DOI: https://doi.org/10.25364/19.2020.4.2

ISSN: 2663-9815

Studia linguistica romanica 2020.4

Que nous apprend OFROM du français régional d'aujourd'hui en Suisse romande ?*

Premières investigations entre pratiques et métadiscours

Federica Diémoz, Julie Rothenbühler, Maguelone Sauzet

Université de Neuchâtel

julie.rothenbuhler@unine.ch, maguelone.sauzet@unine.ch

Reçu le 28/2/2020, accepté le 16/5/2020, publié le 5/11/2020 selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

Résumé : Cette contribution présente deux possibilités complémentaires offertes par le corpus OFROM pour étudier la variation géographique du français. Après avoir situé OFROM parmi les corpus oraux francophones et soulevé les difficultés de leur exploitation pour l'étude de la variation diatopique, nous montrerons comment l'interrogation directe du corpus atteste de la place que les régionalismes occupent dans les réalisations effectives. À côté d'un emploi spontané des régionalismes, le corpus révèle des régionalismes inscrits dans un discours métalinguistique. Pour commencer à éclairer le rapport entre ces deux types d'emplois, nous proposerons ensuite une approche sociolinguistique des matériaux d'OFROM, appuyée sur une enquête complémentaire, partiellement intégrée au corpus, portant sur les représentations linguistiques des Suisses romands et nous prendrons l'exemple du clivage identitaire à l'intérieur du canton de Neuchâtel afin d'interroger sa dimension linguistique.

Abstract: This contribution presents two different yet complementary possibilities of using the OFROM corpus to study the geographical variation of French. After situating OFROM among French-speaking oral corpora and discussing the difficulties of their exploitation for the study of diatopic variation, we show how direct interrogation of the corpus sheds light on the part that regionalisms may take in actual language in use. Alongside a spontaneous use of regionalisms, analyzing the corpus reveals regionalisms embedded in metalinguistic discourse. In order to provide insights into the relationship between these two types of usage, we follow a sociolinguistic approach to OFROM materials, using a complementary survey on the linguistic representations of French-speaking Swiss that has been partially integrated into the corpus. In particular, we consider the linguistic dimension of the identity divide within the canton of Neuchâtel as an example.

Sommaire
1 Introduction
2 OFROM, les corpus oraux et la variation diatopique
2.1 La sous-exploitation de la variation diatopique dans les corpus oraux du français
2.2 Quelle place pour OFROM parmi les corpus oraux ?
2.3 Les difficultés de l'analyse diatopique des données orales dans les corpus informatisés
3 Le corpus OFROM dans une optique diatopique : premiers résultats
3.1 L'apport qualitatif d'OFROM
3.2 Un apport quantitatif d'OFROM : fréquences et silences
3.3 L'émergence de commentaires métalinguistiques dans OFROM
4 Représentations langagières et OFROM : l'exemple neuchâtelois
4.1 L'enquête pilote de 2015-2016
4.2 Le sous-corpus neuchâtelois
4.3 Premiers résultats
4.3.1 Questions 9 et 10
4.3.2 Question 26
4.3.3 Question 27
4.3.4 Questions 14, 15, 16 et 18
4.4 Discussion
5 Conclusion
Bibliographie

1 Introduction

[1] Destinée à documenter le français parlé en Suisse romande, la base de données OFROM (Corpus oral de français de Suisse romande) compte à présent plus d'un million de mots. Mise en ligne en 2013, elle donne accès à des extraits d'enregistrements transcrits, obtenus à partir d'entretiens guidés par un questionnaire ouvert ou de dialogues spontanés. 341 adultes, nés et vivants en Suisse romande, ont été enregistrés dans le cadre de ce projet encore en cours. Que peuvent apporter les nouveaux matériaux de ce corpus à l'étude des différentes formes de français parlées en Suisse romande, dont les particularités linguistiques ont suscité l'intérêt de spécialistes et de non-spécialistes depuis bien longtemps (Avanzi 2019 : 2) ? En effet, il n'a pas fallu attendre OFROM pour se défaire d'une vision unifiante ou stéréotypée du français parlé en Suisse romande : depuis longtemps, il est bien connu que la plupart de ces particularités ne sont ni strictement spécifiques à la seule Suisse romande (Knecht 1979 : 253) ni uniformément utilisées dans les cantons qui la composent.

[2] Comment interroger ce qui relève de la variation diatopique dans ces enregistrements transcrits, au moyen des outils mis à disposition sur l'interface Web d'OFROM ? C'est ce que nous proposons d'illustrer dans un premier temps, après avoir évoqué les difficultés d'identification des matériaux dans un corpus oral informatisé (§ 2). Sur la base de quelques exemples concrets et dans une optique comparative panfrancophone qui utilise les ressources métalinguistiques spécialisées de référence (monographies, enquêtes, lexicographie différentielle), nous verrons ensuite de quelle manière OFROM permet d'étudier les particularités linguistiques du français en Suisse romande (§ 3.1 et 3.2).

[3] L'une des difficultés, ou plutôt des précautions à prendre lors de l'interrogation directe de la base de données, tient à la présence de régionalismes cités dans un discours métalinguistique, qui doivent être distingués des attestations ordinaires. Certains témoins ont en effet formulé des commentaires au sujet de leur propre variété de français et exprimé leur sensibilité à l'égard des différences – lexicales et prosodiques surtout – qui s'observent dans l'espace francophone. L'exploitation du métadiscours nous semble importante pour interroger la place qu'occupe la variation géolinguistique dans le discours de nos sujets romands (§ 3.3). Afin d'approfondir cette question, nous observerons dans la deuxième partie de cette contribution un ensemble d'entretiens semi-dirigés de nature sociolinguistique réalisés dans le cadre d'enquêtes conçues pour enrichir la base OFROM (§ 4). Des extraits de ces entretiens ont été transcrits et intégrés au corpus : c'est de là que proviennent certaines des réflexions métalinguistiques rencontrées dans OFROM. Nous nous proposons ici de donner un aperçu de ce que pourrait apporter l'analyse de ces entretiens dans leur intégralité, en dépouillant les réponses données par les témoins à plusieurs questions qui nous ont semblé significatives pour éclairer les représentations linguistiques sur le français en Suisse romande et son rapport à d'autres variétés géographiques. Nous avons concentré notre attention sur une partie de ces enquêtes, réalisées dans la région de Neuchâtel, et nous avons cherché à observer si le clivage identitaire, fréquemment thématisé dans la presse et les discours quotidiens de la région, entre les personnes habitant le Littoral1 et celles qui habitent les Montagnes neuchâteloises, trouve une expression dans les pratiques langagières ou dans les représentations linguistiques des témoins enregistrés. Ce matériau sociolinguistique, recueilli grâce au projet OFROM, attend encore d'être exploité plus systématiquement.

[4] Si l'intérêt pour l'étude de la variation diatopique du français de mettre en regard les pratiques linguistiques observées et les discours métalinguistiques tenus par les personnes enregistrées n'est plus à démontrer (Francard, Géron & Wilmet 2003 : 142 ; Bertucci 2019), nous chercherons à appliquer deux méthodes différentes, mais complémentaires, offertes par OFROM pour l'étude du français en Suisse romande, en soulignant ainsi la polyvalence de ce corpus.

2 OFROM, les corpus oraux et la variation diatopique

2.1 La sous-exploitation de la variation diatopique dans les corpus oraux du français

[5] Depuis plusieurs décennies déjà, l'élaboration de corpus oraux informatisés renouvelle les ressources pour décrire le français dans sa synchronie et ses variations, ainsi que les façons d'y accéder. Exploiter des corpus de français parlé pour l'étude de la variation géographique semble évident dans la mesure où « la variation diatopique du français se manifestant surtout à l'oral, l'étude de la langue parlée doit être privilégiée » (Martin 1997 : 68). Ces corpus sont également « importants pour une analyse plus juste des diatopismes du français » (Wissner 2012 : 256), en particulier lorsque les énoncés transcrits qui les constituent sont géographiquement localisés. Cette donnée manque souvent dans les corpus de textes ou les dictionnaires du français de référence2, qui présentent des formes isolées du contexte de production. Les progrès informatiques qui ont accompagné le développement des corpus oraux jouent un rôle important : les bases de données informatisées rendent notamment accessibles les métadonnées, en particulier celles qui contiennent des informations d'ordre géolinguistique. Les outils de recherche des interfaces informatiques d'exploration des corpus permettent d'entreprendre rapidement un grand nombre de requêtes d'une complexité élevée et de parcourir une masse de données conséquente.

[6] Certains corpus oraux francophones sont « explicitement conçus pour l'analyse d'une variété diatopique spécifique » (Wissner 2012 : 254). Parmi eux, des pionniers ont servi de modèle : c'est le cas du corpus VALIBEL, qui documente depuis trente ans les variétés linguistiques du français en Belgique. Il est l'un des corpus les plus importants quant à sa taille (bien que la base de données ne soit aujourd'hui plus librement accessible). Le corpus CFPB, le Corpus du français parlé à Bruxelles, se concentre sur les 19 communes de la capitale belge. Dans sa structure et sa réalisation, il s'inspire du CFPP2000, le corpus du français parlé en région parisienne dans les années 2000. Excepté le corpus ESLO, qui dresse un portrait sociolinguistique de la ville d'Orléans, il nous semble que les corpus consacrés au français parlé des différentes régions de France métropolitaine restent assez rares3. Pour la francophonie du Canada, il existe le CFPQ, le Corpus du français parlé au Québec dans les années 2000. Le corpus FRAN rassemble des corpus écrits et oraux pour former le premier corpus de toutes les variétés de français d'Amérique du Nord, mais il n'est accessible que de manière restreinte. Reposant sur un partenariat entre plusieurs laboratoires spécialisés dans les corpus oraux, le corpus CIEL-F, qui se déploie sur quinze zones de l'espace francophone, est lui aussi accessible sur demande. À notre connaissance, toutes les variétés diatopiques du français ne disposent pas, à l'heure actuelle, d'un corpus accessible à l'ensemble de la communauté scientifique, ce qui rend difficile l'appréhension globale et pluricentrique du français (Gadet 2013)4. Une plate-forme commune, comme le propose le projet Outils et ressources sur le français écrit et oral (ORFÉO) avec le CEFC (Benzitoun, Debaisieux & Deulofeu 2016), qui permette d'interroger simultanément en fonction de critères géolinguistiques l'ensemble des corpus de français parlé, serait un outil particulièrement utile.

