Phraséologie et genres textuels

Une étude pilote dans le roman médiéval autour des verbes mettre et donner

Phraseology and textual genres

A pilot study of the verbs mettre and donner in French medieval romance

Julie Sorba, Corinne Denoyelle

Univ. Grenoble Alpes (Grenoble, France)

julie.sorba@univ-grenoble-alpes.fr, corinne.denoyelle@univ-grenoble-alpes.fr

https://orcid.org/0000-0002-2044-3525, https://orcid.org/0000-0002-4637-3246

Reçu le 15/7/2022, accepté le 18/11/2022, publié le 5/4/2023 selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

Pour citer cet article

Sorba, Julie, Corinne Denoyelle 2023. Phraséologie et genres textuels. Une étude pilote dans le roman médiéval autour des verbes donner et mettre. Studia linguistica romanica 2023.9, 24-46. https://doi.org/10.25364/19.2023.9.2.

Résumé

Dans cet article, nous postulons le caractère structurant des unités phraséologiques dans la caractérisation des genres textuels. Notre approche s'inscrit dans le cadre de la linguistique de corpus outillé. Le corpus analysé ici est constitué de textes en ancien français (13e siècle) relevant de différents genres textuels (roman en prose, roman en vers, chroniques). La complexité de la question du genre textuel, au Moyen Âge, comme aujourd'hui, nous conduit à explorer la piste de la caractérisation d'un genre au moyen des unités linguistiques récurrentes qui s'y trouvent. Notre objectif est de proposer une méthodologie pour discriminer des spécificités génériques dans les fictions narratives médiévales. Une étude pilote sur les phraséologismes construits autour des verbes donner et mettre (employés dans leur sens plein ou comme verbe support) nous permettra de distinguer le sous-corpus des romans en prose du sous-corpus de contraste.

Abstract

In this article, we postulate the structuring character of phraseological units when characterizing textual genres using corpus linguistics. The corpus analyzed here consists of texts in Old French (13th century) belonging to different textual genres (prose novel, verse novel, chronicles). The complex issue of textual genre, in the Middle Ages as well as today, leads us to explore the possibility of characterizing a genre by the recurrent linguistic units it contains. Our aim is to propose a methodology to discriminate generic particularities in medieval narrative fictions. A pilot study on phraseological units built around the French verbs donner and mettre (used with their full meanings or as auxiliary verbs) will allow us to distinguish the prose novel sub-corpus from the contrast sub-corpus.

Sommaire

1 Introduction
2 Cadre théorique
2.1 La phraséologie et ses unités
2.2 La question du genre textuel
3 Méthodologie et corpus d'étude
3.1 Présentation du corpus d'étude
3.2 Méthodologie de collecte des données
4 Résultats
4.1 Les unités phraséologiques construites autour du verbe donner
4.1.1 Donner comme verbe support
4.1.1.1 Donner + (det) coup(s)
4.1.1.2 Donner + Yaffect
4.1.2 Donner comme verbe au sens plein
4.1.2.1 Donner + Yrichesse
4.1.2.2 Donner + Yépouse
4.2 Les unités phraséologiques construites autour du verbe mettre
4.2.1 Mettre comme verbe au sens plein
4.2.1.1 X mettre Yarme + locatif
4.2.1.2 X mettre la main à l'épée
4.2.2 Mettre comme verbe support
4.2.2.1 X mettre Y en/à Zdanger
4.2.2.2 X mettre Y en la voie/chemin (y compris X = Y)
4.2.2.3 X mettre Y en Zaffect
5 Conclusion
Abréviations et références bibliographiques

1 Introduction

[1] Notre contribution s'inscrit dans le cadre d'un projet de recherche1 dont l'objectif est de contraster les genres textuels entre eux en étudiant des unités linguistiques spécifiques, les phraséologismes, qui s'y trouvent (Denoyelle & Sorba 2020). En effet, à l'instar de Siepmann (2015, 2016), nous postulons que la littérarité d'un texte réside dans la nature linguistique des séquences lexico-grammaticales qui s'y rencontrent et que la surreprésentation statistiquement significative d'unités phraséologiques joue un rôle dans la construction littéraire du texte. En faisant nôtre la formule de Sinclair (1991 : 100) qui veut que « The language looks rather different when you look at a lot of it at once », nous inscrivons notre étude dans le cadre de la linguistique de corpus outillée.

[2] Nous avons donc choisi de traiter cette question de recherche au sein d'un corpus de textes français du 13e siècle (stade linguistique dit de l'ancien français). Nous proposons de contraster des romans en prose avec d'autres textes de cette même période mais relevant de genres textuels différents (chroniques, romans en vers). Afin de mener à bien cette tâche, nous avons choisi d'étudier les unités phraséologiques construites autour des deux verbes doner 'donner' et metre 'mettre'2. Nous exposerons notre cadre théorique (§ 2) avant d'expliquer ce qui nous a conduit à choisir ces deux verbes et les principes méthodologiques que nous avons suivis pour cette étude (§ 3). Les résultats seront ensuite présentés dans § 4.

2 Cadre théorique

[3] Dans cette première partie, nous présentons le cadre théorique dans lequel s'inscrit notre étude linguistique. Nous y définissons le champ de la phraséologie et ses unités (§ 2.1) ainsi que la notion complexe de genre textuel (§ 2.2).

2.1 La phraséologie et ses unités

[4] Le terme phraséologie désigne le champ de recherche qui étudie les séquences perçues comme préconstruites, soit, selon les mots de Grossmann, Mejri & Sfar (2017 : 7), « la congruence à la fois syntaxique et sémantique qui lie les unités lexicales entre elles pour donner lieu à des unités polylexicales qui se distinguent par une fixité d'emploi conditionnant leur fonctionnement interne et leur combinatoire externe ». Nous nommons phraséologismes ou unités phraséologiques ces séquences. Nous complétons cette définition lexico-syntaxique par celle de Gries (2008 : 6) qui y intègre un paramètre statistique et ouvre la possibilité d'ajout d'éléments linguistiques de nature variée au noyau :

In sum, a phraseologism is defined as the co-occurrence of a form or a lemma of a lexical item and one or more additional linguistic elements of various kinds which functions as one semantic unit in a clause or sentence and whose frequency of co-occurrence is larger than expected on the basis of chance.

