Sur la phraséologie juridique de la coutume de Normandie

On legal phraseology in Norman customary law

Christine Paasch-Kaiser

Universität Leipzig (Leipzig, Allemagne)

christine.paasch-kaiser@uni-leipzig.de

https://orcid.org/0000-0001-6624-1024

Reçu le 27/10/2021, accepté le 23/2/2022, publié le 7/10/2022 selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

Pour citer cet article

Paasch-Kaiser, Christine 2022. Sur la phraséologie juridique de la coutume de Normandie. Studia linguistica romanica 2022.8, 87-115. https://doi.org/10.25364/19.2022.8.5.

Résumé

Depuis quelques années, l'intérêt pour l'étude historique des discours de spécialité se développe. Cependant, le domaine du droit coutumier français reste encore peu exploré. Bien que Baldinger (1951) ait déjà signalé l'importance de la coutume pour l'évolution du lexique de la langue française, peu d'études ont suivi. Notre article vise à combler ce manque en proposant une étude du Grand Coutumier de Normandie, recueil privé des pratiques juridiques régionales qui avait atteint jadis un statut quasi-officiel. L'article se concentre sur la présence d'un schéma syntaxique spécifique dans le texte, une unité phraséologique du droit formée à partir d'un terme juridique. Nous analysons l'emploi, la fréquence et les transformations des constructions verbo-nominales dans le texte et nous vérifions leur institutionnalisation à l'aide de comparaisons avec les données du corpus ConDÉ.

Abstract

For several years now, historical studies of specialized discourse have gained momentum, yet the domain of French customary law remains largely unexplored. Baldinger (1951) already pointed to the important role of customary law in the development of the French lexicon, but only few studies have subsequently addressed this issue. By studying the Grand Coutumier de Normandie, a private compilation of regional legal practices that once enjoyed a quasi-official status, this article aims at closing this research gap. The study focuses on specific syntactic schemata in the text, namely verb-noun constructions in the immediate co-text of particular legal terms. The usage, frequency and transformations of these constructions are analyzed and compared to data from the ConDÉ corpus to establish the extent of their institutionalization in legal discourse of the time.

Sommaire

1 Introduction
2 Les unités phraséologiques du discours (spécialisé) du droit (UPD)
3 La base textuelle
4 Les constructions verbo-nominales dans le GC 1403
4.1 L'unité terminologique recort
4.2 Les constructions verbo-nominales autour de recort
4.3 Comparaison avec le corpus ConDÉ
5 Conclusion
Abréviations et références bibliographiques

1 Introduction1

[1] Les analyses des phraséologismes2 ou des unités phraséologiques du discours (spécialisé) du droit (UPD3) se sont faites et se font encore surtout à partir de la langue contemporaine. Fréquemment, ces études se situent dans le cadre des études traductologiques, des langages de spécialité et de la linguistique appliquée. On y compare la présence de certaines unités phraséologiques dans plusieurs langues dans des textes légaux des pays plurilingues ou dans des textes issus d'organisations telles l'Union Européenne (cf. p. ex. Bocquet 1992 ; Pesant & Thibault 1993 ; Gautier 2004 ; Tabares Plasencia 2012 ; Damette 2013 ; Houbert 2013 ; Hourani Martín 2017 ; Lerat 2017 ; Tabares Plasencia & Ivanova 2020). De plus en plus d'études produisent aussi des comparaisons topolectales des UPD, c'est-à-dire l'expression des mêmes faits, dans différentes variétés et dans différents pays à travers des UPD divers (cf. Tabares Plasencia 2016 ; Hourani Martín & Tabares Plasencia 2020). Récemment, on a vu aussi (re)apparaître des travaux dans lesquels les auteurs ne s'occupent que d'une variété du français juridique, où ils traitent également de questions théoriques (Giráldez Ceballos-Escalera 2013 ; Forget 2014 ; Dincă & Preite 2019).

[2] La phraséologie juridique historique du français n'a pas soulevé autant d'intérêt jusqu'à tout récemment, peut-être parce que le droit coutumier n'est plus en vigueur sur le territoire4. Parmi les travaux les plus récents se démarque celui de Cornu (2005 : 355-407) qui a entrepris d'étudier les maximes et adages juridiques dans le discours coutumier. La base lexicale de Cornu, Capitant & Cornu (2018) englobe également des adages juridiques, mais seulement ceux qui s'emploient encore dans la langue contemporaine, alors que Capitant (1936), dont s'inspire cette base, avait recueilli les adages juridiques qui apparaissaient également dans les Institutes coutumieres de Loisel (1609). Brunner (1868), auparavant, étudiait quant à lui les formules obligatoires dans les procès judiciaires médiévaux, dont les formules des coutumiers normands. Cependant, le travail de Brunner (1868), se plaçant au sein du domaine de l'histoire du droit, était surtout orienté vers les conséquences du non-respect de ces normes formulaires. D'autres travaux, plus anciens parfois, sont à évoquer sur cette question, comme par exemple les œuvres de Ragueau & Laurière (1882 [1704]), de Hoüard (1780-1783) et de Tardif (1903). On y trouve ainsi l'étude de formules juridiques et d'autres types d'unités phraséologiques, mais il manque une analyse systématique de ce type de structure5.

[3] Van Hoecke (1992 : 392) critique les glossaires de droit du 17e siècle qui étaient dans les années 1990 « complètement dépassés du point de vue philologique et linguistique ». Godefroy (1880-1902) et le FEW ne permettent pas non plus « de dégager systématiquement le vocabulaire du droit » (Van Hoecke 1992 : 392) à cause de leur classement alphabétique. De plus, ces dictionnaires ne prennent pas en compte les coutumiers normands. Le DEAF accorde au contraire une grande importance au vocabulaire juridique coutumier et le prend en compte de façon systématique. Il est cependant toujours en rédaction, bien qu'il comporte d'ores et déjà une somme énorme de données. Les études menées par Baldinger (entre autres 1951, 1956) et Möhren (2015) se sont consacrées explicitement à diverses questions concernant l'étymologie, l'occurrence et la distribution dans l'espace de certains termes coutumiers. Le corpus à la base du DMF (octobre 2021) comporte quant à lui 72 textes d'origine normande qui appartiennent à divers genres textuels. Parmi eux, on trouve aussi des textes juridiques, mais une seule copie du Grand Coutumier de Normandie de 1483, qui ne fournit qu'un seul lemme au DMF. En revanche, on trouve d'autres documents juridiques tels que le Style de procéder, des actes, des mémoires des Échiquiers et des coutumiers particuliers dont le DMF tire des entrées, et parmi elles des unités phraséologiques. D'autres chercheurs se sont intéressés à la terminologie juridique coutumière normande, comme Wüest (1978) qui étudiait les latinismes et les gallicismes dans les différents versions latines et française du Très Ancien Coutumier de Normandie (TAC), en comparaison avec les Leis Wilhelme anglo-normandes. Löfstedt (2011) a comparé divers termes, leur valeur et leur emploi dans le Decretum Gratiani et le TAC. Récemment, Laske (2020) a mené une étude sémantique sur les femmes dans le TAC ; d'autres enfin, comme Van Hoecke & Van den Auweele (1989, 1995), Marcotte (2000, 2014) ou Biu (2009, 2014) ont étudié la terminologie juridique (coutumière) historique dans les traductions des textes latins vers le français médiéval, et Grinberg (2006) a étudié en détail le procédé de la rédaction officielle de la Coutume, mais aucun de ses travaux n'étudie les particularités phraséologiques du discours juridique.