[7] Si l'on considère que les variétés régionales du français « ne sont pas autre chose que les formes réelles et concrètes du français tout court » (Chambon 1997 : 15), l'ensemble des corpus oraux du français est susceptible d'être exploité sous l'angle de la variation diatopique, même s'ils sont construits pour une autre finalité. Ainsi, dans le corpus CLAPI, dédié à l'analyse des interactions verbales, l'emploi du verbe déniapper 'défaire, découdre (un vêtement par exemple)' atteste de l'existence d'un dialectalisme d'origine francoprovençale, dont on trouve par ailleurs une mention dans le corpus élaboré par Chevalley (2000 : 156), composé de mots recueillis dans l'est du canton de Vaud, en Suisse romande, mais qui est aussi relevé par Dondaine (2002 : s.v. dé'nyapé)5.

[8] Les corpus oraux commencent à être avantageusement exploités pour étudier les aspects sonores (phonologie, prosodie) des différentes variétés contemporaines de français, en particulier depuis 1999, avec l'initiative du projet PFC (Durand, Laks & Lyche 2009). En ce qui concerne la Suisse romande, les travaux de Schwab & Racine (2012) sur le débit ou d'Andreassen (2013) sur la distribution du phonème schwa s'appuient sur ces corpus. Les corpus oraux restent en revanche sous-exploités pour les études sur le lexique ou la syntaxe des différentes variétés de français. Lorsque Béguelin & Corminboeuf (2017) utilisent OFROM pour étudier les marqueurs d'indétermination, ils étudient l'extenseur de liste ou comme ça, qui fait figure de régionalisme de fréquence en Suisse romande, mais l'objet principal de leur recherche n'est pas d'étudier les diatopismes (Béguelin & Corminboeuf 2017 : 10).

[9] Les corpus oraux pédagogiques, comme ceux qui sont destinés aux allophones apprenant le français, intègrent plus facilement la dimension géolinguistique (Detey, Racine & Kawaguchi 2011). Ils manifestent le souci de limiter la distance entre le français de référence et le « français ordinaire » (Surcouf & Ausoni 2018 : 72). Ces corpus, dotés d'un objectif didactique spécifique, interrogent plus largement la question de l'annotation de la variation diatopique : quelles sont les possibilités pour faire apparaître les diatopismes dans les énoncés transcrits ? Dans l'un de ses modules, la plateforme FLORALE met en relief, au moyen d'étiquettes, des « mots seulement utilisés en Suisse ». Parmi eux, le numéral septante '70', les expressions ne pas toucher le puck 'ne pas comprendre', avoir meilleur temps 'avoir intérêt à' et (se taper) des barres de rire 'rire beaucoup'. Cette annotation, réalisée manuellement, est par plusieurs aspects contestable. Elle donne, d'une part, une vision trop limitée de la diffusion de certains régionalismes : septante est partagé avec l'est de la France et la Belgique, tout comme avoir meilleur temps est attesté en Savoie, en Haute-Savoie, dans le Jura français, le Doubs et en Franche-Comté (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2016a). D'autre part, elle opère une confusion entre variations diatopique et diaphasique. Se taper des barres de rire est vraisemblablement une expression argotique récente, employée par la jeunesse urbaine francophone d'Europe6. L'annotation des diatopismes du corpus FLORALE est également lacunaire : le verbe crocher (sur quelque chose) 'avoir son intérêt retenu par, apprécier', les noms hygiéniste dentaire (profession distincte de celle de dentiste en Suisse romande) et volée 'ensemble des personnes qui suivent la même formation dans un même établissement, au cours d'une même période' (DSR : s.v. volée) n'ont pas été étiquetés. Ont-ils été délibérément omis ou sont-ils passés inaperçus lors de l'annotation du corpus ? Est-il possible ou souhaitable d'annoter exhaustivement un corpus dans une dimension diatopique ? Selon quelles modalités et avec quels outils ? Ce sont des questions qui se posent, aujourd'hui, pour le corpus OFROM, dans la perspective de développements de la base de données et de son interface de consultation. Les hésitations dans FLORALE montrent qu'il est important de rester prudent avant d'apposer l'étiquette d'helvétisme, comme le signale Francard (2010) pour les belgicismes. Pour l'analyse des matériaux d'OFROM dans une optique diatopique, nous avons constaté au sein de notre équipe, constituée de membres suisses et non-suisses, l'intérêt de confronter les connaissances et la sensibilité par une personne interne à une variété de français et une autre qui y est extérieure. Si la première était en mesure de préciser finement les nuances sémantiques, les contextes d'emploi d'un régionalisme, la seconde remarquait parfois dans OFROM des régionalismes que leurs collègues suisses n'avaient d'abord pas relevés.

2.2 Quelle place pour OFROM parmi les corpus oraux ?

[10] Premier corpus de français parlé en Suisse romande, la base de données OFROM a rejoint en 2012 une famille qui peine à se rassembler. À côté des ressources essentiellement textuelles, les concepteurs d'OFROM ont cherché à pallier le manque de données sur le français parlé en Suisse romande (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2016a : 8). OFROM n'a pas pour objectif de devenir un corpus de référence, ce qui impliquerait de représenter de manière équilibrée et échantillonnée le français parlé en Suisse romande. Il ne dresse pas non plus l'inventaire des régionalismes possiblement attestés aujourd'hui. Il adopte une perspective plus large sur la langue française contemporaine et donne un aperçu de la diversité des pratiques linguistiques sur le territoire suisse romand. Comme nous l'avons rappelé plus haut, il n'existe pas un français de Suisse romande, « uniforme d'un canton à l'autre et clairement détaché du français des régions françaises limitrophes » (Manno 2004 : 333). Le corpus OFROM, de ce fait, ne suffit pas pour évaluer la portée diatopique d'un fait linguistique observé en Suisse romande. Il doit être utilisé comme un outil de comparaison, en regard des autres bases de données orales francophones mais aussi des corpus de données romandes d'une autre nature, comme les corpus de l'écrit spontané médié par les technologies numériques (par exemple, le corpus Swiss SMS Corpus et le corpus WUS7), ou encore des données issues de nouvelles méthodes d'enquêtes, par exemple les enquêtes déclaratives menées via Internet (Avanzi & Thibault 2018 ; Avanzi 2019).

2.3 Les difficultés de l'analyse diatopique des données orales dans les corpus informatisés

[11] Dans leur ensemble, les corpus de français actuellement disponibles se prêtent encore mal à l'étude de la variation diatopique du français. L'absence de balisage géolinguistique systématique des matériaux et l'impossibilité de constituer des sous-corpus selon un critère spatial cohérent restent des difficultés pour y mener une analyse diatopique (Thibault 2007 ; Wissner 2012 : 240)8. Les banques de données consacrées aux nouvelles formes d'écrit semblent plus adaptées, comme on le voit avec les corpus de SMS répartis selon les aires géographiques francophones où ils ont été collectés (Cougnon 2015 : 148-149, 209). Par leur hétérogénéité (conceptuelle et technique) et leur dispersion, « aucun des corpus oraux rendus disponibles à la communauté scientifique ne vise toutefois scientifiquement à permettre des recherches de diatopismes » (Wissner 2012 : 251). Les corpus nécessitent de la part des équipes scientifiques qui les élaborent des choix pour transcrire et annoter la langue orale. Le choix d'une l'orthographe standard sans « aménagement graphique » (Gadet 2003b : 42) pose la question de l'intégration cohérente des formes absentes en français de référence, en particulier celles qui relèvent de la variation diatopique. Par exemple, la torrée, 'repas en plein air où l'on consomme des saucissons et des pommes de terre cuits sous les cendres et la braise d'un grand feu champêtre' (et par extension, 'grillade en forêt, pique-nique où l'on fait un feu pour griller quelques aliments') (DSR : s.v. torrée), peut aussi être orthographiée torée. Actuellement dans OFROM, les deux graphies coexistent accidentellement et l'on trouve 6 entrées torrée et 5 torée9. La mise à l'écrit de l'oral invisibilise par ailleurs les régionalismes phonétiques. Ainsi, on ne distingue pas immédiatement les réalisations [fɔt] dans OFROM (et non [fut]) du mot foot, considérées comme une spécificité de Suisse romande, en particulier dans les cantons de Fribourg, du Jura et de Neuchâtel, comme le montrent les résultats de l'enquête menée par Avanzi (2019 : 39-40). Le concordancier d'OFROM ne regroupe pas les occurrences d'un mot chez un seul témoin ou dans un même enregistrement (contrairement au CFPQ, au CFPP2000 ou au CFPB, par exemple). Dans les cas de disfluences ou de reprises, caractéristiques de la langue orale, cela peut conduire à une surreprésentation d'un mot, qui n'est pas forcément significative.

[12] Pour mener une analyse diatopique dans OFROM, accessible uniquement par un formulaire de recherche centré sur un mot-clé, il est nécessaire de connaître à l'avance ce que l'on cherche. Aucune aide à l'intérieur du corpus ne permet de reconnaître ce qui relève de la variation diatopique, qui n'est pas annotée. Cela peut poser problème lorsqu'on s'intéresse aux régionalismes sémantiques. Prenons l'exemple du substantif branche : les 109 attestations d'OFROM doivent être examinées individuellement pour savoir, grâce au contexte, s'il s'agit du sens propre ('une branche d'arbre') du français commun, ou des emplois figurés attestés en Suisse romande désignant 'une matière scolaire enseignée, une filière disciplinaire' (sens également connu en Belgique) ou 'une confiserie au chocolat de forme cylindrique'. La taille du corpus OFROM permet encore d'effectuer un repérage manuel des régionalismes, mais dans un corpus d'une taille plus importante ou pour un terme ou une structure très récurrents, la tâche pourrait s'avérer fastidieuse voire impossible.

[13] Pour faciliter l'identification des matériaux ou la recherche avec le concordancier, l'annotation morpho-syntaxique du corpus devrait idéalement être adaptée aux spécificités de l'oral contemporain, mais aussi à la variation diatopique. C'est un double défi dont les corpus oraux ont permis de prendre conscience. Des solutions pour l'étiquetage automatique des régionalismes sont envisagées, comme le montre un essai prometteur élaboré avec le logiciel NooJ (Silberzstein 2004) sur un corpus de français parlé acadien (Chevalier & Kasparian 2014). Dans notre corpus romand, l'annotateur actuel, DisMo (Christodoulides, Barreca & Avanzi 2015), n'analyse pas toujours correctement le matériau variationnel et les phénomènes de l'oral, étiquetés en parties du discours. Ces erreurs d'étiquetage ont des conséquences lorsqu'on utilise les catégories grammaticales pour faire une recherche dans le corpus. L'adoption et la valorisation des annotations dans les corpus oraux combine toutefois des problématiques matérielles et conceptuelles (Delafontaine 2020).

