DOI: https://doi.org/10.25364/19.2020.4.9

ISSN: 2663-9815

Studia linguistica romanica 2020.4

L'interrogative indirecte in situ dans le corpus OFROM

Ils posaient la question c'était quoi*

Gudrun Ledegen, Philippe Martin

Université Rennes 2, Université de Paris Diderot

gudrun.ledegen@univ-rennes2.fr, philippe.martin@linguist.univ-paris-diderot.fr

Reçu le 31/12/2019, accepté le 24/5/2020, publié le 5/11/2020 selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

Résumé : Cet article porte sur la forme de l'interrogative indirecte in situ, une structure vernaculaire qui est partagée dans de multiples zones de la francophonie (Ledegen 2007, 2016), dont la Suisse romande comme il sera montré ici, à partir du corpus OFROM (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2012-2019). Nous approfondirons tout particulièrement la comparaison entre l'étude réunionnaise (Ledegen 2007) avec le corpus OFROM, par l'étude des structures indirectes non-standard (verbe introducteur, morphème interrogatif, prédicat), les caractéristiques des locuteurs suisses les employant, et enfin, la prosodie typique de la structure in situ, grâce aux riches données mises à disposition au sein du corpus OFROM.

Abstract: This article deals with the form of indirect in situ interrogation, a vernacular structure that is shared in many areas of the French-speaking world (Ledegen 2007, 2016), including, as will be shown, French-speaking Switzerland. The contribution compares the Reunionese study (Ledegen 2007) and the rich data made available within the OFROM corpus (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2012-2019), focusing on non-standard indirect structures (introductory verb, interrogative morpheme, predicate), the characteristics of the Swiss speakers using them, and finally, the typical prosody of the structure in situ.

Sommaire
1 Introduction
2 État de la question
3 Les interrogatives indirectes non-standard dans le corpus OFROM
3.1 Trois variantes d'interrogative indirecte
3.2 Analyse des structures : verbes introducteurs, morphèmes interrogatifs et prédicats
3.3 Caractéristiques des locuteurs produisant au moins une forme non-standard
3.4 Combinatoire de variantes
4 L'interrogative indirecte in situ : un profil intonatif typique
5 Conclusion
Bibliographie
Annexe : Exemples des deux structures interrogatives non-standard

1 Introduction

[1] Cet article porte centralement sur la forme de l'interrogative indirecte in situ, comme illustrée dans (1) et (2) :

(1)

tu sais c'est quoi d'avoir 3 enfants ! (Les Parent, saison 2-1, série québécoise)

(2)

comme dans les jeux | _ | télévisés là pis | _ | ils posaient la question c'était quoi | (OFROM, unine 15-909)

Bien que l'interrogative indirecte soit généralement décrite comme ayant le syntagme interrogatif toujours en position initiale (Riegel, Pellat & Rioul 1997 : 475), cette structure vernaculaire, qui présente le mot interrogatif in situ, se révèle en partage dans de multiples zones de la francophonie (Ledegen 2007, 2016). Conein & Gadet (1998 : 110) notent que « l'absence de distinction entre interrogation directe et indirecte [ex. : il regardait pas c'était qui] [est répertoriée] depuis longtemps », et appartient aux « traits populaires héréditaires » (Conein & Gadet 1998 : 121).

[2] Bien que non mentionné dans les études portant sur le français suisse (Andreassen, Maître & Racine 2010 ; Knecht 1979, 1985, 1999, 2000 ; Matthey 2003 ; Singy 1996)1, ce point de variation syntaxique s'atteste de fait en Suisse romande2, comme nous le démontrerons ici, en prenant appui sur le corpus OFROM (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2012-2019), et ce, naturellement, « sans que cela implique nécessairement [sa] diffusion sur l'ensemble de l'aire romande, ou [son] absence dans d'autres français parlés » (Knecht 1999 : ¶ 22).