[5] Le paramètre statistique est essentiel dans notre approche de la phraséologie et de ses unités car nous considérons la co-occurrence, à la suite de Viprey (2006), comme un aspect central de la textualité. La récurrence est constitutive de la définition d'une unité phraséologique et son repérage s'opère aux moyens de calculs statistiques (voir par exemple Hausmann & Blumenthal 2006 sur les collocations).

[6] De plus, en étudiant l'interrelation entre unités phraséologiques et genres textuels, nous nous inscrivons dans le cadre de la « phraséologie étendue » pour reprendre les mots de Legallois & Tutin (2013 : 3) :

La phraséologie intègre désormais des objets d'étude très variés, allant des collocations aux séquences discursives en passant par la parémiologie, ou encore, les schémas syntaxiques. Les approches proposées s'étendent maintenant au-delà des disciplines traditionnelles de la lexicologie, de la syntaxe et de la sémantique, et abordent largement la linguistique du discours, la psycholinguistique ou la linguistique informatique. Les objets de la phraséologie, autrefois perçus comme des anomalies ou des exceptions, deviennent maintenant des éléments centraux dans les modèles linguistiques où la notion de principe phraséologique du langage se développe.

[7] Nous considérons donc que les patrons lexico-syntaxiques3 récurrents construits autour des deux verbes choisis pour cette étude sont susceptibles de fournir des éléments pertinents pour la caractérisation générique de ces textes.

2.2 La question du genre textuel

[8] Comme tout locuteur met en œuvre une compétence cognitive qui se manifeste par une intuition pour catégoriser les différentes productions auxquelles il est exposé, le classement générique est certainement l'un des tout premiers auquel procèdent les locuteurs d'une même communauté discursive (van Dijk 1972). Selon Bronckart (1997), les unités linguistiques qui y sont empiriquement observables sont, en définitive, le seul critère aisément objectivable pour opérer ce classement. C'est pourquoi nous avons choisi de mettre en œuvre une approche linguistique pour caractériser les genres textuels.

[9] À l'instar de Kerbrat-Orecchioni (1980 : 170), nous considérons que le terme genre dénote

un 'artefact', un objet construit, par abstraction généralisante, à partir de ces objets empiriques que sont les textes, qui ne sont jamais que des représentants impurs de tel ou tel genre […]. Tout genre se définit comme une constellation de propriétés scientifiques […] qui relèvent d'axes distinctifs hétérogènes (syntaxiques, sémantiques, rhétoriques, pragmatiques, extralinguistiques, etc. [...]

Nous posons donc que les unités phraséologiques sont l'une des étoiles de cette 'constellation'.

[10] Par ailleurs, nous considérons le genre comme « une détermination du sens (un actualisateur du signe linguistique) » (Bouquet 2004 : 7) et un « cadre » (Adam 2011 : 17), responsable d'opérations descendantes de sélection et d'agencement de différentes unités linguistiques. Ce qui signifie que l'appartenance d'un texte à un genre conditionne les variations lexicales, morphosyntaxiques et discursives qui s'y trouvent en comparaison avec d'autres genres (cf. notamment Malrieu & Rastier 2001 ; Stubbs & Barth 2003 ; Sorba 2022). Ainsi, notre objectif est de mettre en lien les unités phraséologiques récurrentes avec un genre textuel spécifique.

[11] L'acuité de cette question du genre est d'autant plus vive pour le Moyen Âge qu'il semble difficile de classer les textes à partir des catégories médiévales. En effet, les étiquettes ont longtemps semblé distribuées aléatoirement, comme l'affirmait Zumthor (1972 : 201) : « Les hommes du Moyen Âge […] possédèrent un vocabulaire 'littéraire' fait de bric et de broc et d'usage assez banal que l'absence de toute réflexion théorique sur la poésie empêcha sans doute de prendre consistance ». Le classement par genre des textes médiévaux s'est donc fait à posteriori avec toutes les difficultés liées au regard rétrospectif : poser des étiquettes construites à partir de la littérature postérieure, s'étonner de la multitude de textes 'hybrides' ou n'entrant pas ou mal dans ces catégories et discuter à l'infini des appellations de dit, conte, fables, fabliaux, lais vs. roman, geste, histoire, etc.

[12] La question des genres médiévaux a été profondément renouvelée par la recherche sur les recueils manuscrits (Busby 2022). Les regroupements d'œuvres dans les manuscrits manifestent en effet un vrai principe d'organisation, que ce soit une cohérence générique (chansons de geste, romans, textes brefs) ou d'intention (textes comiques, textes édifiants) (Gingras 2010). Notre objectif de recherche, quoiqu'il ne repose pas sur la description des codex, s'accorde avec cette vision des choses : bien que nous semblant parfois confuse, une classification générique existe au Moyen Âge et nous proposons d'aller la chercher à l'intérieur des textes eux-mêmes, dans les réflexes de l'écriture. Afin d'apporter une contribution originale à la recherche sur les genres médiévaux, nous avons choisi l'entrée phraséologique. Nous postulons que le choix des expressions polylexicales qui structurent les textes est contraint par une conception générique de la littérature vernaculaire contemporaine.