[4] L'article de Becker (2006) sur les langages administratifs, juridiques et politiques du français et de l'occitan, ainsi que celui de Eggert (2016) sur les langages de spécialité au Moyen Âge, montrent bien le manque de recherches dans ce champ. Tandis que Eggert (2016) ne renvoie qu'à l'article de Becker (2006) en ce qui concerne le langage du droit jusqu'au 16e siècle, Becker (2006), de son côté, ne mentionne que des études datant, pour les plus récentes, du début des années 1990. Il met en avant surtout des travaux sur les tours caractéristiques des formulaires, actes et chartes, bien qu'il indique qu'il y ait des collocations typiques et des locutions figées (Becker 2006 : 2126) qui constituent des caractéristiques spécifiques de la langue des chartes et du droit.

[5] Partant, et même si les termes employés dans les coutumiers normands ont été inclus dans des dictionnaires divers et ont fait l'objet d'études, les UPD employées dans les coutumiers normands privés du TAC et du Grand Coutumier de Normandie, ainsi que dans le coutumier normand de rédaction officielle, les Coustumes du pais de Normandie, n'ont pas encore été étudiées et décrites systématiquement. Le présent article se propose de combler une partie de cette lacune en étudiant des constructions verbo-nominales (CVN) qui se construisent à partir de l'unité terminologique (UT) recort dans un manuscrit du Grand Coutumier de Normandie. Pour la définition de cette UT, nous nous appuierons notamment sur les dictionnaires et glossaires existants, qui composent de bons outils pour l'étude de UPD dans des textes historiques puisqu'il n'existe plus d'experts contemporains à consulter quant à l'enracinement ou l'institutionnalisation d'un terme ou d'une UPD. À partir d'études sur les constructions à verbe support dans des textes littéraires médiévaux et dans les chroniques (p. ex. Schøsler 2012), et à partir des entrées de dictionnaires tels le DMF et des résultats des études terminologiques présentées, nous espérons trouver plusieurs UPD de type verbo-nominal autour de l'UT recort dans un manuscrit du Grand Coutumier de Normandie. Notre premier objectif est de décrire leur emploi. Selon l'approche théorique sur lequel nous nous basons et qui sera décrite dans § 2, les CVN constituent des UPD qui ne sont ni complètement figées ni opaques, mais qui permettent des transformations paradigmatiques et syntagmatiques. En nous inspirant des travaux effectués pour l'ancien espagnol, l'espagnol et l'allemand contemporains (Tabares Plasencia 2012, 2018, 2020, Hourani Martín 2017), nous pensons trouver les mêmes transformations paradigmatiques et syntagmatiques dans le manuscrit étudié. Le deuxième objectif de l'article sera en conséquence l'analyse quantitative et la description qualitative des occurrences de ces transformations afin de confirmer le résultat de Hourani Martín (2017 : 260-263), qui constate dans son analyse du discours juridique contemporain sur des CVN d'un domaine du droit émergent que la transformation syntagmatique la plus fréquente est la passivation, et que la transformation paradigmatique la plus fréquente est la nominalisation. Enfin, nous supposons que les CVN sont employées aussi dans d'autres textes juridiques, ce qui permettrait de confirmer leur enracinement et, partant, leur institutionnalisation dans le discours coutumiers. Le troisième objectif de l'article est de vérifier la pérennité diachronique des CVN à partir de recort dans le domaine juridique étudié, raison pour laquelle nous analyserons leur occurrence dans le corpus ConDÉ.

[6] L'article se compose de la façon suivante : Après la description et la discussion de la théorie des UPD de Tabares Plasencia (2012, 2018, 2020), qui fournit la base de notre analyse et de nos descriptions, et la présentation de notre méthodologie dans § 2, nous présenterons le texte dont nous nous sommes servie pour la présente étude dans § 3. Les résultats de cette étude autour des CVN dans la coutume normande seront présentés dans § 4. Nous conclurons la discussion dans § 5.

2 Les unités phraséologiques du discours (spécialisé) du droit

[7] Notre étude s'appuie sur une approche de la phraséologie du discours juridique spécialisé, approche élaborée à partir de l'espagnol et de l'allemand contemporains employés dans les systèmes juridiques modernes d'Espagne et d'Allemagne, et à partir de l'espagnol employé dans des textes juridiques historiques. Nous nous sommes décidée pour une approche procédant du domaine du discours spécialisé, puisque le discours juridique coutumier normand constitue lui-même un discours spécialisé. Ce dernier est en effet un système juridique totalement différent du système juridique français contemporain, ce qui amène à confronter deux mondes du droit avec deux langues et deux cultures, avec leurs gloses et commentaires spécialisés (cf. Cornu 2005 : 355-407 ; Capin & Larrivée 2017 ; Goux, Decoux & Pica à paraître). Tabares Plasencia (2012, 2018, 2020) a élaboré son approche au long des 15 dernières années en se fondant sur différents genres textuels appartenant au discours juridique. Les résultats de ses études empiriques l'ont amenée à distinguer trois types d'UPD (2012 : 323-325, 2018 : 66, 2020 : 76), c'est-à-dire trois types de chaînes de mots ou d'unités grammaticales et/ou lexicales (Tabares Plasencia 2012 : 321) pertinentes dans les discours juridiques. Il s'agit :

1.

des chaînes grammaticales qui ont une valeur prépositionnelle, telles que esp. a instancia de, en virtud de, ou qui constituent des formules adverbiales, tel que esp. de pleno derecho, a mi juicio. Il s'agit d'unités en-dessous du niveau de la phrase qui, dans le cas des chaînes grammaticales, montrent une certaine variabilité et sont fréquemment complétées par une UT apparaissant dans le co(n)texte. Dans les cas de formules adverbiales, elles constituent des fragments formulaires (largement) invariables ;

2.

des CVN qui contiennent une UT nominale occupant la fonction syntaxique de sujet, objet direct ou complément prépositionnel d'un verbe, tel que esp. otorgar escritura ou formalizar el/los pacto(s). Tabares Plasencia (2012) s'appuie sur la classification de Lorente Casafont (2002), mais elle ne prend en compte que les verbes phraséologiques6. Parmi eux figurent aussi les verbes supports ;

3.

des textes de caractère formulaire, qui englobent des unités du niveau de la phrase, tels les énoncés phraséologiques (cf. Corpas Pastor 1996), ainsi que les unités plus étendues qu'une phrase comme les cadres textuels, constitués par des matrices (cf. Gouadec 1994).

[8] L'approche de Tabares Plasencia (2012) se distingue d'autres études, telles celles de Gläser (2008) ou de González Rey (2015), par deux aspects centraux : d'abord, elle ne prend pas en compte les unités terminologiques polylexicales (UTP) parmi les UDP. Des unités comme l'espagnol derecho civil ou les constructions binominales abogado y procurador7, considérés pour d'autres comme des unités phraséologiques (p. ex. chez Gläser 2008 : 492-495), ne représentent pas d'UPD en elles-mêmes selon Tabares Plasencia (2012 : 321-322), puisqu'elles ne remplissent pas de fonction phraséologique. À cause de cela, l'auteure considère ces types de collocations comme des UTP si elles affectent une cooccurrence conventionnelle, ou récurrente, et monoréférentielle ; c'est-à-dire quand elles dénomment un objet ou un concept juridique spécifique et que cette dénomination a acquis une acception générale parmi les locuteurs ou spécialistes, soit par prescription, soit par convention. Le caractère dénominatif est, selon l'auteure, la propriété cruciale des UTP qui permet de les identifier en tant que telles, c'est-à-dire comme des unités conceptuelles. Quand une UPD contient une ou plusieurs UT, celles-ci représentent alors le noyau conceptuel de l'UPD.