[3] Travaillant dans une perspective panfrancophone (Chaudenson, Mougeon & Beniak 1993 ; Boutin & Gadet 2012 : 19), en prenant le non-standard comme référence première (Ploog 2002 ; Poplack & Dion 2009), notre comparaison avec d'autres terrains francophones3 met au jour plusieurs attestations de l'interrogative indirecte in situ, avec des valeurs sociolinguistiques variables, et ce dans divers types de corpus4. Nous approfondirons ensuite tout particulièrement la comparaison entre l'étude réunionnaise (Ledegen 2007) et le corpus OFROM, en étudiant les structures indirectes non-standard (verbe introducteur, morphème interrogatif, prédicat), les caractéristiques des locuteurs suisses les employant, et enfin, la prosodie typique de la structure in situ, grâce aux riches données mises à disposition au sein du corpus OFROM.

2 État de la question

[4] L'interrogative indirecte in situ est une structure vernaculaire jusqu'alors peu étudiée : sa première attestation date de l'étude de Lefebvre & Maisonneuve (1982) où 16,9% (12/71) des interrogatives indirectes étudiées étaient de structure in situ, un chiffre important sachant que l'étude de Quillard (2000) menée en France atteste 15,57% d'interrogatives in situ en interrogative directe dans un corpus varié de situations de travail et 'ordinaires'. Toutefois, l'étude de Hamlaoui (2010), basée sur 222 questions de la journaliste de l'émission décontractée Là-bas si j'y suis (France Inter), donne 47,3% d'éléments Qu- in situ. Continuant nos recherches sur le terrain québécois, nous attestons plusieurs exemples dans le feuilleton Les Parent :

(3)

Zac : il faut qu'on dise c'est quoi les métiers des grands-parents (saison 2-5)

(4)

Zac : personne sait c'est qui (saison 2-3)

(5)

Père : tu sais c'est quoi d'avoir trois enfants ?! (saison 2-1) (reprise de l'exemple (1) ci-dessus)

Mais aussi dans le corpus FRAN (Martineau & Séguin 2016) où nous attestons 50 occurrences pour 123 entretiens :

(6)

L1 : Régine [Nom de famille] on sait c'est qui. (rires) (Entrevue moderne variationniste avec Régine, 75 ans, Montréal, Hochelaga-Maisonneuve, 2012)

Ainsi que 27 occurrences dans les corpus sociolinguistiques montréalais de 1971 (Sankoff & Cedergren 1971 ; Sankoff et al. 1976) et de 1984 (Thibault & Vincent 1990) :

(7)

Pierre : c'est filmer mais toi tu sais tU5 c'est quoi « firmer » (locuteur n° 2)

[5] Notre toute première confrontation avec la structure indirecte in situ a eu lieu sur le terrain de La Réunion où nous avons découvert cette structure avec des valeurs sociolinguistiques semblables au Québec : il s'agit ici d'une norme endogène, non marquée sociolinguistiquement, appartenant au français réunionnais (Ledegen 2007). Les exemples suivants qui proviennent du corpus de SMS réunionnais de Ledegen (2014) montrent son caractère ordinaire, surtout pour ce qui est de l'exemple (9) qui est un message adressé à un inconnu et relève d'un registre formel :

(8)

Slt.tu c pa chui ki?ben c cool.sa me fai plaiz.lol.aparemen tu ma oublier.jèspèr ke ton taf sa va mieu.biz.et dvine c ki. (Salut. Tu sais pas je suis qui? Ben c'est cool. Ça me fait plaisir. Lol. Apparemment tu m'as oublié. J'espère que ton taf ça va mieux. Bises et devine c'est qui.)

(9)

Bonjour.vous m'avez appelez.je peux savoir c'est qui.je n'ai pas eu temps de repondre. (Bonjour. Vous m'avez appelé. Je peux savoir c'est qui. Je n'ai pas eu [le] temps de répondre.)

[6] De nombreux autres terrains de la francophonie disposent de cette structure. Il en est ainsi pour La Nouvelle Calédonie et l'Île Maurice (corpus PFC6). Il est à noter pour ces deux terrains que les mots Qu- sont aussi bien mono- que polysyllabiques, et les prédicats employés dans la subordonnée sont fort variés en forme et en longueur, montrant ainsi une plus grande variation que sur les autres terrains étudiés7 :

(10)

je connais des gens mais je sais pas ils habitent où (PFC, Nouvelle Calédonie)

(11)

je me rappelle plus c'est quel magasin (PFC, Nouvelle Calédonie)

(12)

mais il faut voir c'est quoi mes avantages (PFC, Maurice)