3 Le corpus OFROM dans une optique diatopique : premiers résultats

3.1 L'apport qualitatif d'OFROM

[14] Malgré ces difficultés, essayons à présent d'utiliser les ressources d'OFROM : que montrent-elles des manifestations du français régional en Suisse romande aujourd'hui ? Le corpus permet d'aborder l'ensemble des aspects de la variation diatopique : les particularités phonologiques et phonétiques, morphosyntaxiques et lexicales. Les régionalismes phonétiques et les variantes de prononciation sont accessibles et bien représentés dans le corpus, qui présente l'atout considérable de permettre à tout moment de réécouter l'enregistrement d'origine10. On constate dans OFROM que la non-réalisation de la consonne finale du mot stand [stã] est répandue alors que les consonnes finales sont souvent prononcées en Suisse romande (en position finale absolue, le numéral vingt y est couramment prononcé [vɛ̃t])11 :

(1)

euh en bas là où il y a le stand [stã] tout ça (unine15-025, homme, 23 ans, Vaud)

[15] Les matériaux d'OFROM permettraient de renouveler les recherches sur les régionalismes syntaxiques. Une étude sur l'ordre des mots serait instructive, par exemple dans une structure comparative comme (2) qui présente une antéposition de comme ça :

(2)

c'était des | _ | des plateaux comme ça larges (unifr11-cmc, homme, 83 ans, Fribourg)

[16] Enfin, des particularités lexicales du français en Suisse romande de toute nature peuvent être relevées dans OFROM : dialectalismes, phénomènes de maintien et d'emprunts, innovations locales ou statalismes. Les matériaux du corpus pourraient compléter les références actuelles en matière de lexicographie différentielle suisse romande, dans la mesure où le DSR a donné « la priorité aux régionalismes de l'écrit, à cause de la rareté des corpus oraux lemmatisés et accessibles » (Manno 2002 : 42). À cet inventaire déjà très complet (Avanzi 2019 : 2), les attestations d'OFROM apporteraient des précisions sémantiques ou pragmatiques. Le café complet, par exemple, désigne un 'repas du soir, plus léger que le souper, composé de pain, fromage, beurre et confiture accompagnés de café au lait' (DSR : s.v. café complet). Dans OFROM, un enregistrement atteste la locution faire café complet, sans article :

(3)

par contre quand euh j'étais juste avec ma mère | _ | on profitait | _ | pour faire café complet le soir | _ | voilà | _ | à la place d'un vrai repas à la place d'un vrai repas parce que mon père il aurait pas aimé manger | _ | des tartines (unine16-006, femme, NR12, Neuchâtel)

Les collocations privilégiées pourront aider à étudier les cas de recouvrement sémantique (Manno 2002 : 54) ou de distribution hypéro-/hyponymique différente entre le français régional et le français de référence, comme par exemple pour le trio gâteau (21 attestations) / tarte (2) / biscuit (17).

[17] La base de données met aussi en évidence les créations autonomes (selon la définition donnée par Manno 2002 : 45) et des régionalismes qui n'ont pas encore été référencés par la lexicographie pourraient être découverts. Par exemple, certaines formes apocopées semblent très courantes à l'oral en Suisse romande :

-

uni pour université, 85 occurrences13 ;

-

Neuch pour Neuchâtel, 33 occurrences (voir aussi Cougnon 2015 : 203) ;

-

matu pour maturité14, 26 occurrences.

Les apocopes, pourtant, ne sont pas très nombreuses dans la nomenclature du DSR : une dizaine de formes (Manno 2002 : 65).

[18] Comme les enregistrements qui le composent contiennent surtout des conversations non préparées, dont la thématique est choisie librement par les personnes enregistrées, on pourrait s'attendre à ne trouver dans OFROM qu'un lexique très courant. Pourtant, certains diatopismes rares, appartenant à une terminologie spécialisée, sont attestés dans le corpus. C'est le cas du verbe trosser, relevant du vocabulaire de l'horticulture. Attesté dans les cantons de Neuchâtel, Fribourg et Vaud, on le retrouve chez Pierrehumbert (1926), chez Bonhôte (1867) et Grangier (1864), mais plus dans le DSR. Il signifie 'tailler' pour des branches ou des bourgeons.

(4)

pis les cerisiers ben | _ | y a ces ces espèces de repousses là déjà qu'il faut | _ | ouais trosser trosser (unine15-023, femme, 50 ans, Vaud)

Il en va de même pour des expressions ou des termes dont les témoins signalent explicitement qu'ils sont sortis de l'usage ou renvoient à des réalités d'autrefois15. Ces attestations sont bien sûr intéressantes, mais la visibilité qu'elles acquièrent dans le corpus doit être relativisée. Elle ne permet pas de tirer une conclusion sur leur vitalité réelle : ces exemples illustrent combien il est important de tenir compte du contexte immédiat du terme recherché.

[19] Si les matériaux d'OFROM enrichissent la connaissance des particularités du français parlé en Suisse romande, la variation diatopique pourrait être concrètement mise en évidence en implémentant dans OFROM des liens externes renvoyant vers les fiches correspondantes de la BDLP, consultable sur Internet, ou vers l'article en ligne du GPSR, qui prend également en compte le français régional lorsque ce dernier est en lien avec le lexique dialectal héréditaire (francoprovençal ou jurassien).

[20] Les métadonnées qui accompagnent les enregistrements constituent un outil précieux pour l'analyse de la variation diatopique. Elles portent à la fois sur le profil sociolinguistique des témoins enregistrés, et sur les conditions d'enregistrement. Les énoncés sont toujours précisément géoréférencés, avec une granularité fine. Leur présence permet de préciser la répartition géographique d'un phénomène linguistique ou de se concentrer sur certaines catégories de locutrices ou locuteurs. En 2018, des enquêtes ont été spécifiquement menées auprès de jeunes de Suisse romande, âgé-e-s de 15 à 25 ans, avec le projet d'intégrer à OFROM un corpus consacré au 'langage des jeunes' et d'étudier, dix ans après l'étude réalisée par Singy (2004), la pertinence de la variable diatopique sur cette catégorie. L'emploi adverbial à valeur intensive de l'adjectif pire pourrait constituer un trait linguistique du 'parler jeune suisse romand', qui n'est pas sans rappeler l'évolution de l'adjectif grave chez les jeunes francophones d'Europe (Zribi-Hertz 2015 : 2) et qui doit être mis en relation avec l'emploi de monstre en Suisse romande (Corminboeuf & Avanzi 2020).

(5)

donc ce qui est pire cool c'est que j'ai pu choisir mon parrain de baptême (unine15-083, femme, 22 ans, Valais)

3.2 Un apport quantitatif d'OFROM : fréquences et silences

[21] La taille d'un corpus oral constituant un critère de valeur pour effectuer de bonnes analyses qualitatives (Wissner 2012 : 252), le corpus OFROM pourrait-il également se prêter à des analyses quantitatives ? Bien que nous reconnaissions qu'actuellement il n'est pas possible « d'établir des statistiques fiables sur les usages » (Baude et al. 2006 : 29) à partir d'à peine un peu plus d'un million de mots, OFROM nous semble pouvoir apporter de solides indices sur la vitalité des régionalismes en Suisse romande et leur statut, qui peut différer dans d'autres variétés de français.

[22] Sur la base d'une nomenclature de régionalismes faisant autorité, comme celle du DSR, la fréquence d'apparition de chacune des entrées pourra être relevée dans le corpus, à l'instar de ce qu'a entrepris Yan Jansky16, un étudiant de l'Université de Bâle, dans la partie suisse romande du Swiss SMS Corpus, des travaux de Federica Diémoz et Etienne Morel dans le corpus WUS17 ou bien de Cougnon (2015 : 202sqq.) dans un corpus de SMS, où elle relève 35 régionalismes et indique lesquels sont les plus fréquents18. Un exemple de ce genre de recherche, à partir de quelques entrées du DSR, donne déjà un aperçu de la vitalité de certains phénomènes dans la langue orale contemporaine. Sur les 21916 unités lexicales distinctes (c'est-à-dire séparées par un espace graphique, sans les unités complexes) que compte le corpus, on rencontre :

Terme

Sens ou équivalent français de référence

Nbr. attestations

ça joue

(construction verbale impersonnelle)

'fonctionner', 'tomber juste' (pour un calcul), 'marcher', 'aller', 'convenir'

43

se réjouir (verbe)

'avoir hâte'

39

gentiment (adverbe)

'petit à petit', 'doucement' (sens inchoatif)

43

natel (substantif)

'téléphone portable'

22

Tableau 1 : Régionalismes

(6)

ce qu'il faut faire c'est téléphoner à |#19| ce soir pour voir si ça joue pour lui (unine15-078, femme, 69 ans, Neuchâtel)

(7)

je me réjouis de les retrouver ça va être marrant (unine15-072, homme, 25 ans, Neuchâtel)

(8)

et c'était l'époque où les bureaux commençaient gentiment à s'équiper avec euh l'informatique (unine11-yfa, femme, 47 ans, Valais)

(9)

donc mon natel sonne (unine09-lka, femme, 30 ans, Fribourg)

[23] Si l'on part, à l'inverse, de la liste des mots du corpus, il sera possible d'étudier les unités lexicales les plus fréquentes (après exclusion des mots outils) et d'y rechercher les éléments relevant de la variation diatopique. Le CFPQ, par exemple, propose un outil statistique de ce genre, qui met en évidence la fréquence de la locution fait que dans l'ensemble du corpus (2275 fois sur 28638 mots différents), connecteur courant à l'oral, à Montréal en particulier (Blondeau, Mougeon & Tremblay 2019). Toutefois, si cela semble aisé pour les lexèmes qui n'existent pas en français de référence, des obstacles se présentent rapidement pour les régionalismes sémantiques, la phraséologie, les constructions syntaxiques et la phonétique. Malgré les difficultés d'identification et d'extraction évoquées plus haut, un phénomène spécifique de la variation diatopique pourra être analysé quantitativement, par l'intermédiaire du concordancier. Certains couples de géosynonymes (Thibault 2007 : 468) lexicaux pourront être relevés, comme celui, bien connu, des adjectifs brun et marron (actuellement 33 vs 0) afin de prolonger pour l'oral l'étude de Thibault sur des corpus de textes (Thibault 2007 : 475).