3 Méthodologie et corpus d'étude

3.1 Présentation du corpus d'étude

[13] Pour cette étude pilote, qui s'inscrit dans le cadre d'un projet actuellement en cours visant la constitution d'un grand corpus de romans de chevalerie, nous avons choisi un échantillon de textes pour montrer la pertinence de la méthodologie mise en œuvre. Le corpus de ce travail est ainsi composé de deux sous-corpus plutôt équilibrés : le sous-corpus d'étude (romans en prose, 315960 tokens) et le sous-corpus de contraste (225821 tokens) dont nous présentons le détail dans le tableau 1 ci-dessous :

Texte

Tokens

Genre et datation

Sous-corpus d'étude

315960

Tristan (tome 3) (Tr3)

133714

Roman en prose (13e siècle)

Lancelot (tome 2) (La2)

138606

Roman en prose (13e siècle)

Queste del saint Graal (extrait) (Gra)

43658

Roman en prose (13e siècle)

Sous-corpus de contraste

225821

Histoire ancienne jusqu'à César (extrait) (Ha)

35234

Chroniques (13e siècle)

Le roman de silence (Sil)

18534

Roman en vers (13e siècle)

Jehan et Blonde (Jeh)

42944

Roman en vers (13e siècle)

Tristan (Béroul) (Ber), Yvain (Yv), Aucassin et Nicolette (Auc), Le roman de la rose (extrait) (Ros), La conquête de Constantinople (CC)

129109

Romans en vers, chantefable, essai en vers, chronique (fin 12e siècle - 13e siècle)

Tableau 1 : Présentation du corpus de l'étude

[14] Pour le sous-corpus d'étude (romans arthuriens en prose), nous avons sélectionné trois textes : le tome 3 du Tristan, le tome 2 du Lancelot et un extrait de la Queste del saint Graal. Le sous-corpus de contraste est composé de deux genres textuels : (i) le roman en vers avec Jehan et Blonde4 de Philippe de Rémi, Le roman de silence de Heldris de Cornuälle et quatre textes issus du Syntactic reference corpus of medieval French (Prévost & Stein 2013) : le Tristan de Béroul, Yvain de Chrétien de Troyes, Aucassin et Nicolette (chantefable), Le roman de la rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung (la partie sélectionnée est de l'ordre de l'essai) ; (ii) la chronique avec La conquête de Constantinople de Robert de Clari et l'Histoire ancienne jusqu'à César5. Le corpus de contraste sera prochainement diversifié sur le plan générique en y intégrant d'autres formes narratives médiévales (chansons de geste, fabliau, lai, etc.) pour permettre une meilleure représentativité.

3.2 Méthodologie de collecte des données

[15] Tous les textes ont été traités par le lemmatiseur LGeRM (Souvay & Pierrel 2009). Grâce au concordancier, nous avons extrait les verbes ayant une fréquence supérieure à 70 occurrences dans le sous-corpus d'étude et dotés d'un sens plein (aidier, aimer, commencer, cuidier, doner, metre, porter, trover). Nous avons choisi de partir d'un pivot verbal pour l'étude des constructions lexico-syntaxiques afin d'éviter les expressions purement référentielles. Au sein de ce premier ensemble de verbes, nous avons sélectionné les deux verbes donner et mettre qui en plus de leur sens plein (par exemple donner une épée ; mettre la main à l'épée) s'emploient aussi en tant que verbe support6 (par exemple donner des coups ; mettre en danger). Le choix de ces deux verbes a également été motivé par la possibilité d'une étude ultérieure en diachronie longue, ce qui exclut cuidier par exemple. Les autres verbes feront l'objet d'études spécifiques qui permettront de comparer les résultats obtenus dans cette première étude.

[16] Le dictionnaire Godefroy (1880-1895) répertorie un plus grand nombre d'acceptions pour le verbe mettre que pour le verbe donner :

-

doner 'donner' ;

-

metre, matre 'Act. dépenser, employer ; - Réfl. se mettre en quelqu'un ; - Act. donner en mariage ; - déposer ; -substituer ; - imputer ; - Neutr. gager, parier ; - mettre du temps, tarder  ; - avancer ; - établir ; - bâtir ; - engraisser ; - suspendre ; - Neutr. s'élancer, se précipiter ; etc.'.

Le verbe mettre apparait ainsi plus polysémique d'après une rapide consultation des outils lexicographiques.

[17] À la suite de Marchello-Nizia (1996 : 98), nous considérons que les verbes supports sont à l'origine de la constitution de « locutions présentant des singularités syntaxiques et sémantiques [qui] se structurent autour de ces verbes supports ». Ainsi, nous allons comparer, au sein des deux sous-corpus, les constructions lexico-syntaxiques où les verbes donner et mettre jouent le rôle de verbes supports avec celles dans lesquelles ils gardent leur sens plein.

[18] Le tableau 2 présente l'ensemble des données sur lesquelles porte notre étude :

donner

mettre

Sous-corpus d'étude

Lancelot (La2)

125 occ.

247 occ.

Tristan (Tr3)

152 occ.

364 occ.

Queste del saint Graal (Gra)

28 occ.

111 occ.

Total

305 occ.

722 occ.

Sous-corpus de contraste

Le roman de silence (Sil)

69 occ.

94 occ.

Jehan et Blonde (Jeh)

73 occ.

135 occ.

Tristan (Béroul) (Ber)

52 occ.

56 occ.

Aucassin et Nicolette (Auc)

40 occ.

86 occ.

Le roman de la rose (Ros)

37 occ.

98 occ.

Yvain (Yv)

141 occ.

592 occ.

Histoire ancienne jusqu'à César (Ha)

50 occ.

76 occ.

La conquête de Constantinople (CC)

107 occ.

127 occ.

Total

569 occ.

1264 occ.

Tableau 2 : Présentation des données de l'étude issues du concordancier LGeRM

[19] À la lecture du tableau 2, on constate que le verbe mettre est plus fréquent que donner dans les deux sous-corpus et ce dans des proportions sensiblement identiques (53 % et 57 %). Nous notons également que même si les deux sous-corpus sont relativement équilibrés en nombre de tokens, les deux verbes apparaissent presque deux fois plus dans le sous-corpus de contraste (1833 occ.) que dans le sous-corpus d'étude (1027 occ.).