(13)

tu comprends c'est pourquoi ils ils sont un peu tolérants (PFC, Maurice)

[7] Pour la France, il est à noter qu'aucune attestation ne figure dans le Corpus CORPAIX étudié par Defrancq (2005) et il en existe fort peu de mentions dans d'autres recherches. Lefeuvre et Rossi-Gensane (2017) attestent 7 formes : 2 dans le CFPP2000 (2/144 interrogatives indirectes) et 5 dans le corpus ESLO (5/98 interrogatives indirectes), et ce exclusivement chez les jeunes. Toutefois, dans une étude récente, Marchessou (2018) atteste dans la banlieue de Strasbourg 55% d'interrogative indirecte in situ (35/63 interrogatives indirectes), et Gardner-Chloros & Secova (2018) dans la banlieue parisienne 38% (61/159 interrogatives indirectes).

[8] Au vu de la diversité des terrains d'attestation de longue date, on ne peut considérer la structure exclusivement comme une innovation ou un usage émergent, ni comme une conséquence d'un contact linguistique8, ce qui est pourtant souvent l'analyse adoptée :

L'étude du changement linguistique s'est butée depuis toujours à la rareté de données appropriées reflétant un stade antérieur de la langue. En effet, […] les textes écrits ont l'inconvénient de ne pas toujours refléter la langue parlée, lieu privilégié des changements. Le manque de données historiques fiables explique, du moins en partie, la notion courante voulant que de nombreux traits saillants des parlers vernaculaires contemporains soient des innovations récentes. Cette idée est particulièrement répandue dans le cas des variétés canadiennes du français, qui comportent plusieurs traits distinctifs, souvent même stigmatisés. On attribue d'ordinaire ces traits au changement, censément causé par le contact massif que ces variétés ont subi avec l'anglais depuis la Conquête britannique du Canada (1760), et par des siècles d'éloignement par rapport au français métropolitain et son influence se voulant normalisatrice. (Poplack & St-Amand 2009 : 511)

Il s'agit sans conteste d'une survivance d'une forme 'populaire' (Ledegen 2016), qui correspond aux tendances évolutives suivant lesquelles le français se décantait et s'organisait au seuil de la période classique : réduction des déclinaisons, décumul des formes synthétiques, syntaxe séquentielle (cf. Guiraud 1966 : 46 ; Lefeuvre & Rossi-Gensane 2017), ce qui peut aussi expliquer son emploi amplement attesté en banlieue parisienne et strasbourgeoise (Gardner-Chloros & Secova 2018 ; Marchessou 2018).

[9] Le tableau ci-dessous présente les différents terrains d'attestation et leurs valeurs sociolinguistiques variables, combinés avec des informations structurelles les contrastant. La question qui se posera entre autres dans cet article, sera de savoir où situer le terrain suisse parmi ces différents cas.

Lieux d'attestation

Île Maurice, Nouvelle Calédonie

Québec, La Réunion, Paris, Strasbourg (banlieue)

Bretagne9

Belgique10

Valeur sociolinguistique

non marqué, 'ordinaire'

non marqué, 'ordinaire'

familier

populaire

Éléments de structure

prédicats variés ;

Qu- mono- et polysyll.

prédicat c'est ;

Qu- monosyll.

prédicat c'est ;

Qu- monosyll.

prédicat c'est ;

Qu- monosyll.

Tableau 1 : Classification des structures et valeurs sociolinguistiques de l'interrogative indirecte in situ selon les terrains d'attestation

3 Les interrogatives indirectes non-standard dans le corpus OFROM

[10] L'étude qui suit compare systématiquement la première étude portant sur l'interrogative indirecte in situ à La Réunion (Ledegen 2007) avec le corpus OFROM, pour ce qui est des interrogatives indirectes non-standard, leurs structures et les caractéristiques des locuteurs les employant. Enfin, le point 4 identifie le profil intonatif type de l'interrogative indirecte in situ, par comparaison avec l'interrogative directe in situ.