[24] Un nombre d'attestations élevé de certains termes dans OFROM attire l'attention sur les régionalismes de fréquence, les unités lexicales dont l'emploi s'avère plus répandu en Suisse romande que dans le reste de la francophonie (Thibault 1993 : 168). Prenons l'exemple de l'emploi comme adjectif de chou, dans OFROM :

(10)

elle travaillait super bien et tout elle était hyper choue (unine16-009, femme, 27 ans, Genève)20

[25] La présence importante ou, à l'opposé, l'absence totale, de l'adjectif chou21, par rapport à son synonyme mignon en français de référence, dans OFROM et dans les autres corpus oraux francophones, semble un indice sérieux d'un emploi diatopique. Les corpus oraux ne sont pas de la même taille mais leurs dimensions restent toutefois intercomparables (de 712300 mots pour le CFPQ à 7 millions de mots ESLO). Présent 85 fois dans OFROM, il est complètement absent des variétés de français parlé d'un corpus de France (variété du centre-ouest) ou du Canada (variété québécoise). Dans le corpus canadien, on relève l'adjectif cute [kjuːt], emprunté à l'anglais.

chou

mignon

cute

OFROM

85

15

0

ESLO

0

78

0

CFPQ

0

3

30

Tableau 2 : Les adjectifs chou, mignon et cute dans les corpus oraux francophones

[26] L'absence dans les matériaux d'OFROM de régionalismes bien attestés dans la lexicographie peut sembler étonnante. Par exemple, le substantif polysémique fourre 'taie, étui, pochette' (DSR : s.v. fourre), s'appliquant à de nombreux objets, est absent du corpus alors qu'il est considéré comme fréquent (Lengert 1994)22. Il est évident que le corpus ne recueille pas tout le lexique régional romand, et qu'il n'a pas vocation à le faire. Toutefois, on peut s'interroger sur les raisons et les conséquences de ces absences. Certains champs lexicaux où le vocabulaire régional est particulièrement vivant sont peut-être moins représentés dans OFROM, selon les sujets que les témoins ont choisi d'aborder.

[27] Les réalisations de la langue orale varient fortement selon les différents contextes d'usage (Debaisieux 2005 : 9-15). Certains types d'interaction, comme les salutations ou les demandes sont rares dans le corpus, qui contient beaucoup de récits. Pour atténuer un ordre, la particule énonciative seulement attestée en Suisse romande et dans l'est de la France, comme l'indique le DRF23, n'est présente dans OFROM qu'une seule fois, dans un discours rapporté où le locuteur imagine un dialogue fictif avec une professeure :

(11)

elle m'avait écrit dans le mail euh | _ | ah euh dommage qu'on puisse pas mettre un sept ou un huit | _ | t'es là oui ben | _ | mais mettez-le seulement écoutez euh rien ne vous empêche (unine15-072, homme, 25 ans, Neuchâtel)

Ces types de discours sont davantage représentés dans d'autres corpus de français contemporain de Suisse romande, comme le Swiss SMS Corpus . Des régionalismes, absents dans OFROM, y sont attestés, comme, par exemple, l'expression c'est tout bon, que l'on rencontre plus de vingt fois, contre une seule dans OFROM.

(12)

non mais après elle a | _ | redémarré pis c'était tout bon quoi (unine15-077, homme, NR, Vaud)

L'ouverture du corpus à une plus grande variété de types d'interactions permettrait d'observer la distribution des régionalismes en fonction du type de situations enregistrées mais peut-être aussi les multiples palettes de pratiques que possède chaque personne, lorsqu'elle est confrontée à des situations différentes.

[28] Si les énoncés d'OFROM ne manifestent pas une divergence frappante, sur les plans lexical et grammatical en particulier, avec le français parlé en France métropolitaine ou en Belgique, des particularités linguistiques continuent toutefois à émailler le langage des Suisses romand-e-s aujourd'hui et elles sont bien représentées dans OFROM, qui est, rappelons-le, un corpus obtenu sans élicitation ciblée. Peut-on, à l'aide de notre corpus, se demander si les personnes enregistrées mobilisent parfois de manière consciente des régionalismes et quelles représentations elles se font du français parlé en Suisse romande ?

3.3 L'émergence de commentaires métalinguistiques dans OFROM

[29] Parallèlement à l'étude des pratiques langagières, OFROM se prête à interroger les attitudes et les représentations des sujets parlants sur le français de Suisse. Le corpus révèle plusieurs passages de discours métalinguistique et épilinguistique24 portant sur l'usage de régionalismes (essentiellement lexicaux et phonétiques) qui constituent un matériau potentiellement riche d'enseignements. Les questions de dynamiques normatives, par exemple, abordées par la sociolinguistique pourraient être éclairées par des extraits d'OFROM. Les citations métalinguistiques sont déjà bien exploitées par la lexicographie différentielle (Thibault 1998 : 36-40), et le métadiscours oral d'OFROM pourra donner lieu à d'autres études. Si l'on reprend la terminologie proposée par Wissner (2015), certaines catégories de commentaires métalinguistiques semblent plus fréquentes que d'autres pour commenter les diatopismes. Dans notre corpus, on relève des mises en équivalence par juxtapositions de binômes, des définitions ou bien encore des tournures de citation localisatrices, qui visent à commenter l'emploi d'un terme ou d'une expression en précisant son aire de diffusion ressentie.

(13)

le tôtché c'est du gâteau à la crème (unine12-sta, femme, 26 ans, Jura)

(14)

c'est suisse une jaquette (unine16-006, femme, NR, Neuchâtel)

(15)

euh j'ai été comme diraient les Vaudois déçu en bien (unine13-hma, homme, 58 ans, Genève)

[30] Outre le lexique, le métadiscours peut également toucher la prosodie, la phonétique, et ce que les témoins rassemblent sous la notion d'accent. Repérer les collocations fréquentes autour de ce terme serait certainement révélateur : les localisations (neuchâtelois, vaudois, vaudruzien, du Gros de Vaud, etc.), les jugements appréciatifs ou dépréciatifs (gros, fort, merveilleux, gentil, etc.).

[31] Certaines personnes enregistrées dans OFROM donnent des exemples de mots régionaux qu'elles estiment représentatifs du français de Suisse romande. Le corpus fait émerger une série de régionalismes prototypiques. Il est intéressant de constater que certains de ces emblèmes identitaires (De Pietro & Matthey 1993 : 130) apparaissent dans notre corpus uniquement dans un contexte métalinguistique. L'absence d'emploi sans commentaire métalinguistique peut s'expliquer par les raisons mentionnées plus haut (§ 3.2). C'est notamment le cas de s'encoubler 'trébucher en se prenant les pieds dans un obstacle' (5 attestations) et de la panosse 'serpillère' (22 attestations). Les locutrices, ci-dessous, soulignent la dimension emblématique de ces diatopismes (l'emploi de l'adjectif fameux) et leur appropriation (des trucs comme ça tu dis tout le temps).

(16)

et pis pis y a le fameux s'encoubler (unine16-006, femme, NR, Neuchâtel)

(17)

ben typiques euh | _ | typiques d'ici ben genre la panosse les gouilles et les autres quoi des trucs comme ça tu dis tout le temps (unine15-023, femme, 50 ans, Vaud)

OFROM illustre comment certains régionalismes ont acquis une valeur fortement symbolique en devenant de véritables shibboleths lexicaux.

(18)

non le huitante c'est | _ | bon c'est Vaud clairement (unine15-036, femme, 22 ans, Berne)

La valeur symbolique de certains mots, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire des moyens de reconnaissance entre des individus d'une même localité, est soulignée par ce locuteur :

(19)

bah le c'est s/ quand on est entre amis c'est vrai que on va faire une torée au bord du25 | _ | voilà | _ | ça veut dire euh | _ | entre Neuchâtelois on se comprend (unine15-903, homme, 43 ans, Neuchâtel)

[32] La présence d'énoncés métalinguistiques dans OFROM invite à la prudence et à y distinguer les emplois conscients de régionalismes, à l'intérieur d'un métadiscours, de ceux employés spontanément. À côté des régionalismes emblématiques, des régionalismes discrets passent inaperçus : ils constituent une large part du matériau diatopique (Manno 2004 : 353). Seules les bases de données comme OFROM permettent de repérer ces emplois inconscients qui sont comme la face cachée de la variation diatopique.

4 Représentations langagières et OFROM : l'exemple neuchâtelois

[33] Comme nous l'avons vu, la présence d'énoncés métalinguistiques améliore la compréhension des données présentes en ligne et complète la vision que nous pouvons avoir du français parlé en Suisse romande. Si ce type d'énoncés est toutefois relativement rare dans les enregistrements mis en ligne, de nombreux matériaux, qui constituent également le corpus OFROM, sont riches de données métalinguistiques mais n'ont pu être versés dans la version en ligne, en raison des conventions d'élaboration du corpus, reposant sur la transcription d'un temps de parole égal pour chaque locutrice et locuteur (Avanzi, Diémoz & Béguelin 2016a : 4). Le chapitre qui suit est consacré à une partie de ces matériaux partiellement inédits afin d'illustrer leur intérêt pour la recherche sur le français parlé et également témoigner de certains aspects méconnus d'OFROM, qui n'est pas uniquement constitué d'un corpus en ligne et qui offre de nombreuses possibilités de développements futurs.

4.1 L'enquête pilote de 2015-2016

[34] Dans le but de collecter de nouveaux matériaux pour enrichir la base de données OFROM, une large série d'enquêtes a été lancée entre 2015 et 2016 à l'initiative de la professeure Federica Diémoz. L'objectif était de couvrir le territoire suisse romand, en mettant l'accent sur les zones alors sous-représentées dans OFROM comme pouvaient l'être alors les cantons de Vaud, de Genève ou encore de Neuchâtel.

[35] L'enquête se déroulait en deux temps. Tout d'abord le témoin était seul avec l'enquêtrice et répondait à une série de questions biographiques et sociolinguistiques. La seconde partie de l'enquête consistait en une discussion, cette fois-ci en l'absence de l'enquêtrice, entre le témoin et un-e proche.

[36] Une équipe d'enquêtrices, composée de collaboratrices scientifiques et d'étudiantes avancées, formées à la réalisation d'entretiens, a parcouru l'ensemble de la Suisse romande. Elles avaient pour consigne de sélectionner, dans la mesure du possible, les locutrices et locuteurs dans leur cercle de connaissance, afin de réduire au maximum la distance sociale entre les intervenant-e-s et qu'un lien de confiance puisse rapidement être établi.