[9] Deuxièmement, selon Tabares Plasencia (2012) toujours, les critères qui permettent d'identifier une UPD se distinguent partiellement de ceux liés aux unités phraséologiques dans le discours non spécialisé8. Tabares Plasencia (2012 : 321) indique que les UPD sont habituellement formées d'au moins deux éléments – à l'exception des énoncés juridiques monoverbaux – dont l'un peut être une unité terminologique simple (UTS) ou une UTP, ce qui n'est cependant pas une condition nécessaire pour représenter une UPD (cf. ¶ 7). Toutefois, les CVN sont les UPD les plus fréquentes, suivies des chaînes grammaticales, selon les résultats de l'auteure (Tabares Plasencia 2012 : 325). La fréquence d'emploi des UPD n'est cependant pas un critère de reconnaissance absolu, puisqu'une UPD peut apparaître plus ou moins fréquemment au sein d'un texte, c'est-à-dire qu'on peut ne la trouver qu'une seule fois dans un texte sans qu'elle ne cesse pour autant d'être une UPD spécifique et prototypique du domaine juridique, raison pour laquelle d'autres critères sont nécessaires9. La stéréotypicité (ou prototypicité) et la spécificité d'une chaîne de caractères qui se répète à l'intérieur d'un domaine spécialisé, deux caractéristiques des unités phraséologiques spécifiques identifiées par Gouadec (1994) pour le discours spécialisé en général, sont également étudiées par Tabares Plasencia (2012 : 315). Une UPD est prototypique ou stéréotypique parce qu'elle permet aux experts de reconnaître qu'un texte particulier est un texte juridique. Elle est, d'autre part, spécifique parce qu'elle transmet une connaissance spécialisée, qui se distingue des connaissances générales. Ces deux caractéristiques permettent alors aux experts de reconnaître les UPD comme des unités de connaissance10 spécialisée dans les textes juridiques. Les UPD transmettent alors un certain concept juridique, ce qui les distingue de leur emploi dans des discours non spécialisés. Elles sont reconnaissables facilement et sans ambiguïté pour les experts, et elles sont nécessaires pour comprendre et produire des textes pertinents et valides dans une langue et un système juridique particulier dans un moment donné (Tabares Plasencia 2012 : 321). Tabares Plasencia (2012 : 321, 2020 : 75) appelle institutionnalisation cet emploi d'une UPD dans différents textes et/ou genres textuels appartenant au discours juridique11. Pour vérifier l'institutionnalisation d'une UPD, on peut consulter, selon le cas, soit un expert (ce qui est seulement possible pour l'état actuel de la langue), soit des corpus de référence comme le corpus du projet ConDÉ ou la base de données DocLing, et/ou des sources terminographiques ou lexicographiques (dans le cas d'études historiques ou diachroniques).

[10] L'auteure met en avant un autre critère, celui du degré de figement des éléments de l'UPD. Selon l'auteure, celui-ci n'est que relatif puisqu'à côté des unités qui présentent un degré majeur de fusion ou qui sont même lexicalisées, tel que al. von Amts wegen, d'autres exhibent un moindre degré de figement. Elles autorisent alors des transformations tant paradigmatiques que syntagmatiques, et donc de la variation. Tabares Plasencia (2012) ne propose pas de degrés de figement clairs, puisqu'il s'agit d'un continuum allant des unités syntagmatiques libres au figement total ou à la lexicalisation (cf. Bevilacqua 2004 : 15)12, sans qu'il ne soit possible de déterminer le degré de chaque cas sans évaluation individuelle. L'analyse se fonde sur une combinaison de critères divers tels la fréquence, les transformations (non) observables, et l'institutionnalisation. Cependant, la fossilisation d'éléments dans le sens d'un emploi constant et rituel, par exemple dans des actes, sentences, jugements ou arrêts, ne signifie pas que le sens de l'UPD soit opaque. Par contre, l'emploi de certaines formules figées peut être obligatoire afin de produire l'effet juridique (al. Rechtswirkung, angl. legal effect) désiré, à cause de leur institutionnalisation13. Pour déterminer le degré de figement des UPD, la comparaison avec des sources latines peut constituer une bonne stratégie puisque, comme le montre Tabares Plasencia (2020) pour l'espagnol dar sentencia, il peut s'agir de calques du latin qui se sont intégrés et maintenus (jusqu'à nos jours). Quant à l'étude diachronique des UPD, Tabares Plasencia (2020 : 76) ajoute que pour les reconnaître, il est nécessaire de combiner différentes variables afin de se substituer aux experts du passé. En plus de la fréquence de cooccurrence de ses constituants, le thème spécifique du texte et le cotexte de l'UPD aident à les identifier. La transmission de connaissances spécialisées et l'institutionnalisation des UPD peuvent ainsi être vérifiées grâce à la littérature juridique, aux dictionnaires ou aux corpus de référence.

[11] Le présent article s'inscrit dans une étude plus large qui contribue à améliorer notre connaissance de la phraséologie du discours juridique spécialisé du droit coutumier normand. Cette étude examine les différents coutumiers normands à partir de l'approche de Tabares Plasencia (2012) et de sa conception des UPD. Plus précisément, la présente contribution constitue une première approche du sujet sur la base d'une copie du Grand Coutumier de Normandie. L'article se limitera à l'analyse de quatre CVN construits sur l'UT recort, substantif déverbal du verbe terminologique recorder. Nous reprendrons, dans la mesure du possible, la méthodologie de Hourani Martín (2017) qui étudie le domaine juridique émergent du droit de l'environnement, dans un domaine tout aussi émergent linguistiquement – à l'écrit dans notre cas –, que nous adapterons à nos besoins. L'auteure analyse d'abord la fréquence des occurrences des UT dans l'ensemble de son corpus pour ainsi choisir l'UT à examiner. Ensuite, Hourani Martín (2017) analyse la fréquence de cooccurrence de l'UT choisie et des verbes qui l'accompagnent. La fréquence l'aide à déterminer s'il s'agit d'une CVN, et donc d'une UPD, et non pas d'une unité syntagmatique libre. Pour s'en assurer, elle vérifie l'institutionnalisation de l'UT et des UPD à l'aide des experts du droit : nous consulterons pour ce faire les dictionnaires de l'ancien et du moyen français, ainsi que ceux de l'anglo-normand, des glossaires du droit et les données du corpus ConDÉ. Ce corpus nous permet également d'observer et de décrire l'emploi des quatre UPD dans une perspective diachronique. Hourani Martín (2017) relève ensuite les transformations syntagmatiques et paradigmatiques des UPD autour d'une UT spécifique, afin de montrer la variation d'emploi dans ce domaine du droit.