3.1 Trois variantes d'interrogative indirecte

[11] Dans la première étude réunionnaise, un sous-corpus avait été établi sur les environ 200 heures du corpus VALIRUN disponible, en sélectionnant les enregistrements attestant une forme non-standard d'interrogative indirecte (in situ ou en qu'est-ce que/qui11) ; l'étude des interrogatives indirectes sur ce sous-corpus, bien que les formes non-standard y soient de fait surévaluées par la construction même du sous-corpus, révèle que, parmi les tournures non-standard, c'est avant tout l'interrogative indirecte in situ qui est attestée à La Réunion et bien moins la structure en qu'est-ce que/qui :

Figure 1 : Les trois variantes de l'interrogative indirecte dans le corpus réunionnais VALIRUN (Ledegen 2007)

[12] Le sous-corpus12 construit en suivant cette même logique à partir du corpus OFROM donne une répartition différente13, où prime la structure non-standard en qu'est-ce que/qui, et où l'interrogative indirecte in situ se révèle plus exceptionnelle :

Figure 2 : Les trois variantes de l'interrogative indirecte dans le corpus OFROM

Sur les 49 interrogatives indirectes réunies, 22 sont non-standard, soit une situation en quasi-équilibre. Il est intéressant de noter que cette sélection réunit 20 personnes utilisant au moins une forme non-standard, au sein de 19 conversations, montrant ainsi que les structures non-standard ne sont pas l'exclusivité de quelques locuteurs (cf. plus bas).

3.2 Analyse des structures : verbes introducteurs, morphèmes interrogatifs et prédicats

[13] Comme dans l'étude réunionnaise, les 8 verbes introducteurs sont des introducteurs classiques de la subordination (Riegel, Pellat & Rioul 1997), et quasiment les mêmes verbes que pour le corpus réunionnais :

Interrogative

indirecte

OFROM

VALIRUN

standard

qu'est-ce que/qui

in situ

standard

qu'est-ce que/qui

in situ

comprendre

1

1

connaître14

4

demander

1

1

3

3

dire

1

3

2

2

3

1

expliquer

1

3

poser la question

1

raconter

1

1

rechercher

1

savoir

20

9

1

19

1

16

se demander

1

voir

3

4

1

2

Total

27

18

4

28

7

27

Tableau 2 : Les verbes introducteurs suivant les trois structures pour le sous-corpus OFROM et le sous-corpus VALIRUN

On peut aussi noter que le verbe savoir est très largement privilégié dans les deux corpus, et ce pour les 3 structures. Pour La Réunion, ce verbe, et sa variante régionale connaître, constitue quasiment le prototype de la structure in situ (plus de 64% des verbes introducteurs).

[14] Pour ce qui est de la nature du morphème interrogatif, ici aussi, comme dans le corpus réunionnais, seule la structure standard sollicite des morphèmes interrogatifs de plus d'une syllabe15, la structure in situ ne s'attestant qu'avec le morphème quoi (cf. tableau 3).

[15] Enfin, comme dans le corpus réunionnais, le prédicat de la structure in situ est exclusivement constitué du présentatif c'est (3 fois au présent et 1 fois à l'imparfait), présentant ainsi une proximité avec la structure en qu'est-ce que/qui ; ce prédicat court se combine par ailleurs en termes de rythme fort bien avec les morphèmes interrogatifs monosyllabiques.

Interrogative indirecte

standard

qu'est-ce que/qui

in situ

ce que

12

ce qui

1

combien

2

comment

5

de quoi

1

3

pourquoi

2

que

18

quel

1

quoi

4

Total

27

18

4

Tableau 3 : Nature du morphème interrogatif suivant les trois structures pour le sous-corpus OFROM

3.3 Caractéristiques des locuteurs produisant au moins une forme non-standard

[16] Si on observe le niveau socio-éducatif16 des 20 locuteurs produisant au moins une forme non-standard, il est notable que toutes les catégories sont représentées, et même un peu plus souvent les niveaux élevés que les niveaux de base (cf. figure 3). Spécifiquement pour l'interrogative indirecte in situ, il est intéressant de noter que les 3 personnes produisant cette interrogative non-standard appartiennent là aussi à différentes catégories (en l'occurrence, 1, 2 et 3), mais aussi que la catégorie 4 n'est pas présente.

Figure 3 : Niveaux socio-éducatifs des 20 locuteurs

[17] La localisation des 20 locuteurs illustre pareillement que les structures indirectes non-standard ne se cantonnent pas à une localisation spécifique mais sont attestées sur tout le territoire. Les 3 personnes produisant l'interrogative indirecte in situ proviennent des cantons de Berne (St-Imier, Bienne) et de Neuchâtel (La Chaux-de-Fonds).