[37] On trouvera ci-dessous quelques figures qui présentent les différentes caractéristiques du corpus ainsi élaboré, constitué d'enregistrements de 135 témoins issus de toute la Suisse romande26.

[38] Le déséquilibre dans la répartition entre cantons (figure 1) est principalement dû aux personnes ayant réalisé les entretiens, qui provenaient le plus souvent de Neuchâtel ou qui y faisaient leurs études. D'autre part, le Jura, le Valais et Fribourg ayant été couverts lors d'autres enquêtes, il n'était pas primordial d'y prospecter.

[39] On constate également une disparité relativement forte entre le nombre de femmes et d'hommes interrogé-e-s (figure 2). Un effet de mimétisme semble émerger entre le profil des témoins choisis et celui des enquêtrices. En effet, les plus représentées dans le corpus sont les femmes, âgées de 20 à 30, issues du milieu universitaire, ce qui correspond au profil de nos enquêtrices.

[40] Un relatif équilibre est observable dans la répartition de l'âge des témoins (figure 3), avec une légère prédominance de la tranche des 20-30 ans, cela étant lié à l'âge des enquêtrices. D'autre part, il s'est avéré plus délicat d'obtenir des témoins de 40-50 ans, notamment parce qu'il s'agit de la tranche d'âge la plus impliquée dans la vie active. Les moins de 20 ans n'ont pas fait l'objet de recherches spécifiques, cette catégorie d'âge n'entrant pas dans le cadre de cette étude.

Figure 1 : Répartition des témoins par canton

Figure 2 : Répartition hommes-femmes

Figure 3 : Répartitions des tranches d'âge

Figure 4 : Répartition des niveaux socio-éducatifs

[41] La classification des témoins par niveau socio-éducatif27 (figure 4) n'est pas chose aisée et a montré la nécessité de clarifier certains critères, mais nous n'aborderons pas cette question ici, faute de place. Le niveau 4, qui correspond aux études universitaires, est fortement représenté dans notre corpus, cela étant encore une fois lié au profil des enquêtrices.

[42] Les questions sociolinguistiques constituaient une sous-partie de l'enquête, moins étroitement liée à la récolte de données pour OFROM ; ce volet sociolinguistique a été mis en place par Federica Diémoz. Celle-ci, après avoir pris la direction de l'Observatoire du français en Suisse romande, souhaitait apporter une dimension sociolinguistique à la base de données, totalement absente auparavant. Le questionnaire de type semi-dirigé a été élaboré sur la base de grilles d'entretiens utilisées lors de précédentes enquêtes du Centre de dialectologie et d'étude du français régional. Parmi elles figure le questionnaire conçu pour des entretiens portant sur la perception de leur français par des francophones canadien-ne-s (Diémoz & Kristol 2016 : 6-8), qui s'appuyait à son tour sur celui mis au point par Singy (1996 : 267-270) pour son étude des représentations linguistiques dans le canton de Vaud.

[43] Au travers de ce questionnaire, l'intérêt est donc porté sur les pratiques et les représentations linguistiques en Suisse romande. Quelle vision les personnes qui y vivent ont-elles du français qu'elles parlent, le jugent-elles moins bon, meilleur ou aussi bon que celui d'un-e Français-e ? Existe-t-il, selon elles, une région du monde où l'on parlerait 'le meilleur français' ? Faut-il ajouter aux dictionnaires courants plus de mots régionaux ou au contraire se limiter au 'français standard' ?

[44] La particularité de ce questionnaire réside principalement dans les questions liées aux rivalités linguistiques. Sur le modèle de Singy (1996), on a cherché à documenter les éléments ayant trait aux spécificités intra-cantonales. Initialement pensé pour le canton de Neuchâtel et ses deux centres urbains (Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds), le questionnaire était adapté lors de chaque enquête, selon les réalités linguistiques en présence (Genève ville-campagne ; Fribourg et la Gruyère ; …), ceci dans le but d'interroger les témoins sur l'existence d'éventuelles rivalités d'ordre linguistique au sein d'un canton ou d'une région.

[45] Seuls des extraits d'une partie de ces matériaux ont été versés dans OFROM28, toutefois ces derniers pourraient faire l'objet d'un travail futur, avec le développement d'un sous-corpus à vocation sociolinguistique, la richesse de ces données le permettant. En raison de leur caractère en grande partie inédit, leur potentiel pour l'étude du français en Suisse romande et en particulier des représentations linguistiques est encore peu connu. Les lignes qui vont suivre esquisseront quelques pistes de réflexion et présenteront l'intérêt d'une intégration de ces matériaux au corpus OFROM en ligne. Les entretiens réalisés à Neuchâtel, présentés ci-dessous, n'ont pas tous été intégrés à la base de données en ligne et ont donc fait l'objet d'un dépouillement manuel.

4.2 Le sous-corpus neuchâtelois

Figure 5 : Carte du canton de Neuchâtel

[46] Comme il en a été question plus haut, le canton de Neuchâtel (figure 5) possède deux principaux centres urbains, La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel, d'environ 35000 habitant-e-s chacun29. Cette bipolarisation, entre la ville de Neuchâtel située dans le Bas (du canton), sur le Littoral, et celle de La Chaux-de-Fonds située dans le Haut, à près de 1000 mètres d'altitude, dans les Montagnes neuchâteloises, est fortement ressentie par les habitant-e-s du canton et a créé une sorte de clivage, thématisé au point que ces régions sont actuellement désignées par des noms propres : le Haut et le Bas (Dupraz & Morerod 2014 : 243-244). De solides stéréotypes sont liés à ces deux entités, comme le relève Hainard (2014 : 269) en parcourant les courriers des lectrices et lecteurs des quotidiens régionaux : « d'un côté on dénonce une arrogance mitonnée avec des valeurs bourgeoises et un chacun-pour-soi, de l'autre une ruralité couplée à des lamentations récurrentes ». Neuchâtel, siège des autorités, se trouve rattachée à la notion de bourgeoisie et La Chaux-de-Fonds, considérée comme une 'ville à la campagne', est liée à la notion de ruralité (Hainard 2014 : 268). La question qui se pose ici – très peu étudiée et pratiquement jamais d'un point de vue linguistique – est de savoir si ce clivage se manifeste également au niveau des représentations linguistiques des Neuchâtelois-e-s voire même au niveau linguistique avec des différences de lexique ou d'accent.

[47] Le sous-corpus neuchâtelois issu des enquêtes de 2015-2016 comprend 40 locuteurs et locutrices, 12 de La Chaux-de-Fonds, 13 de Neuchâtel et du Littoral et 15 du Val-de-Ruz (figure 6). Ces trois régions ont été choisies dans le but d'enquêter sur le clivage Chaux-de-Fonds (Haut) et Neuchâtel (Bas) tout en questionnant les témoins sur la place du Val-de-Ruz, situé géographiquement entre les deux pôles, dans ce débat.

Figure 6 : Répartition des témoins au sein du canton

[48] Les catégories d'âges (figure 7) sont inégalement représentées avec une majorité de personnes âgées de 20 à 39 ans. Ceci principalement pour les mêmes raisons qu'évoqué plus haut, c'est-à-dire l'âge des enquêtrices. La même remarque peut être faite pour la répartition selon les niveaux socioculturels (figure 8), qui montre de grandes disparités et une faible représentation du niveau 1 (apprentissage technique). Finalement, la parité parfaite qui existe entre le nombre d'hommes et de femmes au sein de notre corpus rend inutile toute représentation graphique.

Figure 7 : Répartition des âges

Figure 8 : Répartition par niveau socio-éducatif

[49] Dans un premier temps, nous nous sommes penchées sur quatre questions (Q9, Q10, Q26 et Q27) issues du questionnaire. Q9 et Q10 étaient étroitement liées et complémentaires : Q9 : Selon vous peut-on reconnaître un Suisse à sa façon de parler ?30 ; Q10 : … un Neuchâtelois ? Q26 : Utilisez-vous quelquefois des mots proprement neuchâtelois/chaux-de-fonnniers/vaudruziens pour affirmer votre identité ? Si oui, avez-vous des exemples ? a été choisie pour étayer l'argumentation au moyen d'exemples concrets en complément avec la question Q27 : Est-ce qu'il y a des mots et des expressions que les gens du 'Bas' ne comprennent pas (et vice versa) ? Ces quatre questions nous ont offert un premier aperçu de la situation neuchâteloise. Dans un deuxième temps, pour obtenir des résultats plus complets et pour préciser les hypothèses de départ (¶ 46), des questions supplémentaires ont été analysées. Q14 : Avez-vous l'impression que les Neuchâtelois croient mieux parler que les Chaux-de-fonniers ou les Vaudruziens ? ; Q15 : Face à un Neuchâtelois ayant le même âge et la même profession, un Chaux-de-fonnier ou un Vaudruzien se sent-il par rapport à sa façon de parler : a) en situation d'égalité, b) d'infériorité, c) de supériorité ? ; Q16 : Selon vous, existe-t-il des 'rivalités linguistiques' entre les Neuchâtelois, les Chaux-de-fonniers et les Vaudruziens ? Y en a-t-il qui se croient ' meilleurs que les autres ' ? Si oui, quelle est la 'région' qui se croit meilleure ? ; Q18 : À votre avis, les Neuchâtelois parlent plutôt : mieux/ moins bien/ aussi bien que les Chaux-de-fonniers ?

4.3 Premiers résultats

4.3.1 Questions 9 et 10

[50] Aux questions 9 et 10, la très grande majorité des témoins a répondu oui (37 témoins sur 39, soit 95%, pour les deux questions). La primauté de l'accent, évoquée par Singy (2004) et Schwab & Racine (2012), est confirmée par les réponses de notre enquête. Pour la moitié des témoins interrogés, c'est l'accent qui permet de reconnaître l'origine d'une personne. Dans l'exemple ci-dessous, il s'agit plus particulièrement de reconnaître un-e Neuchâtelois-e.

(20)

(enquêtrice) pis tu les reconnaîtrais à quoi du coup ?
(informatrice) euh comment dire à la manière de parler peut-être un peu plus lente que les Genevois ou les Vaudois | _ | un accent un peu plus trainant et pis euh la prononciation des R justement | _ | notamment (unine15-064, femme, 27 ans, Neuchâtel)

[51] En seconde place, le débit est également mentionné comme permettant de reconnaître un-e Romand-e (21), cet élément semblant clairement différencié par les témoins de ce qu'ils entendent par accent. La notion de débit apparaît néanmoins quasiment toujours avec celle d'accent. Comme dans l'exemple (20) où le témoin précise que la manière de parler des Romand-e-s est plus lente et que l'accent est plus trainant.