[20] Afin de compléter notre approche des données et d'avancer dans notre projet de recherche plus global qui développe une approche corpus-driven7, nous avons entré dans notre outil de fouille textuel, le Lexicoscope, cinq textes du corpus de contraste (Aucassin et Nicolette, le Roman de la Rose, Tristan, Yvain, la Conquête de Constantinople). Le Lexicoscope est un outil d'extraction des séquences phraséologiques basé sur des corpus syntaxiquement arborés (Kraif 2016, 2019). La mesure d'association spécifique entre deux unités utilisée est le log likelihood ratio (LLR). Les requêtes formulées dans le Lexicoscope permettent d'extraire les arbres lexico-syntaxiques récurrents (Tutin & Kraif 2016) dont la figure 1 propose un exemple à partir du pivot mettre dans l'extrait de Aucassin et Nicolette (XXXII, p. 32) : « Oie, fait il, volentiers. » Et Aucasssins met le main a l'espee si se lance en mi ax si conmence a ferir a destre et a senestre et s'en ocit molt [...] :

Figure 1 : Arbre lexico-syntaxique récurrent à partir du pivot mettre

[21] La figure permet de visualiser les relations syntaxiques attribuées automatiquement aux différentes unités de la phrase : Aucassins est sujet (SjPer) de met, main en est l'objet (Obj) et espee le complément indirect (Cmpl) tandis que le et l' sont des déterminants (ModA)8. Ces informations guident ainsi l'analyse des unités phraséologiques dans le corpus. À terme, tous les textes du corpus seront intégrés au Lexicoscope. Nous avons ainsi pu recueillir des données supplémentaires sur la combinatoire lexico-syntaxique des deux verbes donner et mettre dans ces cinq textes afin d'enrichir la présentation de nos premiers résultats.

4 Résultats

[22] Nous avons organisé la présentation des résultats en distinguant, à un premier niveau, les unités phraséologiques construites autour du verbe support de celles construites à partir du verbe avec son sens plein. Ensuite, le classement proposé est affiné en répartissant les compléments des verbes selon la classe d'objets dont ils relèvent. C'est à partir de l'actant Y, qui désigne ce qui est donné ou ce qui est mis, que nous pouvons constater des variances significatives selon les genres.

4.1 Les unités phraséologiques construites autour du verbe donner

4.1.1 Donner comme verbe support

[23] Lors de l'observation des données, deux unités phraséologiques sont apparues comme particulièrement saillantes : la construction donner + (det) coup(s) (§ 4.1.1.1) et le patron lexico-syntaxique donner + lexie d'affect (§ 4.1.1.2).

4.1.1.1 Donner + (det) coup(s)

[24] L'unité phraséologique la plus courante relève du lexique guerrier donner + (det) coup(s). Elle correspond à l'univers thématique de référence du roman de chevalerie. On la trouve dans près d'un quart des occurrences du sous-corpus d'étude et très peu (2 %) dans le sous-corpus de contraste. Le Lexicoscope indique que le collocatif coup est le plus spécifique du verbe donner dans Lancelot (LLR 199,34).

Tr3

La2

Gra

Yv

CC

Ha

Ros

Auc

Ber

Sil

Jeh

42

35

2

5

0

1

0

0

0

2

3

27 %

28 %

7 %

10 %

0

2 %

0

0

0

3 %

4 %

Sous-corpus d'étude : 79 occ.

Sous-corpus de contraste : 11 occ.

Tableau 3 : Répartition des occurrences de donner + (det) coup(s) dans les deux sous-corpus

[25] Cette séquence phraséologique peut s'analyser en quatre arguments : deux actants humains (X donne un coup à Y) ; un argument locatif (L) qui désigne la partie frappée (le heaume, l'écu, la tête), un argument de l'objet (Z) avec lequel on porte le coup (l'épée) :

(1)

Lancelot, LXVI, 26

si cort sus al chevalier molt viguerosement et li (Y) done (X) grans cops de l'espee (Z) par mi le hialme (L)

'Il s'élance alors avec une grande force vers le chevalier et lui donne de grands coups d'épée sur le heaume.'9

(2)

Tristan, § 718, p. 42

Mes ce voient il bien apertement que Lanceloz (X) done uns cops si granz et si pesanz que merveilles estoit coment li chevaliers dou pont les pooit sostenir ne endurer.

'Mais ils se rendent bien compte que Lancelot lui donne un coup si grand et si violent qu'on peut se demander comment faisait le chevalier du pont pour y résister et le supporter.'

Dans l'exemple (1), la structure réalise en surface les quatre arguments mais on peut aussi la rencontrer avec ellipse des trois autres arguments comme dans l'exemple (2). L'importance de cette séquence dans les romans de Chrétien de Troyes avait déjà été remarquée par Chaurand (1983 : 22) qui note que « [doner] a acquis une suprématie incontestable comme verbe support de coup ». Cette construction est typique des scènes de combat qui caractérisent les univers fictionnels chevaleresques, qu'il s'agisse des romans de chevalerie comme ici ou des chansons de geste où elle s'insère dans une séquence discursive figée qui constitue un motif récurrent (Rychner 1955 ; Martin 1987). Ainsi, elle permet de caractériser le sous-corpus des romans en prose par rapport au sous-corpus de contraste. Néanmoins, à l'intérieur du premier ensemble, la Queste del saint Graal se distingue par son nombre plus faible d'occurrences que les deux autres (Lancelot et Tristan) alors que cette œuvre appartient à la même suite romanesque du Lancelot-Graal, dans une perspective religieuse qui lui est toutefois propre. Une étude ultérieure nous permettra de confronter les réalisations discursives et narratives de cette séquence dans les romans en prose dont la syntaxe est contrainte par des enchaînements stricts de thèmes à prédicat (Rychner 1970) et dans les chansons de geste qui reposent sur un emploi formulaire du décasyllabe dans une syntaxe beaucoup plus paratactique.

4.1.1.2 Donner + Yaffect

[26] Une autre unité phraséologique courante se rencontre sous la forme du patron lexico-syntaxique donner + Yaffect. Elle apparait plus fréquemment dans le sous-corpus d'étude (16 %) que dans le sous-corpus de contraste (10 %) mais la différence entre les deux sous-corpus est moins marquée que précédemment.

Tr3

La2

Gra

CC

Ha

Yv

Ros

Auc

Ber

Sil

Jeh

47

9

3

0

2

7

1

0

6

13

11

19 %

9 %

11 %

0

4 %

15 %

9 %

0

18 %

19 %

15 %

Sous-corpus d'étude : 59 occ.