Figure 4 : Cantons de résidence des 20 locuteurs (NR = non renseigné)

[18] La figure suivante montre enfin que les hommes autant que les femmes produisent les deux structures interrogatives non-standard étudiées ; pour les 3 locuteurs produisant l'interrogative indirecte in situ spécifiquement, ils sont deux hommes et une femme :

Figure 5 : Genre des 20 locuteurs

[19] Enfin, le critère de la langue première révèle que tous les locuteurs sont français L1, sauf une locutrice caractérisée français L2 ; il est remarquable qu'elle produise uniquement des interrogatives indirectes partielles non-standard (2 in situ et 1 en qu'est-ce que, cf. ci-dessous).

[20] Ainsi, les structures non-standard semblent attestées dans toute la société17, et non spécifiquement pour certains groupes sociaux, ou dans des localisations spécifiques ; le contact de langues pourrait être un facteur explicatif au vu de la locutrice français L2, ainsi que l'absence de l'interrogative indirecte in situ pour la catégorie 4 (études universitaires).

3.4 Combinatoire de variantes

[21] Il est intéressant enfin de noter que seules 6 personnes ne produisent que des interrogatives indirectes non-standard : la locutrice français L2 mentionnée ci-dessus produit donc 2 interrogatives indirectes in situ et 1 interrogative indirecte en qu'est-ce que/qui ; les 5 autres personnes ne produisent que cette dernière. Les autres locuteurs combinent les formes non-standard avec des formes standard, avec une moyenne18 se situant à 1 non-standard pour 3 standard :

Figure 6 : Combinatoire des trois variantes pour les 20 locuteurs

4 L'interrogative indirecte in situ : un profil intonatif typique

[22] Le corpus OFROM présente l'avantage de permettre d'une façon fort simple de consulter et de récupérer le son accompagné de la transcription alignée : ainsi, il nous a été possible de confronter les interrogatives indirectes et directes in situ, afin de sérier les deux structures, et d'identifier à l'aide d'une analyse intonative19 le profil mélodique typique de l'interrogative indirecte in situ. L'analyse de la structure prosodique a permis de mettre au jour les contours mélodiques, portés par les syllabes accentuées des groupes accentuels, unités minimales de l'assemblage hiérarchique ; ces contours indiquent une relation de dépendance entre groupes accentuels (Martin 2009, 2016).

[23] Il est important d'insister sur le fait que, sur la simple base écrite, 4 exemples d'interrogative directe in situ qui suivent ci-dessous auraient pu être interprétés comme des enchâssées, ce qui aurait donc doublé les occurrences. À la simple écoute, certains énoncés se laissent facilement départager, mais des hésitations subsistant (est-ce davantage la longueur de la pause entre les deux parties d'énoncé qui permet de trancher entre les deux statuts, ou plutôt la courbe intonative ?), l'analyse intonative a permis de trancher.

[24] L'analyse effectuée avec le concours de Philippe Martin a ainsi permis de poser que c'est le contour mélodique sur le mot interrogatif qui révèle les deux types de statut : son caractère statique ou descendant révèle le caractère enchâssé de l'interrogative indirecte in situ, tandis que le contour mélodique montant indique l'interrogative directe in situ, en principale.

[25] Nous attestons pour l'interrogative indirecte in situ plusieurs types de contours, selon la complexité de la phrase en termes de groupes accentuels, c'est-à-dire de groupes de mots ne présentant qu'une seule syllabe accentuée, en position finale du groupe (seuls les contours Cdec et Cint terminant la principale) :

-

Cneu : un contour neutralisé, c'est-à-dire une variation mélodique légèrement montante ou descendante, mais inférieure au seuil de glissando20, donc perçue comme un ton statique ;

-

Cdec : un contour terminal conclusif déclaratif, atteignant la fréquence la plus basse de la phrase21 ;

-

Cint : un contour terminal conclusif interrogatif, atteignant la fréquence la plus haute de la phrase ;

-

Cris : un contour montant de variation supérieure au seuil de glissando, donc perçu comme un changement mélodique ;

-

Cfal : un contour descendant de variation supérieure au seuil de glissando, donc perçu comme un changement mélodique.