(21)

ah ben ils parlent plus lentement qu'un qu'un Français déjà | _ | parce qu'un Parisien alors ça tchaque (unine 15-102, femme, 81 ans, Val-de-Ruz)

[52] La question de la distinction entre Chaux-de-fonnier-ère et Neuchâtelois-e du bas du canton ne figure malheureusement pas explicitement dans la grille d'entretien, mais elle ressort parfois en filigrane dans les propos recueillis. On peut notamment relever que les témoins disent souvent confondre les Chaux-de-fonnier-ère-s et les Jurassien-ne-s des Franches-Montagnes voisines en raison de leurs accents qu'ils disent être relativement ressemblants.

(22)

(enquêtrice) et pis est-ce que tu crois du coup qu'on peut reconnaître un Neuchâtelois à sa façon de parler ?
(informatrice) oui je pense ouais | _ | après peut-être plus encore ceux qui viennent du Haut que du Bas (unine15-064, femme, 27 ans, Neuchâtel)

[53] Le dernier élément le plus régulièrement mentionné comme permettant de distinguer les Romand-e-s des autres francophones est le lexique. Rares ont été les exemples lexicaux donnés en réponse aux questions 9 et 10, principalement parce que ce n'était pas expressément demandé par les enquêtrices. À l'inverse, les questions 26 et 27 ont été pensées dans ce sens et présentent donc plus d'intérêt pour l'analyse lexicale.

4.3.2 Question 26

[54] À la question concernant l'utilisation de mots régionaux dans le but d'affirmer leur identité cantonale, les réponses ont été majoritairement négatives. Après réflexion, il nous semble que cette question était biaisée par la présence dans l'énoncé du terme identité. En effet, ce terme a pu faire penser au témoin que nous nous interrogions sur la part de revendication identitaire qu'il associait à l'utilisation de régionalismes, ce qui n'était nullement notre volonté à l'origine. Relativement peu d'exemples ayant été récoltés, il s'agirait donc de modifier cette question dans le cas d'une enquête ultérieure.

4.3.3 Question 27

[55] La question 27, qui portait sur l'existence ou non de mots typiquement chaux-de-fonniers ou neuchâtelois (du Littoral), n'a donné que très peu de résultats en termes de lexique. L'expression faire Chaux-de-fonds, dont il sera question ci-dessous, fait figure d'exception. Cependant, pour plus de la moitié des informateur-rice-s, il devrait exister de nombreux termes, comme on peut le voir dans les extraits (23) et (24) :

(23)

mais y a rien qui me vient à l'esprit donc je pourrais pas te di/ | _ | je pourrais pas dire lesquels mais effectivement | _ | je pense que | _ | y a moyen de de trouver des désaccords entre les Chaux-de-fonniers et les Neuchâtelois pour certains mots | _ | je pense | _ | mais ouais ouais mais il me semblait qu'on avait discuté de ça justement mais | _ | avec des chaux-de-fonniers pur jus (unine 15-001, homme, 21 ans, Val-de-Ruz)

(24)

(enquêtrice) est-ce qu'il y a des mots ou des expressions que les gens du Haut utilisent et les gens du Bas ne comprennent pas ou vice-versa
(informatrice) certainement mais je les connais pas (unine 15-099, femme, 51 ans, Neuchâtel)

[56] Ces extraits illustrent bien la vivacité, chez certains Neuchâtelois-e-s, de cette idée de bipartition cantonale. Mais ils montrent également qu'elle ne repose, au niveau linguistique tout du moins, sur aucun marqueur concret, mais plutôt sur des a priori. Même si les différences entre le Haut et le Bas font bien partie de leurs représentations, les témoins ne parviennent que de façon exceptionnelle à l'illustrer concrètement d'un point de vue lexical.

[57] Parmi les quelques exemples cités pour illustrer cette éventuelle différence de lexique entre le haut et le bas du canton, on peut relever la mention de la particule qué, perçue comme typique du parler chaux-de-fonnier, alors que selon Pierrehumbert (1926 : 469) elle semblait répandue dans l'ensemble du canton au début du 20e siècle et est souvent perçue par le reste de la Suisse romande comme neuchâteloise31. L'expression tas de neige, pour désigner une personne idiote, a été mentionnée par un locuteur (unine15-052, homme, 37 ans, La Chaux-de-Fonds). Petite allusion au fameux tas de neige accumulé pendant l'hiver dans un champ à la sortie de la ville de la Chaux-de-Fonds et qui reste souvent visible encore au mois de juin ? Ce type d'exemples convoque et véhicule les stéréotypes liés aux deux régions et illustre bien la distinction qui est faite dans l'esprit des habitant-e-s du canton de Neuchâtel. Le seul exemple cité par un témoin du Littoral est particulièrement intéressant :

(25)

(informateur) faire Chaux-de-Fonds c'est quand tu prends le café à la même table où t'as mangé
(enquêtrice) incroyable je viens d'apprendre quelque chose
(informateur) pis du coup ben les Chaux-de-fonniers ils disent pas ça parce que eux ils font de toute façon Chaux-de-Fonds (unine15-061, homme, 27 ans, Neuchâtel)

[58] Comme l'explique le locuteur, l'expression faire Chaux-de-Fonds signifie 'prendre le café sur la table où l'on a mangé, sans se déplacer au salon'. Cette expression cristallise, à elle seule, la rivalité Haut-Bas, montrant les Neuchâtelois-e-s du Bas comme se pensant supérieur-e-s à la population du Haut en critiquant sa façon de vivre, jugée plus fruste que la leur. Son caractère dépréciatif n'a d'ailleurs pas manqué de susciter moqueries et répliques, comme on peut le constater avec cet extrait d'un discours politique prononcé à La Chaux-de-Fonds en 2016 :

(26)

Une expression utilisée par certains Neuchâtelois du Bas mérite d'être connue : « faire Chaux-de-Fonds » ! Cela signifie prendre le café et les pousse-café à la table de la salle à manger plutôt de passer au salon (sic). Normal quand on sait que dans beaucoup d'appartements modestes de notre métropole horlogère il n'y a pas de salon pour des gens qui ne sont pas nés avec une petite cuillère en argent dans la bouche. (Musy 2016)

[59] La division du panel sur l'existence de termes spécifiques à une région du canton (50% de réponses positives) peut être nuancée par quelques tendances plus spécifiques : les personnes de niveau socioculturel 4 et les Chaux-de-fonnier-ère-s penchent pour l'existence de ces régionalismes (75% de oui) tandis que 77% des Vaudruzien-ne-s estiment qu'il n'existe pas de termes typiquement chaux-de-fonniers, neuchâtelois ou vaudruziens.

[60] La deuxième partie de la question n'a pas produit de résultats utilisables, il faudra donc la reformuler pour une enquête future.

4.3.4 Questions 14, 15, 16 et 18

[61] Afin de compléter ces premières investigations, quelques tendances qui se dégagent des réponses aux questions 14, 15, 16 et 18 de notre questionnaire vont être présentées ci-dessous. Pour une large majorité des personnes interrogées, il n'existe pas de rivalités linguistiques au sein du canton de Neuchâtel. Cependant, selon de nombreux témoins, des différences existent sans pour autant que cela ne crée de tensions.

(27)

(enquêtrice) et maintenant au niveau purement de Neuchâtel est-ce qu'il y a euh une sorte de rivalité euh linguistique entre les Neuchâtelois du Bas, ceux du Haut ?
(informatrice) certainement c'est pas le même langage hein | _ | y a que même | _ | enfin moi j'entends un accent très fort dans le Haut qu'y a quand même moins dans le Bas (unine 16-005, femme, 61 ans, La Chaux-de-Fonds)

[62] Pour d'autres, l'élément clivant réside dans le type d'habitat. La distinction est faite entre ville et campagne et, fait quelque peu surprenant, la ville de La Chaux-de-Fonds, fortement industrialisée et plus grande agglomération du canton se trouve souvent cataloguée dans la catégorie campagnarde ou montagnarde. Ce qui prouve que cette image de 'ville à la campagne' est encore fortement présente.

(28)

(enquêtrice) pourquoi est-ce que tu mettrais le Val-de-Ruz plus proche de La Chaux-de-Fonds que de Neuchâtel ?
(informatrice) parce que je les trouve plus montagnards que que que que citadins | _ | ouais (unine15-038, femme, 59 ans, Val-de-Ruz)

(29)

alors je vais être chau/ je vais être chauvin pour Neuchâtel | _ | mais c'est pas vrai je pense pas bon en plus c'est encore deux c'est c'est trois milieux différents donc le les Vaudruziens c'est quand même des | _ | le c'est quand même plus la campagne que Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds donc effectivement il peut y avoir des différences de de langage (unine15-050, homme, 76 ans, Neuchâtel)

[63] Une très large majorité de notre panel pense que le français parlé dans le canton est tout aussi bon dans le Bas que dans le Haut. Avec cinq avis contraires sur la totalité des enquêté-e-s, on constate que l'insécurité linguistique à l'intérieur du canton n'est pas de mise. Malgré tout, il ressort des entretiens que la vision des habitant-e-s de la ville de Neuchâtel comme étant supérieurs d'un point de vue linguistique existe encore, alimentée parfois par les stéréotypes véhiculés par le biais de l'humour notamment.

(30)

(informatrice) en fait ils ils (i.e. les Neuchâtelois du Bas) assimilent la langue mais à tout le reste | _ | c'est un petit côté euh supérieur qui ouais | _ | un peu pour preuve Cuche et Barbezat32 ils arrivent à en faire des sketchs | _ | que je trouve d'ailleurs très drôles mais c'est la preuve ils ils insistent sur ce cet aspect
(enquêtrice) mh mh est-ce qu'avant de les voir tu avais la même vision ? ou est-ce que c'est de les avoir vus que ça t'a f/
(informatrice) c'est plutôt de les avoir vus que ça m'a fait prendre conscience | _ | je suis pas sûre que j'en avais conscience moi avant | _ | je suis d'accord avec toi c'est peut-être ça | _ | parce que pour avoir fait mes études à La Chaux-de-Fonds je me sentais pas du tout en terrain plus plus terroir que Neuch (unine 15-103, femme, 51 ans, Val-de-Ruz)

(31)

(enquêtrice) euh est-ce qu'il y en a un des deux qui a l'impression de parler mieux ?
(informatrice) alors on a toujours l'impression de parler moins bien que ceux d'en bas mais (unine16-005, femme, 61 ans, La Chaux-de-Fonds)

[64] Il arrive également que les témoins, habitant à La Chaux-de-Fonds dans l'exemple ci-dessous, supposent que les Neuchâtelois-e-s du Bas s'estiment supérieurs.