3 La base textuelle

[12] Notre analyse s'appuie sur un exemplaire du Grand Coutumier de Normandie de 1403 (GC 1403), copié au diocèse de Rouen. Il se trouve actuellement à la Staatsbibliothek zu Berlin sous la cote Ms. Ham 192, I-II. Il s'agit d'un manuscrit gothique partagé en deux tomes dont chacun contient 99 parchemins recto-verso, donc 396 pages au total. Le deuxième tome contient également deux autres textes (la Charte aux Normands et des arrêts d'Échiquier de Normandie) et un calendrier. Au total le GC 1403 se compose de 356 pages, numérotées en recto verso de 2a à 100b (Ms. Ham 192, I) et de 2a à 78b (Ms. Ham 192, II)14. Le texte est majoritairement écrit en français : il contient cependant dans le deuxième tome quelques paragraphes en latin qui ne feront pas partie de notre analyse. Le reste du texte est écrit en français. Le manuscrit figure parmi les sources du DEAF.

[13] De l'auteur du texte latin du Grand Coutumier de Normandie, Yver (1976 : 13) affirme

[q]ue son auteur anonyme […] [est] un homme de culture savante, c'est ce qui saute aux yeux dès la lecture du titre […] Summa de legibus Normannie in curia laicali, où le premier mot évoque les grandes constructions théologiques ou juridiques, et où le second est pris dans son sens classique et non pas au sens où l'entendait l'usage courant des cours normandes, c'est-à-dire celui du déroulement d'une procédure.

Yver (1976 : 14) vante le style de l'auteur et sa rigueur méthodologique, ce qui donne à ce texte juridique médiéval une grande valeur, à laquelle « s'ajoute la précision de l'expression, la clarté constante de la langue, jointe à un certain rythme de la phrase inspiré du cursus des chancelleries ». Pour Yver (1976 : 14), il en résulte que « ce sont certainement ces qualités qui lui [le Grand Coutumier de Normandie] ont valu de devenir la loi, si l'on peut dire, de la province et de se voir considérer de bonne heure et pour plusieurs siècles comme l'expression officielle et impérative de ce droit ». Les analyses de Tardif (1903) et de Viollet (1906) soulignent la grande expertise de l'auteur inconnu du texte latin qui a, à ce qu'ils pensent, assisté à diverses assises, et qui s'avère bon connaisseur du droit canonique et de certaines gloses du droit romain, bien que les auteurs pensent qu'il n'a pas fait d'études universitaires. Il est, partant, possible que le Grand Coutumier de Normandie ait d'abord été écrit pour l'usage personnel de son auteur. Cependant, la traduction du texte, le fait qu'il ait été copié à de nombreuses reprises jusqu'à la rédaction de la coutume officielle au 16e siècle et que l'on en retrouve des exemplaires dans un grand nombre de bibliothèques dans le monde15, prouvent que ce texte n'a pas servi uniquement à l'emploi personnel de son rédacteur et/ou de son traducteur. Le Grand Coutumier de Normandie est aussi devenu objet de glose, dont l'une des plus importantes est le commentaire de Terrien (1578). La citation d'Yver (1976) montre, de plus, que le texte acquérait, au cours du temps et jusqu'en 1583, la fonction et le statut de 'loi' dans la région. Il s'agit alors d'un texte qui fait partie du discours juridique spécialisé, raison pour laquelle nous avons choisi une approche de la phraséologie élaborée dans le cadre de ce domaine.

[14] Le manuscrit analysé figurait parmi les témoins-candidats pour le corpus ConDÉ (cf. Goux, Decoux & Pica à paraître), mais une autre copie du texte (GC) a finalement été privilégiée. Nous avons donc dû transcrire le manuscrit afin de pouvoir l'explorer numériquement. Nous nous sommes servie du logiciel Sketch Engine pour ce faire. Nous avons scindé les agglutinations du type [préposition + article], [préposition + article + substantif], [article + substantif], [conjonction + X], [verbe + pronom complément d'objet], [pronom + verbe] et nous avons corrigé les séparations de mots dues au retour à la ligne. Après ce nettoyage, le texte est composé de 52196 mots (séparés). Tous les résultats issus de l'analyse automatique avec Sketch Engine se retrouvent dans le texte non-manipulé, et les exemples émanent de ce document.

4 Les constructions verbo-nominales dans le GC 1403

4.1 L'unité terminologique recort

[15] Nous avons choisi d'étudier l'UT recort puisqu'il s'agit d'une UT bien reconnue et ancrée dans le discours juridique spécialisé du Moyen Âge en tant qu'unité de connaissance spécialisé, telle que le montre son entrée dans les différents glossaires spécialisés et les dictionnaires de l'ancienne langue comme l'AND, le DMF ou le DEAF. Il s'agit d'un témoignage ou d'une déclaration orale devant la justice, ou comme l'auteur du GC 1403 l'explique lui-même :

(1)

[…] recort est racontement en court de la chose qui a este faite et ramenee amemoire (GC 1403, II : 35b)16

Dans le GC 1403 nous avons trouvé 190 occurrences de la forme tronquée recor* (figure 1). Nous avons compté à part les formes verbales du verbe terminologique recorder (y compris les participes passés à valeur adjectival, soit 33 occurrences au total) ainsi que les 11 occurrences du substantif recordeurs. Il restait ainsi 146 occurrences de l'UT recort (et de ses variantes) distribuées dans les différentes parties du manuscrit selon les données présentées dans la figure 2, auxquelles il fallait ajouter une occurrence où deux extensions nominales apparaissent coordonnées : recort de pasnage et de mariage.

Figure 1 : Occurrences de la forme tronqués recor* dans le GC 1403 élaboré avec Sketch Engine

Figure 2 : Distribution des occurrences de l'UT recort (et de ses variantes) dans le GC 140317

[16] Dans le manuscrit, l'on trouve deux variantes graphiques de l'UT au singulier, soit recort (141 occ.), la plus fréquente avec -t final, soit record (2 occ.) avec -d final, ainsi que la forme plurielle recors (3 occ.) :

(2)

Len doit sauoir que la chose sus quoí le recort est demande doit estre garde en lamaín le duc tant que le record soit faít ou que la querelle soit termínee en autre maniere . (GC 1403, II : 38a)

(3)

Celluí est appele atorne que aucun attorne par deuant íustíce en eschequier ou en assise qui porte recort . apoursieurre son droít et adeffendre loy (GC 1403, I : 81b)

(4)

[…] et selon les diuerses coustumes des forestez suelent les recors estre faiz en diuerses maníeres (GC 1403, II : 69a)

Notre analyse, faite à partir de la fonction de concordance de Sketch Engine, relève 65 unités syntagmatiques polylexicales (+1, coordonnée) formées à partir de l'UT recort. Nous en identifions 62 comme UTP, soit comme des unités qui, selon Cabré Castellví & Estopà Bagot (2005: 89), ont une dimension lexicale : du point de vue de leur sens, elles appartiennent au lexique du locuteur en tant qu'expert du domaine et constituent un noyau minimal18. Les unités recort dassise, recort de bataille, recort deschequier, recort de veue, recort de pasnage et recort de mariage se retrouvent explicitement dans Ragueau & Laurière (1882 [1704], s. v. loy fait par record et record de mariage)19. Dans le GC 1403, ces unités n'apparaissent pas seulement dans le texte mais aussi dans la table des matières au début du livre. Puisqu'elles dénomment un type particulier de témoignage non-écrit (exemple 5) et sont, ainsi, monoréférentielles et spécifiques, nous les identifions comme des UTP. Dans les cas de recort dassise et de recort deschequier, on trouve des variantes graphiques, soit avec un article défini, soit sans agglutination de la préposition de et du substantif eschequier :