[26] On peut montrer que ces contours définissent des relations de dépendance 'à droite', donc un regroupement avec un ou plusieurs groupes accentuels terminés par un contour spécifique situé plus loin dans la phrase, selon les règles :

-

Cneu → {Cfal, Cris, Cdec, Cint} : Cneu indifféremment dépendant de Cfal, Cris, Cdec ou Cint ;

-

Cfal → {Cris, Cint} : Cfal dépendant de Cris, montant supérieur au seuil de glissando ou de Cint, terminal interrogatif ;

-

Cris → {Cdec} : Cris dépendant du contour terminal déclaratif Cdec.

Ces relations de dépendance définissent des regroupements hiérarchiques des groupes accentuels constituant la structure prosodique de la phrase. Cette structure est représentée sur les figures suivantes par une arborescence aux arbres orthogonaux, pour la différencier de la structure syntaxique de la phrase. Dans cette représentation, les flèches symbolisent les relations de dépendance entre contours.

[27] Ainsi, les figures suivantes révèlent les structures prosodiques déclaratives des interrogatives indirectes in situ (fig. 7 et 8) et en qu'est-ce que (fig. 9) :

Figure 7 : [moi je sais pas c'est quoi sa personnalité je la connais pas assez bien] (unine 15-101) : deux structures prosodiques déclaratives successives (Cdec)

Figure 8 : [pis elle m'a dit c'est quoi] (unine 15-926) : structure prosodique déclarative (Cdec)

Figure 9 : [je sais pas qu'est-ce que je cherche en fait] (unine 09-ava) : structure prosodique déclarative (Cdec)

[28] À l'inverse, pour l'interrogative directe in situ, l'intonation est systématiquement montante sur le mot interrogatif (respectivement profils Cris et Cint dans les figures ci-dessous) :

Figure 10 : [je dis c'est quoi ça pis stöck] (unine 17-001) : structure prosodique Cris (montant)

Figure 11 : [je vais regarder c'est quoi] (unine 15-003) : structure prosodique interrogative (Cint)

5 Conclusion

[29] Ainsi, malgré le petit nombre d'attestations22, l'étude des interrogatives indirectes non-standard s'est ici révélée fructueuse : 4 structures in situ et 18 en qu'est-ce que/qui ont permis d'asseoir l'attestation des deux structures dans le français suisse, tous cantons et locuteurs confondus. La structure en qu'est-ce que/qui se révèle bien plus amplement installée que celle in situ (comparée à l'étude à La Réunion, où la tendance inverse était attestée). Enfin, l'analyse prosodique a permis d'identifier le profil typique de la structure in situ, ce qui permettra une identification dans les futurs corpus. Cette analyse indique ainsi le caractère indispensable de l'accès au son, et à la transcription alignée, sans lequel les données restent non décidables (rappelons que nous sommes passée de 8 cas plausibles à 4 cas d'interrogative indirecte in situ sûrement identifiés à l'aide du profil intonatif particulier).

[30] D'autres études portant sur la variation syntaxique dans le corpus OFROM ont déjà fait ce même constat : ainsi, Avanzi, Béguelin et Diémoz (2016) n'attestent que 1023 occurrences de divers traits24 pourtant fort bien identifiés. Mais il est à rappeler que la variation syntaxique constitue une petite part des traits en variation (à côté de la phonétique et du lexique), et que l'apparition de certaines structures est directement tributaire du genre de discours ; les interrogatives indirectes se révèlent de fait assez peu attestées dans les conversations du corpus OFROM (cf. note 12). Plus largement, les tournures syntaxiques courantes dans les conversations de tous les jours ne se retrouvent pas forcément représentées dans les corpus oraux (Cappeau & Gadet 2007). Ainsi donc, le fait d'avoir attesté 22 structures non-standard, malgré les faibles occurrences, a permis d'asseoir leur présence au sein du français romand, même pour les quelques 4 occurrences de la structure in situ.