(32)

(informateur) je pense que oui Neuchâtel est sup/ se sent supérieur à nous
(enquêtrice) et pis euh tu crois pourquoi qu'ils se sentent meilleurs à nous
(informateur) ben parce qu'ils nous considèrent comme des montagnards tout simplement alors qu'on est la même euh civilisation et la le même pays en quinze kilomètres de différence | _ | ils nous perçoivent euh presque dans un autre monde (unine 16-007, homme, 51 ans, La Chaux-de-Fonds)

La perception d'un bas du canton se pensant supérieur à l'ensemble de la communauté neuchâteloise apparaît dans les réponses à la question 14. On demandait alors aux témoins s'ils estimaient que les Neuchâtelois-e-s du Bas croyaient mieux parler que le reste des habitant-e-s du canton. Contrairement à la question 18, formulée différemment (les Neuchâtelois parlent-ils plutôt mieux / moins bien / aussi bien que les Chaux-de-fonniers ?33) et pour laquelle, on l'a vu précédemment, le résultat est sans appel, les réponses sont plus nuancées pour la question 14.

(33)

je dirais que les Chaux-de-Fonniers sont un tout petit peu plus rustres mais c'est pas un mot | _ | c'est pas peut-être pas le mot juste mais euh | _ | je dirais que Neuchâtel serait côté un petit peu plus euh bourgeois ou bien expressif nous on serait un petit peu plus à la rude donc oui je dis qu'il y a une différence entre le Haut et le Bas (unine16-007, homme, 51 ans, La Chaux-de-Fonds)

(34)

quand j'étais jeune et et quand euh j'ai débuté à enseigner ici en Haut y avait quand même alors un | _ | euh on on était on se sentait inférieurs aux autres on on nous faisait sentir ça un peu | _ | oui euh il vous faut apprendre à parler comme les Neuchâtelois du Bas | _ | c'est maintenant il me semble que c'est moins maintenant là y a aussi peut-être plus d'échanges euh qu'il y en avait auparavant (unine 16-017, homme, 82 ans, La Chaux-de-Fonds)

[65] Ces deux exemples, tirés tous deux d'entretiens avec des personnes du Haut, montrent bien la perception encore bien ancrée, qu'ont certain-e-s Chaux-de-Fonnier-ère-s d'un Littoral bourgeois, voire arrogant, et de Montagnes plus 'terroir'. Cela est confirmé par l'exemple présenté par Béguelin & Corminboeuf (2017 : 22) dans lequel un locuteur du Val-de-Ruz parle de la sociabilité plus forte dans les Montagnes neuchâteloises que sur le Littoral. Cependant le second locuteur (34) perçoit une évolution, tout comme nous l'avons ressenti lors de nos différents entretiens.

[66] Ainsi, de manière générale, si pour la catégorie des 20-30 ans il est clair qu'il n'existe aucune rivalité linguistique cantonale, les avis sont moins tranchés parmi les tranches d'âges supérieures. Faudrait-il y voir une évolution dans les mentalités sur cette thématique de rivalités linguistiques ?

4.4 Discussion

[67] D'un point de vue méthodologique, le principal constat que nous pouvons retenir est qu'il s'avère délicat de réaliser des recherches sur le français régional au moyen de questionnaires du type choisi, en sollicitant des réponses de la part des locutrices et locuteurs sans les influencer, comme le souligne Gadet (2003a) lorsqu'elle évoque les biais méthodologiques liés à la présence de la chercheuse ou du chercheur. En effet, nous arrivons avec nos connaissances, nos questions et hypothèses, et il se révèle délicat d'en faire abstraction ou d'en minimiser l'impact. Conscientes de ces biais, largement mis en évidence par les travaux antérieurs (Singy 1996, 2004 ; Prikhodkine 2011), nous avons tenu compte de ces aspects dans notre étude et le questionnaire a été pensé en conséquence. Lorsqu'on regarde du côté des témoins, la difficulté principale réside dans la mobilisation des régionalismes. Mobiliser le lexique régional du tac au tac, sans contexte et sans réflexion en amont est un exercice ardu, ce qui explique en partie les résultats plutôt faibles quant aux exemples recueillis lors de nos enquêtes.

[68] Le premier enseignement à tirer de ce rapide tour d'horizon est que le critère linguistique ne semble pas significatif pour affirmer son identité locale dans le canton de Neuchâtel et ne sert pas à appuyer le clivage Haut-Bas. Cela a pu être observé à de nombreuses reprises dans les réponses du questionnaire présentées ci-dessus. Cependant, l'existence d'une séparation nette entre le haut et le bas du canton n'a pratiquement jamais été remise en question par nos témoins, la nuance étant que, pour eux, les enjeux ne se situent pas au niveau linguistique.

(35)

non ça je crois pas alors on a plein de débats sur plein de choses mais pas sur notre langage je crois pas (unine15-080, femme, 39 ans, Neuchâtel)

[69] Toutefois, il faut souligner que les représentations linguistiques des informatrices et informateurs montrent qu'une distinction au niveau de l'accent existe néanmoins. La plupart des enquêté-e-s pensent pouvoir distinguer un-e Neuchâtelois-e du Bas d'un-e Neuchâtelois-e du Haut. Si cette différence existe, elle n'alimente pas ou plus les rivalités cantonales. En effet, le sentiment qui se dégage des résultats issus de l'enquête est qu'auparavant, il y avait un fort sentiment d'insécurité linguistique chez les habitant-e-s des Montagnes neuchâteloises, comme en témoigne le locuteur chaux-de-fonnier cité sous (34). Actuellement, ce sentiment semble avoir cédé la place à une conscience de spécificités locales, mais qui qualifierait plus l'état d'esprit des Montagnes neuchâteloises, témoignant ainsi de l'ouverture et la sympathie dont font preuve ses habitant-e-s. Au contraire, sur le Littoral une mentalité plus hautaine et une ouverture d'esprit moindre seraient perceptibles jusque dans les pratiques linguistiques. La vision d'un bas du canton plutôt bourgeois, face à des régions perçues comme rurales demeure également vivace, le Val-de-Ruz étant placé du côté de la ruralité.

(36)

l'accent du b/ Haut est très rigolo mais je préfère l'accent neuchâtelois du Bas | _ | de la ville | _ | plus international (unine 15-113, homme, 26 ans, Neuchâtel)

[70] Certains témoins, principalement originaires de La Chaux-de-Fonds, conservent l'idée que les Neuchâtelois-e-s du Bas 'pensent parler mieux', montrant bien en cela que ces représentations perdurent. Les nombreux membres de notre panel qui supposent l'existence de termes typiquement chaux-de-fonniers ou neuchâtelois, bien qu'ils soient incapables de les citer, le confirment également.

[71] En conclusion, ce bref aperçu des représentations linguistiques au sein du canton de Neuchâtel nous permet d'interroger le concept d'insécurité linguistique (Singy 1996 ; Heyder 2015). Nous constatons ici que la dimension ludique du langage dépasse la dimension identitaire et que la jeune génération serait moins sujette à l'insécurité que celles qui l'ont précédée. Toutefois, dans ce contexte de rivalité Haut/Bas, il arrive tout de même qu'une certaine fierté d'appartenir à l'un ou l'autre des camps s'illustre au travers du langage, comme l'explique ce témoin vaudruzien :

(37)

mais il me semblait justement ils avaient sorti sorti certains mots ben qu'on avait jamais entendu pis que eux utilisaient même pas forcément mais que ils étaient prêts à sortir pour s'affirmer Chaux-de-fonniers et pas Neuchâtelois (unine15-001, homme, 21 ans, Val-de-Ruz)

[72] Un avertissement s'avère nécessaire suite à ce rapide survol : notre étude se base sur un panel restreint, et certainement trop homogène, de par la surreprésentation d'une certaine classe d'âge et d'un certain milieu social. Les résultats doivent donc être pris avec précaution, ce travail constituant une pré-enquête qui permettra de déterminer les enjeux et les questions pertinentes, mais aussi d'affiner le protocole méthodologique pour une recherche future.

5 Conclusion

[73] A l'issue de cette étude, nous espérons être parvenues à montrer la polyvalence du corpus OFROM pour éclairer de plusieurs façons le français parlé actuellement en Suisse romande et en particulier dans le canton de Neuchâtel. En rejoignant la famille encore dispersée des corpus oraux du français avec lesquels il doit être comparé, il participe tout d'abord à un regard global sur la variation diatopique dans une optique panfrancophone. Il contribue à interroger la nature du français régional aujourd'hui à l'intérieur du diasystème du français et ses manifestations en Suisse romande. OFROM invite à étoffer la connaissance des particularités lexicales et syntaxiques connues, mais également à explorer de nouvelles pistes sur les fonctionnements et l'emploi des diatopismes, dans un échange permanent avec les sources métalinguistiques de référence, comme le DSR ou les enquêtes linguistiques menées par d'autres moyens (Avanzi 2019). L'exploitation des ressources de cette base de données orales prolonge les approches qualitatives et quantitatives menées sur les bases de données textuelles. Des précautions d'usage s'imposent : les matériaux d'OFROM apportent de solides indices mais ne prétendent pas révéler la vitalité réelle ni fournir un inventaire complet des régionalismes utilisés par les Romand-e-s. Pour l'étude des régionalismes, il est précieux de pouvoir compter sur des regards et des sensibilités complémentaires, comme c'est le cas pour l'équipe qui travaille à l'élaboration d'OFROM, composée de collaborateur-rice-s suisses romand-e-s et de francophones extérieur-e-s à la Suisse.

[74] La base de données offre par ailleurs un accès aux commentaires que font certain-e-s enquêté-e-s enregistré-e-s sur le français en général, mais surtout sur leur propre variété. On a pu constater combien ce métadiscours était utile pour éclairer l'étude des pratiques linguistiques. Il met en évidence l'existence de régionalismes symboliques, qui peuvent être perçus positivement ou négativement (De Pietro & Matthey 1993 ; Prikhodkine 2011), et la présence discrète de régionalismes dans le discours, pour lesquels seule une étude linguistique rigoureuse permettra d'affirmer s'ils sont bien 'suisses', pour paraphraser Francard, Géron & Wilmet (2003). Dans OFROM, le regard des utilisatrices et utilisateurs venu-e-s étudier le français parlé en Suisse romande croise celui des témoins qui ont fourni au corpus sa matière première.