Sous-corpus de contraste : 40 occ.

Tableau 4 : Répartition des occurrences de donner + Yaffect dans les deux sous-corpus

[27] Dans les romans en prose, on constate une grande variété de la lexie d'affect en position Y (joie, bone grace, charité, amor, corage, bone aventure, enui, etc.) :

(3)

Tristan, § 767, p. 82

Totevoies me donoit mes cuers hardement (Y) de combatre encontre vos et me donoit esperance et seürté (Y) que je venquisse ceste bataille.

'Cependant mon cœur me donnait le courage de combattre contre vous et me donnait l'espérance et la certitude que je gagnerai ce combat.'

Cet emploi de donner correspond à une autre série repérée par Chaurand (1983) qui est particulièrement fréquente dans les paroles de personnages. En effet, cette séquence se rencontre dans des constructions votives au subjonctif employées soit dans des actes de langage phatiques, soit dans des actes de langage directifs où elle renforce une question ou un ordre de dire (Denoyelle & Sorba 2020). Dans les cas d'affects positifs, c'est généralement Dieu qui est en position de donneur :

(4)

Lancelot, XLV, 3

que Diex vos doinst hui honor et joie (Y).

'Que Dieu vous donne aujourd'hui honneur et joie.'

Cette construction au subjonctif est caractéristique des dialogues romanesques et de ce fait, elle est assez bien représentée dans tous les romans de notre corpus. Elle contribue à créer des univers de fiction dans lesquels les personnages manifestent une réelle sociabilité. De ce fait, on peut s'étonner de ne pas la trouver dans Aucassin et Nicolette. On sera moins surpris de constater sa quasi-absence dans les chroniques qui s'attachent beaucoup moins à la représentation mimétique des paroles de personnages.

4.1.2 Donner comme verbe au sens plein

[28] Dans ce second ensemble, donner est un verbe dont le sémantisme traduit le don d'un objet concret. L'observation des données nous a permis de distinguer sémantiquement deux catégories de complément Y : les lexies dénotant des richesses (§ 4.1.2.1) et celles désignant une (future) épouse (§ 4.1.2.2).

4.1.2.1 Donner + Yrichesse

[29] Dans le patron lexico-syntaxique donner + Yrichesse, la classe d'objets transmis n'est pas liée à l'univers de référence du roman de chevalerie. Elle témoigne plus généralement des pratiques d'échange de la société médiévale.

Tr3

La2

Gra

CC

Ha

Ros

Auc

Ber

Sil

Jeh

Yv

11

34

2

10

16

3

7

6

23

23

8

7 %

27 %

7 %

71 %

32 %

27 %

53 %

18 %

33 %

31 %

17 %

Sous-corpus d'étude : 47 occ.

Sous-corpus de contraste : 96 occ.

Tableau 5 : Répartition des occurrences de donner + Yrichesse dans les deux sous-corpus

[30] Ce patron lexico-syntaxique est sous-représenté dans le corpus d'étude (14 %) par rapport au corpus de contraste (35 %). Au sein de ce dernier, il apparaît surtout dans les romans en vers qui ne relèvent pas du domaine arthurien ou tristanien et, tout particulièrement, dans les chroniques (51 %) :

(5)

Tristan (Béroul), v. 1912-1913

Tant te dorrai or et argent (Y) / Con tu voudras, je l'afi toi.

'Je te donnerai autant d'or et d'argent que tu voudras, je te le promets.'

(6)

Aucassin et Nicolette, X, p. 11

Vos ne me sarés ja demander / or ni argent, cevaus ne palefrois ne vair ne gris, ciens ne oisiax (Y) que je ne vos doinse.

'Vous ne me demanderez ni or ni argent, ni chevaux, ni palefrois, ni fourrure de vair ou de petit gris, ni chiens ni oiseaux que je ne puisse vous donner.'

Ces deux exemples témoignent de la grande variété dans les lexies désignant les richesses en position de Y (richesse, épée, argent, haume, segnorie, terre, dons, copes d'or, vile, joiaus, palefroi, anel, roialme, etc.).

4.1.2.2 Donner + Yépouse

[31] Dans le second patron lexico-syntaxique particulièrement saillant, le verbe donner est complémenté par une lexie dénotant la personne qui va être épousée (fille, seror, feme, parente, N propre, etc.). Cette dernière construction témoigne également d'une pratique sociale et politique dans la société médiévale non spécifique à l'univers de référence du roman de chevalerie en prose.

Tr3

La2

Gra

CC

Ha

Ros

Auc

Ber

Sil

Jeh

Yv

4

2

0

2

15

0

1

4

4

3

2

2 %

1 %

0

14 %

30 %

0

7 %

12 %

5 %

4 %

4 %

Sous-corpus d'étude : 6 occ.

Sous-corpus de contraste : 31 occ.

Tableau 6 : Répartition des occurrences de donner + Yépouse dans les deux sous-corpus

[32] Ce patron est nettement sous-représenté dans le sous-corpus des romans en prose (1 %) par rapport au corpus de contraste (10 %). Au sein de ce dernier, cette séquence phraséologique est particulièrement caractéristique des chroniques dans lesquelles elle renvoie aux enjeux des alliances politiques comme dans l'exemple suivant :

(7)

La conquête de Constantinople, XIX, p. 72

Et par le conseil des Franchois qui entor lui estoient si manda a Phelippom le roi de Franche qu'il li donnast se sereur (Y) avec sen fil.

'Et sur le conseil des Français qui formaient sa cour, il informa Philippe, le roi de France qu'il voulait donner sa sœur comme épouse à son fils.'

Moins concernés par les politiques matrimoniales, les romans chevaleresques présentent moins d'occurrences de ces constructions mais celles-ci sont néanmoins attestées dans les romans en vers :

(8)

Aucassin et Nicolette, II, p. 2

Et si tu fenme vix avoir je te donrai le file (Y) a un roi ou a un conte.