[31] Le corpus OFROM a ainsi permis d'étudier les interrogatives indirectes non-standard, et d'établir un profil intonatif pour l'identification des interrogatives indirectes in situ. L'enrichissement de la base en locuteurs, et en genres ordinaires diversifiés permettra d'amplifier l'étude de la variation syntaxique dans l'excellent corpus de référence (Habert 2000) qu'est d'ores et déjà pleinement le corpus OFROM. Il sera intéressant d'approfondir les facteurs sociologiques que Quillard (2001) avait pu attester : ainsi, l'âge, avec un contraste entre les -35 ans et les +35 ans (60% d'in situ vs 40%), et la catégorie socio-professionnelle, avec un contraste entre les catégories moins élevées et la plus élevée (50 à 65% vs 45%), combinés avec les facteurs d'études et de langue première qui ont été pointés ici.

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Annexe : Exemples des deux structures interrogatives non-standard

Interrogative indirecte in situ

comme dans les jeux | _ | télévisés là pis | _ | posaient la question c'était quoi | (unine 15-909)

le truc euh au poisson là | _ | _ | je t'ai dit c'est quoi pis tu m'as dit c'est une sauce (unine 15-926)

oui mais le problème c'est que moi je sais pas | _ | c'est quoi > sa personnalité > je la connais pas assez bien (unine 15-101)

pis elle m'a dit c'est quoi (unine 15-101)

Interrogative indirecte en qu'est-ce que/qui

je je savais pas exactement qu'est-ce que je voulais faire c'est là qu'on a eu un | _ | c'était la la fête de jeunesse au mois de mai pis y a le (unifr 11-cmc)

je pense que au fond il recherche qu'est-ce qu'il veut être lui-même (unine 08-cga)

je sais je sais pas d'où ça vient | _ | je sais pas si c'est parce qu'ils ont l'autorité ou pas | _ | je sais pas qu'est-ce que je cherche en fait |_ (unine 09-ava)

et pis quand je lui demande qu'est-ce qu'elle a | % | elle a comme elle a tout d'un coup elle a pensé à ce qui s'est passé dans la journée avec une copine avec euh (unine 11-scb)

je sais pas je peux pas te dire qu'est-ce que je perçois dans cet accent (unine 13-hma)

mh mh | finalement quand ils sont là | _ | mh mh | _ | à à nous de voir qu'est-ce qu'on veut hein je pense c'est quand même bien que ça soit |_ (unine 15-006)

ah mais si tu veux préparer un projet faut quand même savoir qu'est-ce que tu dois mettre dans le projet non (unine 15-026)

je peux plus te dire qu'est-ce qu'elle disait mais je me souviens d'avoir entendu ouais (unine 15-048)

je ne sais plus qu'est-ce qu'y a eu mais y a eu un couac (unine 15-074)

on est une dizaine je crois pis j'ai dit mais dis-nous qu'est-ce qu'on doit amener (unine 15-090)

et pis voir qu'est-ce qu'ils allaient faire parce qu'ils font un peu de (unine 15-098)

ouais alors j'ai moi j'ai dit écoute c'est toi qui prends la décision | mh mh | _ | _ | moi je respecte qu'est-ce que tu veux | _ | oui | mais alors maintenant il f/ c'est fini |_ (unine 15-101)

y a pas besoin de savoir qu'est-ce que c'est qu'est-ce que (unine 15-105)

ça reste quand même une mais de voir qu'est-ce qu'on peut faire (unine 16-001)

ou je sais plus qu'est-ce qu'il avait mais (unine 16-008)

_| non c'est fermé le week-end le bloc | _ | je sais pas qu'est-ce qu'ils veulent fermer le week-end | ouais (unine 16-020)

| à l'é/ l'hiver surtout ben ma voisine elle | va débarquer pour voir qu'est-ce qui se passe euh (unine 15-076)

et je sais pas qu'est-ce qui a changé y a un truc qui a changé (unine 15-080)

* Nous tenons à remercier les deux relecteurs anonymes de Studia linguistica romanica qui nous ont permis d'améliorer notre écrit et d'ouvrir de nombreuses nouvelles pistes à venir. Tous nos remerciements aussi à Gilles Corminboeuf. Et toutes nos pensées à Federica Diémoz.

1 Knecht (1999 : ¶ 37) signale qu'il existe fort peu d'études spécifiques sur la variation syntaxique, d'autant plus que « l'enseignement ne tolère aucune liberté dans ce domaine, considéré plus que tout autre comme critère de correction. Aucune dynamique interne propice à des restructurations significatives ne peut se développer dans ces conditions ». Comme nous le verrons plus bas, il ne s'agit pas ici d'une restructuration significative, mais plutôt d'un maintien d'une forme attestée de longue date.