(5)

De recort dassise . Recort dassise doit estre fait en celle mesmes maníere (GC 1403, II : 36b)

(6)

et si doit len sauoir que [de] símple pleuíne nest nul mene aloy apparissant mes asímple deresne . Se la pleuíne ne puet estre trouuee par aucunes lettres ou par le recort de lassise se elle ífu faite (GC 1403, I : 75b-76a)

(7)

De recort deschequier Recort deschequier doit estre fait par víj . hommes creables au maíns (GC 1403, II : 36a)

(8)

20 Il ya recort de eschequier qui doit estre fait par vij homes au mains (GC 1403, II : 66a)

Bien que, selon Bevilacqua (2004), l'emploi de l'article témoigne d'une construction moins figée (ou, du moins, en cours de figement), nous les considérons comme des variantes graphiques puisque le texte montre bien que ces occurrences renvoient au même type spécifique de témoignage non-écrit. Dans le cas de recort de veue, on trouve, de plus, des unités plus grandes englobant différents types de veue (veue de fieu, veue de corps) abordés dans le texte, et qui expriment une relation hyponymique avec ce UTP. Nous considérons ces unités également comme des UTP car elles satisfont les exigences présentées supra. De même, nous pensons que les unités syntagmatiques recort damende, recort datornee/de atornee, recort datornement, recort de foriurement, recort de iugement, recort de (la) court21, recort de court laye ou laie et recort de court de roy (les deux dernières en relation hyponymique avec l'unité recort de (la) court), constituent des UTP puisqu'il s'agit, dans tous ces cas, d'unités qui apparaissent dans le discours spécialisé juridique et qui expriment une connaissance spécialisée, et ce bien qu'une partie seulement de ces UTP figure dans les titres de chapitre et qu'ils n'apparaissent que sporadiquement22. L'on trouve aussi ces UTP dans des énumérations avec d'autres termes, comme dans l'exemple suivant :

(9)

ℂ Il ya díuerses manieres de recort . dece qui est faít pardeuant leprince . recort deschequier . recort dassise . recort de veue de fieu . recort de foríurement . recort de pasnage . recort de mariage . (GC 1403, II : 65b)23

Le tableau 1 récapitule nos résultats et montre si une UTP apparaît en titre de chapitre ou dans une énumération. Dans tous les cas restants (81 occ.), recort/-d/-s apparaît comme une unité lexicale simple.

[17] Pour analyser les verbes qui forment des UPD, nous avons éliminé des 147 occ. de record/-t/-s les cas dans lesquels l'UTS ou l'UTP apparaît en association avec un verbe connecteur ou un verbe discursif (cf. Lorente Casafont 2002), tel que appeler qui a une fonction métalinguistique (exemple 10), auoir dans la construction présentative il y a (exemple 9), ou estre quand il est employé pour introduire une définition (exemple 1). De même, nous avons exclu les cas où l'UT fait partie d'un complément circonstanciel, quand il est employé dans un titre de chapitre ou quand il ne fonctionne pas comme noyau de connaissance spécialisé d'une CVN (exemple 11) :

(10)

ℂ Len appelle recort en court laíe . vne loi que les princes establirent (GC 1403, II : 64b)

(11)

ℂ Recort dassise a a autretelles condicions et autretel fourme come recort deschequier (GC 1403, II : 66b-67a)

En tout, 61 occurrences ont été exclues de notre étude des UPD, mais nous avons inclus 11 cas supplémentaires de reprise anaphorique pronominale et une erreur de transcription, ce qui fait au total 98 candidats à une CVN.

UTP avec recort (et hyponymes)

Total (occ. absolu)

UTP dans une énumération

UTP en titre de chapitre (De + UTP)

recort damende

1

recort dassise/de lassise

9

2

2

recort datornee/de atornee

2

recort datornement

1

recort de bataille

6

2

1

recort de court/la court

4

recort de court laye/laie

2

2

recort de court de roy

3

1

1

recort deschequier/de eschequier

8

2

2

recort de foriurement

2

1

recort de iugement

1

recort de mariage

9 (+1)

2

1 (+1)

recort de pasnage

6

2

2

recort de veue

4

2

1

recort de veue de fieu

2

1

recort de veue de corps

1

Tableau 1 : Occurrences des UTP à partir de l'UT recort dans le GC 1403

4.2 Les constructions verbo-nominales autour de recort

[18] Selon la théorie de Tabares Plasencia (2012) présentée dans § 2, le noyau terminologique (NT)24 des CVN peut occuper la fonction de sujet (S), de complément d'objet direct (COD) ou de complément prépositionnel (Cprep25). C'est le cas des unités représentées dans le tableau 2 :

Occ.

Verbes

NT simple ou polylexical

Fonction du NT

44

faire

record (2), recors (2), recort (21), recort dassise (2), recort datornement (1), recort de bataille (1), recort (de) deschequier (3) recort de foriurement (1), recort de iugement (1), recort de mariage (3), recort de pasnage (2), recort de (telz) veue(z) (2), recort de veu de corps (1), recort de veue de fieu (1)

COD

17

demander

recort (11), recort de atornee (1), recort de la court (2)

COD

11

auoir

recort (9), recort de la court (1), recort de mariage (1)

COD

9

porter

recort

COD

4

oster de

recort

Cprep

2

valoir

recort

S

1

receuoir

recort

COD

1

rendre

recort

COD

1

reporter

recort

COD

1

reprendre

recort

COD

1

requerre

recort

COD

1

soustenir

recort

COD

1

bailler

recort

S

1

estre en doubte

recort

S

1

nommer a

recort

Cprep

1

mettre de

recort

Cprep

1

prouuer par

recort

Cprep

1

apporter

recort

COD

Tableau 2 : Verbes en cooccurrence avec recort dans le GC 140326

Dans notre texte, en cooccurrence avec les verbes relevés, le NT prend le plus souvent la fonction de COD. Dans le cadre restreint de cet article, nous nous limiterons à la description des constructions les plus fréquentes : [faire recort], [demander recort], [auoir record] et [porter recort]27, toutes quatre formées à partir d'un verbe d'action.

[19] La construction [faire + NT] est de loin la plus fréquente. L'AND (s. v. recort_1) propose cette unité phraséologique avec pour définition « faire record - to bear witness, give testimony », mais elle n'y est pas marquée comme juridique (« LAW »). Cependant, parmi les exemples de l'entrée 3 de l'AND, on trouve un exemple de 1278 issu du domaine juridique28. Dans tous les cas cités, la CVN a le sens spécialisé de 'donner (un certain type de) témoignage oral à partir de la mémoire devant la justice de ce qui fut dit ou fait'29.

[20] Dans notre texte, dans 18 cas, le verbe phraséologique faire s'accompagne de l'UTS recort tandis que dans 14 cas, il s'accompagne d'une UTP tel recort deschequier. Le NT apparaît dans la plupart des cas sans article (20 occ.), mais on le trouve aussi avec l'article défini (6 occ.) et le démonstratif (6 occ.). Dans les cas avec article défini ou démonstratif, le NT est toujours simple, sauf un cas où l'on trouve une expansion du type complément de nom, lui-même accompagné d'un adjectif : le recort de telz veuez.