'Si tu veux avoir une femme, je te donnerai la fille d'un roi ou d'un comte.'

[33] Parmi les quatre unités phraséologiques saillantes repérées dans notre corpus avec le verbe donner, il apparait que les deux construites avec le verbe support se présentent comme plus caractéristiques du roman en prose (donner + (det) coup(s) ; donner + Yaffect). En revanche, les deux patrons lexico-syntaxiques les plus fréquents construits autour du sens plein du verbe donner (donner + Yrichesse ; donner + Yépouse) sont sous-représentés dans les romans en prose quand on les compare au sous-corpus de contraste. Ainsi, nous observons une différence au sein des genres textuels : là où les romans chevaleresques, en particulier en prose, mettent en scène leurs personnages dans des combats (donner des coups, donner de la joie, etc.), les chroniques privilégient une logique de dons matériels (donner des richesses) ou d'alliance matrimoniale (donner une épouse). L'emploi des unités phraséologiques récurrentes construites autour du verbe donner apparaissent vraiment au service de l'univers thématique du genre textuel considéré.

4.2 Les unités phraséologiques construites autour du verbe mettre

[34] Le verbe mettre connait une plus grande diversité d'emplois qu'il soit utilisé comme verbe de sens plein (§ 4.2.1) ou verbe support (§ 4.2.2). Nous étudierons ici cinq unités phraséologiques statistiquement saillantes.

4.2.1 Mettre comme verbe au sens plein

[35] Le verbe mettre est d'abord utilisé essentiellement comme un verbe de sens plein, soit pour placer un objet dans tel lieu ou telle situation (par exemple mettre son épée dans son fourreau) soit pour placer une personne dans tel lieu ou telle situation (par exemple mettre une personne en danger).

4.2.1.1 X mettre Yarme + locatif

[36] Les principaux objets que l'on manipule dans les romans de chevalerie sont les armes : soit qu'on les range dans un fourreau ou qu'on les pose à côté de soi, soit qu'on les mette en position d'attaque, son écu à son cou, sa lance sous son bras, son heaume sur sa tête. Il n'est ainsi pas surprenant de rencontrer le verbe mettre complémenté par un nom d'armes (épée, écu, glaive, lance, heaume) au sein d'un patron lexico-syntaxique X mettre Yarme + locatif.

Tr3

La2

Gra

CC

Ha

Ros

Auc

Ber

Sil

Jeh

Yv

10

42

11

0

1

0

0

2

1

5

1

2,7 %

17 %

10 %

0

1,3 %

0

0

7,4 %

1 %

3,7 %

2 %

Sous-corpus d'étude : 63 occ.

Sous-corpus de contraste : 10 occ.

Tableau 7 : Répartition des occurrences de mettre + Yarme + locatif dans les deux sous-corpus

[37] L'unité phraséologique est nettement caractéristique du roman en prose (10 %) par rapport au corpus de contraste (2 %). En effet, la construction X mettre Yarme sur soi ou à côté de soi scande le texte dans les nombreuses scènes de joute qui se succèdent, dans la préparation de celles-ci (sortir ses armes, les mettre en position) ou après celles-ci (ranger ses armes) et pendant le combat, elle culmine dans l'expression : mettre l'arme dans le corps de l'adversaire :

(9)

Lancelot, XXXVIII, 2

li uns saisit tantost l'escu par les enarmes et met le glaive sor l'aissele

'le premier saisit aussitôt son écu par ses courroies et place sa lance sous son bras.'

(10)

Lancelot, LIII, 11

Si s'entrefierent si durement que lor escus ne lor ont duree que tuit ne soient depecie et les haubers fausés as cops qu'i s'entredonent ; si se metent les fers es chars blanches.

'Ils se frappent si violemment que leurs écus ne résistent pas longtemps avant de tomber en pièce, que leurs hauberts ne soient fendus par les coups qu'ils se donnent, et ils enfoncent le fer dans leurs chairs blanches.'

(11)

Queste del saint Graal, p. 128

Lors reprent Lancelot s'espee, et la met ou fuerre

'Alors Lancelot reprend son épée et la remet au fourreau.'

Le locatif peut ainsi désigner soit la partie du corps que l'on blesse dans un combat singulier (exemple 10) soit celle où l'on place l'arme en position défensive ou offensive avant le combat (exemple 9) soit encore le lieu où on la range après le combat (exemple 11). La moindre importance de cette construction dans le sous-corpus de contraste est surprenante, notamment pour les chroniques dans lesquelles la narration des combats et des guerres aurait pu utiliser ces mêmes expressions, surtout dans l'Histoire ancienne jusqu'à César qui est complètement fictionalisée.

4.2.1.2 X mettre la main à l'épée

[38] Cette construction lexico-syntaxique, moins fréquente que les précédentes, domine nettement dans le corpus d'étude (4,5 %) par rapport au corpus de contraste (0,5 %).

Tr3

La2

Gra

CC

Ha

Ros

Auc

Ber

Sil

Jeh

Yv

13

9

7

0

0

0

2

0

0

0

0

3,6 %

3,6 %

6,3 %

0

0

0

4,5 %

0

0

0

0

Sous-corpus d'étude : 29 occ.

Sous-corpus de contraste : 2 occ.

Tableau 8 : Répartition des occurrences de X mettre la main à l'épée dans les deux sous-corpus

[39] Elle se situe dans la lignée du patron précédent car elle est aussi caractéristique de l'univers chevaleresque. En effet, cette expression constitue un signal narratif marquant le début d'une scène de joute :

(12)

Tristan, § 763, p. 78

Quant Lanceloz voit qu'il les a abatuz, il n'i fait autre delaiement, enz descent de son cheval et met la men a l'espee, et lor cort sus mout asprement.

'Quand Lancelot voit qu'il les a désarçonnés, il n'attend pas plus longtemps mais il descend de son cheval, se saisit de son épée et s'élance contre eux hardiement.'

(13)

Queste del saint Graal, p. 83

il met la main a l'espee et comence a departir granz coux amont et aval

'Il se saisit de son épée et commence à distribuer de grands coups de tous côtés.'

