1919) et Roberts (1997) décrivent la montée du clitique comme systématique quand elle est possible, on voit qu'il y a de rares exceptions depuis le 13e siècle. Par exemple, on trouve les deux tours avec cuider (51), (52) et oser (53), (54).

(51)

Monnier prist ledit le Brun par le corps, cuidant le apaisier. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, no. 529, fol. 294v)

(52)

et la cuida asseoir sur la teste d'icellui suppliant. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, no. 632, fol. 350r)

(53)

ne encores n'oseroient y aler se nostre grace et misericorde … (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, no. 528, fol. 294r)

(54)

dont il ne s'osoit remuer ... (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 172, no. 528, fol. 294r)

Dans les exemples (3) à (5), il est montré que la montée est facultative en italien, en catalan et en espagnol ; il n'est pas surprenant qu'elle l'ait été en moyen français également. Dans ces trois langues, la seconde et unique option est l'enclise. Autrement dit, c'est l'ordre standard, sans effet de restructuration. Si la montée devient optionnelle en moyen français, il lui faut alors s'opposer de manière systématique à un ordre standard. Une explication élégante à ce problème est qu'il est plus économique pour un groupe de locuteurs ou locutrices d'acquérir un tour plutôt que deux dans les cas où le clitique ne monte pas. Cependant, ces quelques exemples font exception et la montée est préférée.

[42] Aussi, la fréquence de la construction [Prep + PTON + VINF] augmente. On sait que cette construction n'existe plus en français moderne et qu'elle est caractéristique du français médiéval. On en compte encore 28 occurrences dans les Actes de la Chancellerie d'Henri VI. On s'attendrait à voir sans me dans l'exemple (55), puisqu'on le trouve dans l'exemple (47).

(55)

… sans moy partir de la subgession du Roy. (Actes de la Chancellerie d'Henri VI, JJ 178, no. 18, fol. 9v)

L'utilisation de moy peut s'expliquer par la volonté de mettre l'accent sur le pronom, ce qui n'est pas possible avec me qui est nécessairement inaccentué.

[43] La proclise remplace l'enclise à partir de la deuxième moitié du 14e siècle mais l'utilisation des pronoms reste hybride, puisque l'on trouve encore des pronoms toniques pré-infinitivaux au 15e siècle. La discussion s'étend aux formes finies et aux impératifs qui ne sont pas traités ici mais pour lesquels on remarque que les formes atones s'imposent (Foulet 1924 ; Hirschbühler & Labelle 2000 ; Labelle & Hirschbühler 2005). À nouveau, il pourrait y avoir un délai dans l'évolution qui prendrait place dans les contextes finis avant de s'étendre aux infinitifs. Une analyse ultérieure incluant les pronoms toniques permettrait d'affiner cette hypothèse.

8 Conclusion

[44] Les données recueillies fournissent une vision nouvelle de l'évolution des clitiques en donnant une place aux compléments de l'infinitif et en particulier à l'enclise. Contrairement aux études qui l'analysent comme un tour ne dépassant pas le 13e siècle (De Kok 1985 ; Pearce 1990), l'enclise est présente dans le corpus jusqu'à la première moitié du 14e siècle.

[45] L'effet TM dont la disparition se fait entre le 12e et le 13e siècle pour les formes finies (Hirschbühler & Labelle 2000 ; Labelle & Hirschbühler 2005) est présent dans les contextes de l'infinitif jusqu'au 14e siècle. Cela suggère que certains changements adviennent d'abord dans les contextes finis, puis se propagent aux contextes de l'infinitif.

[46] Les données révèlent qu'il est difficile de mettre sur le même plan la montée du clitique et l'évolution de la proclise. Alors que la première dépend de l'effet bien connu de restructuration, nous avons suivi l'hypothèse que la deuxième dépend de la place de l'infinitif (Kayne 2000 ; Roberts 2010). Cela suppose que le changement a eu lieu comme suit : (i) en AF, VINF précède le point de cliticisation et le clitique monte lorsqu'il le peut ; (ii) à partir de la deuxième moitié du 14e siècle, VINF suit le point de cliticisation et le clitique continue de monter quand il le peut ; (iii) dans les siècles qui suivent le 15e siècle, la proclise est l'ordre standard quand le clitique ne monte pas et les effets de restructuration s'estompent, laissant progressivement la place à une proclise systématique. Il faudrait mener une étude qualitative de l'évolution de la montée dans ces textes et d'autres textes ultérieurs pour vérifier cette supposition.

[47] Cette documentation offre un témoignage sans précédent qui voit le 14e siècle comme une période transitoire dans la syntaxe du français, laquelle accompagne une réorganisation de l'ordre des clitiques et de leur infinitif. Ce travail ouvre la voie à de futurs sujets de recherche, en particulier sur l'utilisation des pronoms toniques antéposés avec les infinitifs pour lesquels nous avons uniquement rapporté la fréquence.

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1 On attribue généralement au phénomène de restructuration la réanalyse d'une phrase biclausale en une phrase monoclausale (voir Rizzi 2013 [1982] ; Cinque 2004).

2 Voir aussi Mavrogiorgos (2010 : 244) pour l'enclise avec les impératifs grecs, dont l'analyse est semblable.

3 J'ajoute dans ce tableau la forme lui entre parenthèses dans les déclinaisons atones. Entre l'AF et le moyen français, lui a remplacé li : De Kok (1985 : 23-24) voit ce changement entre le 13e siècle et le 14e siècle. Le présent article étudie la transition de l'AF au moyen français, ce qui explique la nécessité d'inclure lui dans ces formes. Lui est compté comme clitique au 14e siècle, notamment car il est sujet à la montée.

4 Un relecteur demande si ce raisonnement peut être appliqué aux textes antérieurs. Nous pensons que oui. Balon & Larrivée (2016) analysent certains textes utilisés dans cette étude et montrent qu'en effet, les textes légaux médiévaux offrent un témoignage plus immédiat des changements dans la langue qu'un texte littéraire.

5 Cette version du Roman de Brut est achevée en 1155 et copiée dans un manuscrit au début du 13e siècle. La discussion qui suit prend en compte la possibilité que le copiste ait apporté des corrections.

6 Un relecteur fait remarquer que ces textes légaux et épistolaires ne peuvent cependant se substituer à la langue orale et quotidienne et contiennent des latinismes. Nous sommes d'accord sur ce point. Cette étude ne documente pas une langue orale et spontanée, mais elle permet d'investiguer un registre nouveau qui n'est pas sujet aux effets littéraires (cf. Olivier, à paraître).

7 Je compte également une proclise et 33 enclises avec un verbe qui introduit l'infinitif par à.

8 Le manuscrit date du 13e siècle. Il est possible que les deux pronoms toniques aient été amenés par le copiste.