2 Communication personnelle de Federica Diémoz.

3 Le terrain étudié centralement dans cet article concerne La Réunion, par le corpus VALIRUN, et la Suisse, par le biais du corpus OFROM, mais aussi le Québec via le corpus FRAN (Martineau & Séguin 2016), ainsi que la Nouvelle Calédonie et l'Île Maurice par le corpus PFC.

4 Que ce soit des entretiens sociolinguistiques, des conversations, des SMS ou dans d'autres sources francophones (films, chansons …).

5 La transcription de la particule interrogative -tu/-ti avec une majuscule sert à la distinguer du pronom personnel -tu.

6 Le corpus PFC réunit de multiples enregistrements de toute la francophonie, dont La Nouvelle Calédonie et l'Île Maurice.

7 Il est à noter que les profils prosodiques des exemples (10) à (13) sont clairement ceux d'enchâssées (§ 4).

8 Avec le créole, ou l'anglais ou d'autres langues de contact, aucune d'entre elles ne disposant qui plus est de ladite structure qui viendrait influencer.

9 Le terrain breton où nous menons nos recherches depuis près de 10 ans atteste la structure de façon très vivace aussi (Ledegen & Blondeau, à paraître).

10 Anne Dister, communication personnelle.

11 Notons tout de même que Blanche-Benveniste (1997 : 41) classe la structure parmi « les fautes qui n'en sont plus ».

12 D'une durée totale de 355 minutes et 52 secondes, un peu moins de 6 heures (soit moins de 10% du corpus total de plus de 64 heures), chaque enregistrement durant entre 11 et 21 minutes. Ainsi, nous attestons 49 interrogatives indirectes sur 355 minutes, soit 1 interrogative indirecte toutes les 7 minutes, une forme rare, de fait, bien que le sous-corpus soit construit de façon orientée.

13 La différence constatée est significative statistiquement (p = 3,22E-05).

14 Le terme de français régional pour savoir à La Réunion.

15 Le mot interrogatif dans la forme qu'est-ce que/qui, est en effet uniquement que.

16 Les niveaux socio-éducatifs sont les suivants : niveau 1 : école obligatoire avec apprentissage plutôt technique ; niveau 2 : école obligatoire avec apprentissage plutôt bureau ; niveau 3 : maturité (i.e. 18 ans) ; niveau 4 : études universitaires (Racine & Andreassen 2012).

17 Le critère de l'âge n'a pu être étudié, faute d'informations à ce sujet pour les locuteurs concernés par notre sous-corpus.

18 Le rapport va de 2 non-standard + 1 standard à 1 non-standard + 8 standard.

19 Effectuée à l'aide du logiciel WinPitch LTL (Martin 2009, 2012).

20 Un seuil de perception relatif à la vitesse de changement de hauteur perçue (Rossi 1971).

21 Les contours conclusifs Cdec (C0 dans Martin 2016 : ¶ 26) et Cint sont assez faciles à identifier perceptivement, puisqu'en isolant par un éditeur de signal un segment de parole se terminant par Cdec ou Cint, l'auditeur ne s'attend pas une suite qui terminerait l'énoncé (d'où le terme terminal conclusif).

22 Les structures étudiées ici sont pareillement fort peu attestées dans le Swiss SMS Corpus consulté en octobre 2019 : ainsi, aucune occurrence d'interrogative indirecte in situ et une seule (probable) attestation d'interrogative indirecte en qu'est-ce que :
Hola Suzette, como estas ? :-) Dis tu pourrais juste me dire alors qu'est-ce que c'est que cette "attitude normative" envers le langage en sociolinguistique stp ?? Et le texte de Labov, on l'aura quand environ ?! Merci ! Bon WE ! Becs becs (Swiss SMS Corpus, locuteur 958, SMS 20354)

23 Dont 7 passés surcomposés.

24 Antéposition de personne (j'ai personne vu), passé surcomposé en principale, le pronom neutre y (j'y veux), certaines valences verbales (aider à quelqu'un, demander après quelqu'un) … (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2016 : ¶ 38-44).