La construction présente un figement syntaxique, étant exclusivement employée au présent de l'indicatif. Elle amorce une séquence narrative bien balisée : après avoir mis ses armes sur lui, après avoir éventuellement jouté une première fois à la lance, le chevalier met la main à l'épée, court sur son adversaire et lui met l'épée à travers le corps.

4.2.2 Mettre comme verbe support

[40] Le verbe mettre entre aussi dans de nombreuses expressions dans lesquelles il perd son sémantisme concret et spatial au profit d'une représentation mentale d'un contexte porteur de valeurs (positives ou négatives). C'est le cas dans les trois patrons lexico-syntaxiques saillants que nous avons observés : X mettre Y en/à Zdanger (par exemple mettre en péril, § 4.2.2.1), X mettre Y en la voie/chemin (§ 4.2.2.2) ; X mettre Y en Zaffect (par exemple mettre en joie, § 4.2.2.3).

4.2.2.1 X mettre Y en/à Zdanger

[41] Comme en français moderne, ces constructions décrivent le danger dans lequel un personnage se retrouve au cours de ses aventures. Nous regroupons dans cette catégorie les expressions comme mettre en aventure, mettre en péril, mettre à martyr, mettre à mort. Elles sont presque deux fois plus fréquentes dans le sous-corpus d'étude (12 %) par rapport au sous-corpus de contraste (7 %).

Tr3

La2

Gra

CC

Ha

Ros

Auc

Ber

Sil

Jeh

Yv

89

20

6

1

7

4

0

4

1

15

3

24,5 %

8 %

5,4 %

3,7 %

9 %

14 %

0

13,8 %

0

11 %

6,3 %

Sous-corpus d'étude : 115 occ.

Sous-corpus de contraste : 35 occ.

Tableau 9 : Répartition des occurrences de X mettre Y en/à Zdanger dans les deux sous-corpus

[42] Ces constructions se retrouvent tout particulièrement dans le roman de Tristan en prose qui marque une nette prédilection pour la réalisation mettre a mort (62 occurrences).

(14)

Tristan, § 772, p. 85

car certes trop fait grant felonie qui bon chevalier met a mort

'Car vraiment celui qui met un bon chevalier à mort commet une grande félonie.'

(15)

Tristan, § 814, p. 121

Or covient que je me mete en aventure de ceste joste, car coment qu'il m'en doie avenir, se je ne fesoie mon pooir de vengier mes compaignons, a mauvestié le me devroit l'en tenir.

'Il faut désormais que je prenne le risque de cette joute, car, quoiqu'il doive m'arriver, si je ne faisais pas tout mon possible pour venger mes compagnons, on devrait me le tenir pour une lâcheté.'

(16)

Lancelot, XXXIX, 41

Sire, or me fetes droit de ceste dame por cui je me mis em peril de mort

'Sire, rendez-moi justice de cette dame pour laquelle je me suis mis en péril de mort.'

Ces patrons inscrivent le roman en prose dans son univers de référence, celui de l'aventure chevaleresque et permettent de créer une tension narrative. Ces expressions ne sont pas absentes du sous-corpus de contraste mais se réalisent avec d'autres lexies, en particulier dans les chroniques qui présentent ces destructions à une plus vaste échelle, si on peut dire, dans les syntagmes mettre en flammes/feu/cendres + locatif (L) :

(17)

La conquête de Constantinople, XLVI, p. 116

et assalirent si durement que trop et tant qu'il misent le fu en le vile (L) si que bien en i eut ars le grandeur de le chité d'Arras.

'et ils attaquèrent si violemment qu'ils mirent le feu dans la ville dont fut brûlée une étendue aussi vaste que la cité d'Arras.'

C'est ici moins la mise en danger qui est signalée que la destruction proprement dite.

4.2.2.2 X mettre Y en la voie/chemin (y compris X = Y)

[43] Le verbe mettre entre dans des syntagmes qui impliquent un déplacement spatial. Il existe une construction strictement locative dans laquelle mettre est un verbe de sens plein indiquant que X place Y dans tel ou tel lieu (chambre, forêt, bateau, prison, etc.). Les lieux évoqués varient selon l'univers de référence des récits. Mettre devient un verbe support dans les constructions (se) mettre en chemin/en la voie qui désignent moins un nouvel espace que le début d'un déplacement lui-même. Selon le Lexicoscope, voie apparait comme un collocatif spécifique de mettre dans la Queste del saint Graal (LLR 16,19) et de chemin dans Lancelot (LLR 12,8).

Tr3

La2

Gra

CC

Ha

Ros

Auc

Ber

Sil

Jeh

Yv

chemin

20
5,5 %

10
4 %

2
1,8 %

0

0

0

0

3
11 %

2
2 %

2
1,5 %

0

voie

32
8,8 %

2
0,8 %

6
5,4 %

6
22 %

5
6,5 %

0

0

0

4
4 %

4
3 %

2
4,5 %

Sous-corpus d'étude : 32 occ. et 40 occ.

Sous-corpus de contraste : 7 occ. et 21 occ.

Tableau 10 : Répartition des occurrences de X mettre Y en la voie/chemin dans les deux sous-corpus

[44] Ces syntagmes apparaissent de manière équilibrée dans les deux sous-corpus (3 % environ des occurrences). Ils signalent les départs et servent ainsi de transition entre une séquence narrative qui se termine en un lieu et une autre qui commence ailleurs :

(18)

Lancelot, XLIII, 9

L'endemain, si tost com il vit le jor, si se mist en son chemin, et lors entra en une forest que l'en apeloit la Sapinoie.

'Le lendemain, dès qu'il vit le jour, il se mit en chemin et entra alors dans une forêt que l'on appelait la Sapinoie.'

La mobilité des personnages romanesques, des chevaliers errants, se reflète dans la fréquence de cette construction tout particulièrement dans le Tristan (52 occ. soit 7 %). Cependant l'utilisation notable de mettre en la voie dans les chroniques (14 %) témoigne aussi des déplacements des armées en campagne.