[75] Dans la mesure où des extraits d'enquêtes sociolinguistiques ont été intégrés à OFROM, l'utilité d'un éclairage supplémentaire sur les questions de conscience et de légitimité de la variété endogène du français des Romand-e-s nous semble, suite à notre étude, indubitable. Notre analyse d'un sous-corpus centré sur le canton de Neuchâtel a dévoilé plusieurs éléments intéressants : la difficulté des enquêté-e-s à identifier et à mobiliser, à la demande d'une enquêtrice, les régionalismes lexicaux, mais également la position intermédiaire du Val-de-Ruz, souvent occultée dans l'antagonisme 'Haut/Bas' du canton, ou encore l'émergence d'un discours décomplexé sur l'utilisation du français régional, en particulier chez les témoins plus jeunes de notre panel. L'identité romande, mais aussi cantonale ou régionale des informateur-rice-s d'OFROM, en particulier des plus jeunes, n'est pas revendiquée par les choix lexicaux et ne repose pas forcément sur un sentiment d'insécurité linguistique. L'apport d'OFROM en matière de représentations linguistiques se trouve par conséquent entièrement confirmé et la nécessité d'y intégrer de nouveaux matériaux, déjà à disposition, ne s'en trouve que confortée.

[76] Cette contribution n'est qu'une amorce d'exploration des matériaux d'OFROM dans une perspective de recherche diatopique. Elle ouvre la réflexion sur les développements du corpus, en termes d'annotation ou d'implémentation de sous-corpus ou de modules thématiques de nature sociolinguistique par exemple.

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* Ce travail de recherche a été réalisé sous la direction et avec la collaboration de la professeure Federica Diémoz. Nous avons présenté ensemble la contribution que reprend le présent article lors des Journées d'étude de novembre 2018. Sa disparition prématurée ne nous a pas permis de rédiger ce texte à six mains et c'est avec une profonde tristesse mais une immense gratitude que nous lui dédions ces lignes. Les auteures souhaitent par ailleurs exprimer leurs plus vifs remerciements à Gilles Corminboeuf, Sara Cotelli, Andres Kristol et Aurélie Reusser-Elzingre pour leurs conseils précieux, leurs encouragements et leurs relectures attentives.

1 L'appellation le Littoral est couramment employée pour désigner les territoires situés au bord du lac de Neuchâtel.

2 Selon la terminologie de Poirier (1995 : 26), nous entendons par français de référence l'ensemble de la nomenclature de la lexicographie générale, non marquée diatopiquement, et la langue française telle qu'elle est décrite dans les manuels d'apprentissage.

3 Parmi les précurseurs des corpus oraux électroniques, mentionnons Carton (1983) consacré aux accents régionaux, accompagné d'une cassette audio, dont le contenu peut aujourd'hui être consulté sur http://accentsdefrance.free.fr.

4 Pour les corpus du français hors de France, cf. Gadet & Michelis (2013).

5 Eh ben y a un des coussins qui s'est mis à se déniapper en direct, il s'est ouvert et tout est sorti (CLAPI, femme, 27-29 ans, sous-corpus interactions parents-enfant : léonard, enregistrement 3 ; 03). Pour ce terme, Dondaine (2002) renvoie au FEW et à l'étymon gaulois *WADANA, avec le verbe déniper attesté dans les parlers morvandiaux (FEW, XIV 113a), auquel on peut ajouter sans doute l'adjectif déniâpré 'vêtu de haillons' attesté en Bourgogne (FEW, XXI 515a).

6 Elle est attestée chez le chanteur marseillais Soprano, dans un titre intitulé À la bien de l'album Puisqu'il faut vivre (2007), cité par Tengour (2013). Il faudrait tester la diffusion de cette expression dans le reste de la francophonie pour pouvoir se prononcer.

7 Le corpus WUS se rattache au projet scientifique What's Up Switzerland (2016-2020), reposant sur la collecte et l'analyse de messages échangés via l'application de messagerie instantanée WhatsApp.

8 Même après la refonte récente du corpus Frantext en 2018, utilisé par Thibault (2007) pour explorer les possibilités de recherche diatopique, il reste impossible d'y constituer un sous-corpus selon un critère géographique.

9 Cette dernière est la graphie choisie dans Hadacek (1983). Cela peut induire en erreur même les spécialistes avertis : certaines attestations ont ainsi échappé à Avanzi, Béguelin & Diémoz (2016a : 8) lors de leur relevé.

10 Initialement, OFROM était orienté pour permettre des approches phonologiques et son protocole d'enquête était lié au corpus PFC.

11 Au sujet de ce chapitre très capricieux de la phonétique du français, cf. Thibault (2017) et le billet VingT et moinS (https://francaisdenosregions.com/2016/08/31/1010-vin-ou-vingt) du blog Francais de nos régions de Mathieu Avanzi et André Thibault.

12 Dans les métadonnées d'OFROM, la mention NR (Non Renseigné) signifie que l'information est manquante.

13 Cf. aussi FEW, XIV 52b. En France, l'abréviation fac (164 occurrences dans ESLO), relevée dans le TLFi (s.v. faculté) comme une expression familière, mais sans être considérée sous l'angle diatopique, est plus fréquente (le terme est absent du DRF, mais relevé par Lengert 1994 : 400 s.v. uni). À Bruxelles, c'est la forme unif, qui domine (13 fois dans le CFPB), mais univ est aussi connu, comme l'atteste Francard et al. (2015).

14 Ce statalisme désigne le diplôme de fin d'études secondaires (le DSR fait remonter la première attestation à 1894).

15 Cf. l'exemple du potager 'fourneau ancien de cuisine' et parfois aussi 'cuisinière moderne' (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2016a : 8).

16 Il s'agit d'un travail de séminaire réalisé par Yan Jansky en 2013 à l'université de Bâle : Les helvétismes dans le sous-corpus français de sms4science.

17 Federica Diémoz et Etienne Morel avaient tenu en 2017 lors du Workshop du projet What's Up Switzerland? une communication orale à Berne pour présenter les premiers résultats de leurs recherche encore inédite 'tu arrives gentiment ? – j'ai droit fini, je viens direct chez toi !': Accounting for French diatopisms in Swiss texting.

18 Ça joue (89), redire (86), bec (83), souper (nom et verbe, 61), natel (34), c'est tout bon (19), salutations (17), pour finir (12), ou bien (11), tout de bon (10).

19 Afin de garantir l'anonymat des personnes enregistrées, les noms propres ont été remplacés dans le corpus par le symbole # et le passage correspondant sur la bande sonore a été coupé.

20 La graphie choue illustre les questions qui se posent lors de la transcription de formes diatopiquement marquées selon des normes de grammaire et d'orthographe standard. Alors que la lexicographie du français de référence évoque un emploi adjectival invariable à partir du substantif (cf. TLFi : s.v. chou), le transcripteur suisse romand cherche manifestement à restituer à l'écrit une tendance, en Suisse romande, à marquer oralement la différence de genre (cf. Vouillamoz 2018). Un fait diatopique se trouve pour ainsi dire légitimé par la règle de l'écrit de formation des adjectifs féminins en français de référence.

21 Recherché dans le concordancier avec les différentes marques d'accord possibles des transcriptions : chous, choux, choute, choues, etc.

22 Malgré les réserves portées sur cet ouvrage (Manno 2004 : 340 ; Chevalley 1997), on peut considérer que cet indice de fréquence n'est pas dépourvu de sens. Lengert (1994 : 50) précise qu'il s'appuie sur ses corpus de textes mais également sur le fichier constitué sous l'impulsion d'Ernest Schüle, le premier directeur du Centre de dialectologie et d'étude du français régional de Neuchâtel, et qui constitue la base du DSR. En ce qui concerne le substantif fourre, il est sans doute plus fréquent dans le contexte scolaire. Une locutrice de la Chaux-de-Fonds enregistrée par une étudiante de Neuchâtel confirme cette intuition : « moi je croyais que four (sic) c'était français de France parce qu'on à l'école on utilise tout le temps ça vous prenez pour four (sic) et en fait non c'est suisse comme mot c'est pas du tout français une four (sic) » (Maddahfar 2016 : 95).

23 L'enquête, menée entre 1994 et 1996, a attesté un taux de reconnaissance élevé dans plusieurs régions de l'est de la France.

24 Si le terme de métalinguistique permet de qualifier un discours conscient comportant une dimension réflexive d'un énonciateur sur la langue, nous emploierons ici le terme d'épilinguistique pour désigner les « activités métalinguistiques inconscientes » ainsi que l'a défini Culioli (1999 : 519).

25 Cette ellipse pour le bord du lac de Neuchâtel s'est lexicalisée et a posé la question de l'adoption d'une graphie en un seul mot, le bordu (parfois utilisée dans la presse ou dans les écrits informels), dans les transcriptions du corpus OFROM .

26 Pour le canton de Berne, cela concerne uniquement la partie francophone du canton : des enquêtes ont été réalisées à Bienne et dans le Jura bernois.

27 Pour plus d'informations concernant les niveaux socio-éducatifs, ainsi que le protocole d'enquête, voir le document de référence du corpus OFROM (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2016b), en particulier p. 16, note 7.

28 Les enregistrements ajoutés à la base de données sont des extraits choisis lors de la transcription, issus des matériaux récoltés lors des enquêtes : il s'agit de sélectionner les parties dont la qualité sonore est la meilleure mais également les plus riches en termes de volume de parole. Aucune enquête ne figure donc intégralement dans la base de données en ligne.

29 Au 31 décembre 2018, La Chaux-de-Fonds comptait 37941 habitant-e-s, contre 33355 pour Neuchâtel (État de Neuchâtel 2018).

30 Nous reproduisons ici les questions dans leur formulation d'origine.

31 Comme le montre cet exemple issu du corpus PFC : « les Neuchâtelois avec leur qué toi » [svaab1], cité par Andreassen (2013 : 23).

32 Humoristes contemporains neuchâtelois jouant avec le clivage cantonal, Benjamin Cuche figurant un personnage issu des Montagnes neuchâteloises et Jean-Luc Barbezat un personnage venant du Littoral.

33 Voir note 28.