[21] Les occurrences sans article servent, principalement, à introduire un concept juridique abstrait et nouveau soit avec une structure présentative (il y a, exemple 15), soit par rhématisation au début d'un nouveau chapitre ou d'un nouveau paragraphe (exemple 12). L'emploi avec article défini ou démonstratif reprend anaphoriquement une occurrence de recort qui apparaît dans le contexte gauche. Il se forme ainsi une chaîne de coréférences30 :

(12)

ℂ . viij . De recort de veue. Recort de veue doit estre faít par . íííj . chevaliers et par les sergens et par vííj . loyaulx hommes quí soient pris par serement quant len plede de la propriete de la chose . mais se la veue a este de saisíne ou dautre telle cause le recort doit estre faít par xíj . loiaulx homes íures et par le sergent (GC 1403, II : 36b)

Dans les occurrences avec article défini, celui-ci a un rôle anaphorique : dans (12) l'article actualise un recort déterminé, celui de veue dont le texte parle d'abord mais qui apparaît sous une forme indéfinie, sans article. La reprise lexicale est partielle ou bien infidèle puisque le NT recort de veue n'est pas repris dans sa totalité, mais par son hypéronyme le recort. Cependant, l'article défini remplit en même temps une fonction générique. Il fait ainsi référence au recort de n'importe quel type de veue (de saisíne ou dautre telle cause) faite dans les conditions décrites dans le texte. Cette double fonction devient encore plus évidente quand l'UTS déterminé s'emploie avec le verbe modal souloier exprimant l'habitude, et donc la répétition :

(13)

Recort de pasnage doit estre fait des choses qui appartíennent au pasnage si come des pes et des ples et des iugemens et des bauz qui appartiennent au pasnage . et quí sont fes pourtant que le pasnage ait este baní et cestuí recort puet estre faít par sept hommes sicome chevaliers et sergens fieffez quí ne soient pas souppechonnes . et selon les diuerses coustumes des forestez suelent les recors estre faiz en diuerses maníeres (GC 1403, II : 68b-69a)

Il ne s'agit pas des recors déterminés mais de n'importe quel recort de pasnage, ceux-ci différant selon les différentes coutumes. En ce qui concerne les reprises par démonstratif, selon Adam (2005, 1.4), l'anaphore démonstrative opère « une reclassification de l'objet du discours » en introduisant « un nouveau point de vue sur l'objet ». C'est aussi le cas dans le manuscrit analysé, où l'auteur précise par qui et comment (13), ou bien de quoi (14), un recort déterminé doit être fait :

(14)

ℂ En nouuelle dessaisíne et es querelles de la possession du fieu et non pas de la proprete puet estre recort fait par ceulz qui doíuent estre receuz afaire lenqueste . ia soit ce que ilz ne soíent pas chevaliers ne personnes qui aient auttorite de porter recort en assise et cest recort ne doit estre fait fors dece qui aeste veu et monstre . en autres choses ne doit pas leur recort estre receu (GC 1403, II : 67b)

Cependant dans (15), on trouve aussi la reprise anaphorique sans article. L'auteur introduit d'abord le record de eschquier dans une construction présentative avec il y a, mais il le reprend plus tard comme UTS sans article dans une construction dans laquelle l'UTS en tant que COD suit la préposition a qui ouvre la phrase, et précède l'infinitif faire avec lequel l'UTS forme une CVN. Tout le groupe prépositionnel est donc antéposé au verbe principal de la proposition, nomer, dont il est le complément :

(15)

ℂ Il ya recort de eschequier qui doit estre fait par víj homes au mains quí par nulle raison ne puissent estre ostes du recort . […] ℂ A recort faire peuent estre nomez tous ceulz qui furent aleschequíer ace dequoi len demande le recort . et ce que les víj . recordent par acort doit estre garde . Se íj . des víj . se descordent . on ilz sefont non sachans tout le recort est en doubte et cellui qui demande le recort perdera . ce que il voulsist gaigner . ℂ Si tost come le recort est demande . la chose dequoi le contens est doit estre arrestee en la main le duc et tenue tant que le recort soit fait (GC 1403, II : 66a-66b)

[22] Dans le cas des constructions [auoir + NT] 'obtenir (un certain type de) témoignage oral de quelqu'un (à partir de la mémoire) devant la justice de ce qui fut dit ou fait ou octroyé'31 et [demander + NT] 'réclamer (un certain type de) témoignage oral (à partir de la mémoire) par voie de justice de ce qui fut dit ou fait'32, on trouve de même des occurrences sans et avec article. Comme dans le cas précédent, quand la construction [demander + NT] apparaît avec l'article défini, elle occupe, dans la plupart des cas, un rôle intermédiaire entre valeur générique et valeur spécifique (ou en emploi anaphorique). L'exemple (15) illustre cette ambiguïté. Le premier exemple de [demander + NT] fait référence au recort d'une session d'eschequier particulière (valeur spécifique-anaphorique), mais la prédication vaut également pour n'importe quel recort d'une session d'eschequier (valeur générique, similaire à la CVN sans article) puisque le texte développe une situation quelconque. Il en est de même pour les autres occurrences de l'extrait. Lorsque le verbe apparaît avec une UTP, c'est-à-dire avec une expansion au nom recort, le déterminant est toujours employé, comme dans le cas de auoir (16). L'emploi de l'article est probablement lié au fait que l'expansion favorise les emplois anaphoriques, puisqu'elle réduit l'extension du nom. Toutefois, les occurrences montrent qu'il ne s'agit pas d'un recort déterminé et l'article fait référence à un sous-type de recort :

(16)

car ses hoírs ne sont pas tenus a respondre par recort de mariage des fais aleurs ancesseurs Mais ceulz qui tíennent le fíeu qui fu baille a mariage aeulx ou aleurs ancesseurs peuent auoir le recort de maríage a deffendre eulz vers ceulz qui leur demandent (GC 1403, II : 69b)

Selon nous, dans le cas des UTP, la valeur générique prévaut sur la valeur anaphorique à cause du caractère exemplaire des énoncés dans ce genre discursif, tandis que dans le cas des UTS, la valeur anaphorique l'emporte sur la valeur générique.

[23] Dernièrement, la construction [porter + NT] 'faire un témoignage oral (à partir de la mémoire ou d'un écrit) devant la justice de ce qui fut dit ou fait'33 n'apparaît qu'avec une UTS et toujours sans article. Cette UPD a acquis un degré de figement qui ne permet plus la variation. Un indice de ce figement est le fait que recort se trouve toujours en position d'objet après le verbe porter, ce qui s'observe aussi dans le cas de [auoir + NT].