(19)

La conquête de Constantinople, LXXII, p. 152

Si arengierent leur nes l'une en coste l'autre et li Franchois fisent carkier leur engiens en barges et en galies et se misent a le voie a aler vers le chité.

'Ils disposèrent leurs bateaux les uns à côté des autres et les Français firent charger leurs engins de guerre sur des barges et des galères et se mirent en chemin pour aller vers la cité.'

Ce résultat pourrait constituer un indice significatif de la parenté d'écriture entre les deux genres (roman en prose et chroniques).

4.2.2.3 X mettre Y en Zaffect

[45] Le dernier patron que nous avons relevé concerne le verbe mettre entrant dans des constructions du type X mettre Y en Zaffect (par exemple mettre en joie, en paix, etc.).

Tr3

La2

Gra

CC

Ha

Ros

Auc

Ber

Yv

Sil

Jeh

33

2

9

0

0

0

0

2

3

15

15

9 %

0,8 %

8 %

0

0

0

0

7,4 %

6 %

20 %

11 %

Sous-corpus d'étude : 44 occ.

Sous-corpus de contraste : 35 occ.

Tableau 11 : Répartition des occurrences de X mettre Y en Zaffect dans les deux sous-corpus

[46] Les différentes réalisations de ce patron se répartissent plutôt de manière équilibrée entre les deux sous-corpus (6 % dans les romans en prose et 5,5 % dans le corpus de contraste).

(20)

Tristan, § 768, p. 82

Mes cuers qui devant me metoit en esperance me met orandroit en paor

'Mon cœur qui, autrefois, me donnait un sentiment d'espérance me donne désormais un sentiment de peur.'

(21)

Jehan et Blonde, v. 1635

Si les mist en grant desconfort.

'Il les mit alors très mal à l'aise.'

Ces constructions témoignent des enjeux psychologiques des récits qui explorent les méandres du cœur.

[47] Parmi les cinq unités phraséologiques construites autour du verbe mettre étudiées dans cette section, nous avons pu observer que les deux constructions avec le sens plein du verbe (X mettre Yarme + locatif ; X mettre la main à l'épée) étaient nettement caractéristiques du roman en prose. En revanche, dans les trois patrons avec le verbe support mettre, seul X mettre Y en/à Zdanger apparait comme caractéristique du roman en prose. Les deux autres X mettre Y en la voie/chemin et X mettre Y en Zaffect se répartissent de manière équilibrée entre les deux sous-corpus et ne permettent pas de distinguer les genres les uns des autres.

5 Conclusion

[48] Au terme de cette étude, nous pouvons dégager quelques observations susceptibles de montrer l'intérêt de notre méthodologie pour caractériser un genre textuel au moyen de ses unités phraséologiques. Concernant les unités construites autour du verbe donner, des tendances assez nettes se révèlent : on donne des coups et des émotions dans les romans en prose (verbe support) alors que les chroniques et les romans en vers donnent essentiellement des épouses et des richesses (sens plein). Concernant le verbe mettre, beaucoup plus utilisé et beaucoup plus polysémique, les tendances sont moins nettes, sauf lorsque celui-ci est employé de manière préférentielle, dans les romans en prose, avec son sens plein au sein de constructions mettant en jeu le lexique de l'armement (X mettre Yarme + locatif ; par exemple mettre la main à l'épée).

[49] Par ailleurs, le rôle de ces phraséologismes dans la structuration des séquences discursives apparait clairement. Si certains motifs, comme celui de la joute ou du combat à l'épée ont déjà depuis longtemps été étudiés (Rychner 1955 ; Martin 1987) et relèvent aussi du genre épique, l'utilisation de certaines constructions comme seuils ouvrant ou fermant de séquences (mettre en la voie, mettre la main à l'épée) nécessite des observations plus approfondies. Enfin, le lien entre ces unités phraséologiques et l'univers de référence du genre textuel dans lequel elles apparaissent (romans, chansons de geste, chroniques) est essentiellement thématique dans le cadre des structures étudiées. Prolonger l'enquête sur un corpus plus vaste et sur des unités phraséologiques ne relevant pas strictement de l'univers référentiel nous permettra de nous affranchir des biais inévitablement liés à celui-ci et de consolider ces premiers résultats.

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1 Ce travail a bénéficié d'une aide de l'État français gérée par l'Agence nationale de la recherche au titre du programme Investissements d'avenir portant la référence ANR-15-IDEX-02 ainsi que du soutien du projet de recherche Enonciation et pragmatique historique du français (PID2020-113017GB-I00) du Ministerio de Ciencia e Innovación (Espagne).

2 Dans la suite de l'article, nous utilisons la graphie modernisée de ces deux verbes donner et mettre sauf dans les exemples et les citations dans lesquels nous conservons la forme originale.

3 Nous considérons un patron lexico-syntaxique récurrent comme une unité phraséologique qui peut être soumise à des variations paradigmatiques et syntagmatiques internes (par exemple, donner peut être suivi de différentes lexies d'affect et forme le patron donner + Yaffect).

4 Nous remercions l'équipe de la BFM pour la mise à disposition de la version numérique de ce texte.

5 Nous remercions l'équipe du King's College (Londres) pour la mise à disposition de la version semi-diplomatique numérique d'un extrait de ce texte.

6 « Dans les constructions à V support, c'est le substantif en position formelle de complément qui est le prédicat de la phrase, tandis que le verbe qui le précède est, en fait, son verbe support, c'est-à-dire son auxiliaire d'actualisation » (Gross 2012 : 104).

7 « In a corpus-driven approach the commitment of the linguist is to the integrity of the data as a whole, and descriptions aim to be comprehensive with respect to corpus evidence. […] The theoretical statements are fully consistent with, and reflect directly, the evidence provided by the corpus » (Tognini-Bonelli 2001 : 84).

8 Un travail est actuellement en cours sur le jeu d'étiquettes pour s'orienter vers l'utilisation des universal dependencies (Nivre 2014-).

9 Toutes les traductions proposées sont les nôtres.