[24] Quelques-unes des CVN subissent aussi des transformations syntagmatiques ou une combinaison de transformations : la passivation [sujet + groupe verbal + (complément d'agent)]34, la relativisation ou la pronominalisation. On ne trouve pas d'autres transformations dans le GC 1403. Dans le cas de faire recort, la passivation est la transformation la plus fréquente (34 occ.). Cependant, dans la plupart de ces cas, un verbe modal d'obligation (19 occ., exemple 17), de possibilité (9 occ., exemple 18) ou d'habitude (2 occ., exemple 19) accompagne le verbe phraséologique :

(17)

Recort dassise . doit estre fait en celle mesmes maníere . ne mes que quant35 tant ya que recort deschequier doit estre fait en eschequíer et recort dassise en assise (GC 1403, II : 36b)

(18)

ℂ De tout ce qui est fait par deuant le prince puet estre recort fait par li et par vn autre car ce ne seroít pas auenant que len demandast le recort de li seul (GC 1403, II : 65b)

(19)

Recort de veue de fieu soloit estre faite . par iiij . cheualiers ou par telz personnes qui ne doiuent pas estre ostees (GC 1403, II : 67a)

Dans quatre cas, on trouve en même temps la passivation ainsi que la relativisation par le pronom qui36, comme en (20) :

(20)

ℂ Il ya recort de eschequier qui doit estre fait par víj homes au mains quí par nulle raison ne puissent estre ostes du recort (GC 1403, II : 66a)

En outre, on trouve huit cas de pronominalisation de faire recort dont six cas dans lesquelles le pronom remplace le NT sujet37, et deux cas dans lesquelles le NT est repris par un pronom objet, comme en (21) avec leí :

(21)

mais cellui quí demande recort ne puet saonner nul de ceulz que il nome afaire leí (GC 1403, II : 66a)

Dans le cas de demander recort, on trouve deux cas de passivation et trois cas de pronominalisation où le NT est repris par un pronom objet.

4.3 Comparaison avec le corpus ConDÉ

[25] Afin de valider notre analyse de ces constructions en tant qu'UPD, ainsi que leur institutionnalisation dans le discours juridique coutumier normand, nous avons comparé nos résultats avec ceux du corpus ConDÉ38. Les constructions relevées ont la même valeur que dans le GC 1403, comme l'illustrent les exemples (22) à (25), si bien que les exemples (24) et (25) font très probablement référence à un record écrit, puisque l'ancien recort oral avait cessé d'exister :

(22)

E se il est negligenz a autres ii iorz qui li sont assigne avenantment . de requerre sa chose . ne il ne repleuist ses auoirs se il est presanz el pais . e ce a este fet en cort qui oit recort . il sera en peril de perdre la possession de la chose demandee (TAC, chap. de defautes)

(23)

le iuge et de uant suffisant nombre de recordeurs, le congnoist en commun: car il le congnoist en lieu qui porte record: lequel lieu que qui porte record peut estre dict lieu commun / comme il appert en la commune maniere de parler / par laquelle on dict que vne chose qui est faicte en lieu notoire / (Le Rouillé 1539, Seconde Distinction, De forfaictures, xxiij, 106)

(24)

célébration du mariage, du moins faudroit il que cette reconnoissance ou record fût faite avant la bénédiction nuptiale ; quoiqu'il en soit, s'il se fait record de mariage, il sera fait non seulement pour la reconnoissance du douaire, mais aussi des autres conventions matrimoniales ; Arrests du Parlement de Roüen, des 2. (Merveille 1731, Du DOUAIRE, CCCLXXXVI)

(25)

On a jugé, par Arrét du 4 Décembre 1723, que le record ne peut être demandé, quand il n'y a point eu de Contrat de mariage. (Pesnelle 1771, CHAPITRE QUINZIEME Du Douaire […], CCCLXXXVI, 29)

Dans les tableaux 3 à 6 nous résumons les résultats quant à la distribution des CVN dans les textes et leurs formes (y compris leurs transformations)39.

TAC

Le Rouillé (1539)

Terrien (1578)

[auoir + NT]

Infinitif + NT (COD)

11 sans art.

6 sans art., 2 art. déf.

Verbe conjugué + NT (COD)

3 sans art., 1 art. déf.

NT antéposé + verbe modal + infinitif

1 sans art.

Verbe modal + infinitif + NT (COD)

10 sans art.

1 démonstratif

Transformation syntagmatique

Pronominalisation COD

1

Tableau 3 : Occurrences de [auoir + NT] dans le corpus ConDÉ

Le Rouillé (1539)

Pesnelle (1771)

[demander + NT]

Verbe conjugué + NT (COD)

1 sans art.

Transformation syntagmatique

Passivation avec estre

1 sans art.

1 art. déf.

Tableau 4 : Occurrences de [demander + NT] dans le corpus ConDÉ

TAC

Le Rouillé (1539)

Basnage (1678)

Merville (1731)

[fere/faire + NT]

Infinitif + NT (COD)

4 sans art., 6 art. déf.

Verbe modal + infinitif + NT (COD)

1 sans art.

Transformation syntagmatique

Pronominalisation COD

1

Pronominalisation pronom sujet explicite

1

Passivation avec estre

15 sans art., 6 art. déf., 1 démonstratif

1 sans art.

Passive-réflexive

2 sans art., 1 art. déf., 1 démonstratif

2 art. déf.

2 sans art.

Relativisation

1

Transformation paradigmatique

Adjectivisation

1

Tableau 5 : Occurrences de [fere/faire + NT] dans le corpus ConDÉ

TAC

Le Rouillé (1539)

[porter + NT]

Verbe conjugué + NT (COD)

1 sans art.

16 sans art.

Verbe modal + infinitif + NT (COD)

1 sans art.

2 sans art.

Tableau 6 : Occurrences de [porter + NT] dans le corpus ConDÉ

[26] Les tableaux montrent une distribution très disparate des CVN dans les textes du corpus. Elles illustrent une régression de leur emploi à travers les siècles (du moins, dans la glose) ce qui est dû, probablement, au fait que le recort, tel que nous l'avons défini, cesse d'exister comme moyen juridique en tant que preuve et disparaît alors de la langue juridique. La construction porter recort/record est la plus stable : dans tous les cas, elle apparaît sans article et le NT n'est jamais une UTP, mais toujours une UTS en fonction de COD du verbe. Comme dans le GC 1403, les constructions auoir recort/avoir record et fere recort/faire record sont de loin les plus fréquentes ; cependant, c'est faire record qui s'emploie le plus longtemps et qui est le CVN pour lequel on trouve le plus grand nombre de transformations syntagmatiques. C'est aussi avec celle-ci que l'on trouve une nouvelle transformation syntagmatique : l'emploi de la forme passive-réflexive illustrée en (24). Les occurrences de demander record sont trop rares pour que l'on puisse en tirer des conclusions générales, mais il semble évident que cette CVN disparaît au cours des siècles. Notre analyse montre cependant que d'autres constructions, surtout avec NT complément prépositionnel, apparaissent, tel user de record, ou s'emploient plus fréquemment, tel oster de/du record. Il semble que des constructions à Cprep remplacent celles à COD au cours du temps, ce qu'il faudrait analyser plus précisément, en rappelant que les constructions avec une NT Cprep se trouvaient déjà dans les textes anciens comme le GC 1403.

5 Conclusion

[27] Notre étude a mis en évidence l'existence de certaines CVN formées à partir de l'UT recort, CVN qui ont une haute fréquence d'emploi dans le manuscrit étudié : en particulier, faire recort, avoir recort, demander recort et porter recort ont été étudiés en détail. Nous avons confirmé notre hypothèse quant à l'emploi des CVN dans le discours juridique coutumier, même s'il faudrait étudier d'autres UT pour installer ce résultat dans une tendance plus marquée. Selon nous cependant, la haute fréquence des CVN décrites dans le texte, ainsi que leur emploi dans différents textes du domaine juridique spécialisé coutumier, est un indice fort de l'institutionnalisation des CVN étudiées dans le discours coutumier. Cela s'observe notamment dans les textes élaborés avant le Grand Coutumier de Normandie et avant la publication de la coutume officielle en 1583, soit le TAC (env. 1250) et la glose de Le Rouillé (1539), mais aussi dans celui de Merville (1731), où l'on trouve encore deux occurrences d'un passif-réflexif avec faire. Cette observation confirme notre troisième hypothèse : il s'agit d'UPD prototypiques, spécifiques et institutionnalisées du discours juridique coutumier normand, c'est-à-dire, enracinées, reconnaissables et employées en tant qu'unités de connaissance spécialisée par les experts pour produire des textes valides et compréhensibles. D'autre part, leur faible occurrence après 1539 montre qu'il s'agit d'UPD qui cessent de s'employer, probablement parce que le recort cesse d'exister en tant que preuve.

[28] Nous avons montré, de plus, qu'il y avait des variantes graphiques et morphosyntaxiques du NT simple et polylexical. Quant à la variation des CVN analysées, elles se différencient par le fait que porter recort/record apparaît toujours avec une UTS, que l'UTS suit toujours le verbe porter et que l'UTS s'emploie toujours sans article défini ou démonstratif, ce que nous interprétons comme l'aboutissement du processus de lexicalisation (par une désémantisation totale du verbe). Les autres CVN témoignent en revanche d'un moindre degré de figement, puisqu'elles permettent divers emplois du NT qui, à son tour, peut être une UTS ou une UTP, et les NT s'emploient avec ou sans article défini ou démonstratif.

[29] En revanche, contrairement à ce que nous avions supposé, nous n'avons pas trouvé tous les types de transformation syntagmatique et paradigmatique décrits par Tabares Plasencia (2012, 2018) ou Hourani Martín (2017). Il s'est avéré que ni la nominalisation, ni l'adjectivisation ne se trouvent dans le texte, peut-être parce que recort est un déverbal et que le verbe terminologique recorder, qui exprime partiellement le même sens que les CVN, se rencontre également dans le texte : son emploi pourrait ainsi empêcher une évolution ultérieure. Notre hypothèse quant à la nominalisation en tant que transformation paradigmatique la plus fréquente a donc été réfutée. Nous avons cependant repéré d'autres transformations syntagmatiques : la relativisation, la pronominalisation et la passivation. Notre hypothèse selon laquelle la passivation est la transformation syntagmatique la plus fréquente, à l'instar de ce que l'on trouve dans le discours juridique contemporain, a été confirmée par notre analyse quantitative des quatre CVN choisies dans le Grand Coutumier de Normandie et dans le corpus ConDÉ. Nous avons remarqué du reste que dans les textes plus récents du corpus ConDÉ, une nouvelle forme de passivation (le passif réflexif) avec le verbe faire apparaissait à partir de 1539. On ne trouve pas cette forme dans le GC 1403 ni dans le TAC. Il faudrait alors conduire une analyse centrée sur cette forme de passivation dans les textes afin de déterminer si elle se limite à l'UPD faire record, ou s'il en existe d'autres comparables.

[30] Notre étude sur quatre UPD autour de l'UT recort n'est qu'un premier pas. Des études plus approfondies sur les autres UPD sont à mener pour tracer un panorama complet de la phraséologie au sein du corpus coutumier historique.

Abréviations et références bibliographiques

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COD = Complément d'objet direct.

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Cprep = Complément prépositionnel.

CVN = Construction verbo-nominale.

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NT = Noyau terminologique.

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RIN = Réseau d'intérêts normands.

S = Sujet.

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UPD = Unité phraséologique du droit.

UT = Unité terminologique.

UTP = Unité terminologique polylexicale.

UTS = Unité terminologique simple.

Van Hoecke 1992 = Willy Van Hoecke 1992. Droit savant et tradition coutumière : la terminologie juridique relative au lignage dans la traduction par Jean d'Antioche (1282) du De inventione de Cicéron et de la Rhetorica ad Herennium. Jean Dufournet et al. (éds.). Femmes, mariages, lignages : XIIe-XIVe siècles. Mélanges offerts à Georges Duby. Bruxelles : De Boeck, 389-405.

Van Hoecke & Van den Auweele 1989 = Willy Van Hoecke, Dirk Van den Auweele 1989. La terminologie juridique dans la traduction par Jean d'Antioche (1282) du De inventione de Cicéron et de la Rhetorica ad Herennium. Guido Van Dievoet, Philippe Godding, Dirk Van Auweele (éds.). Langage et droit à travers l'histoire. Réalités et fiction. Leuven : Peters, 211-226.

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Viollet 1906 = Paul Viollet 1906. Les Coutumiers de Normandie. Paul Meyer et al. (éds.). Histoire littéraire de la France. Tome XXXIII : Suite du 14e siècle. Paris : Imprimerie Nationale, 41-190. http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62952131.

Wüest 1978 = Jakob Wüest 1978. Remarques sur le langage juridique au Moyen Âge. Travaux de linguistique et de littérature 16, 557-566.

Yver 1976 = Jean Yver 1976. Le droit romain en Normandie (avant 1500). Milano : Giuffrè.

1 Je remercie Mathieu Goux pour tous ses conseils et son implication quant à la révision de cet article. Je remercie également les évaluatrices et/ou évaluateurs pour leurs corrections et leurs conseils, qui m'ont permis d'améliorer la première version de celui-ci.

2 Les notions de phraséologisme et d'unité phraséologique ont émergé ces dernières années à partir d'un vaste spectre de constructions, qui recevaient auparavant de très nombreuses dénominations (voir p. ex. Mel'čuk 2013 ou González Rey 2015).

3 Dans la tradition de Cabré Castellví (2002) et de Lorente Casafont (2002), nous employons la notion de discours juridique spécialisé du droit coutumier au lieu de langue ou langage de spécialité. Pour citer Cabré Castellví (2002 : 18), « usaremos discurso como sinónimo de texto y nos referiremos a condiciones discursivas cuando hablemos de las características del proceso discursivo que pueden explicar la generación de un texto y que interactúan permanentemente con él ». En nous appuyant sur les travaux de Tabares Plasencia (2012, 2018), nous parlerons dans la suite de cet article d'unité phraséologique du discours du droit ou d'UPD.

4 La chose est différente pour l'espagnol, comme le montre Tabares Plasencia (2018, 2020).

5 Voir cependant Marcotte (1998) sur la langue formulaire dans les actes notariaux et la diplomatie.

6 Lorente Casafont (2002) distingue quatre types de verbes : verbes discursifs, verbes connecteurs, verbes phraséologiques et verbes-termes ou terminologiques. Les verbes phraséologiques « [a]dquieren valor especializado solamente cuando aparecen en contexto con una unidad terminológica (sujeto o complemento) » (Lorente Casafont 2002, s. p.). Un verbe qui accompagne une unité terminologique tel que recort est vide sémantiquement et constitue un verbe phraséologique. En outre, les verbes terminologiques tels recorder sont des verbes simples « cuyos lexemas y significados están vinculados exclusivamente, o de manera reiterada, a un ámbito de especialidad » (Lorente Casafont 2002, s. p.), c'est-à-dire qu'ils ont un lien avec une UT nominale (cf. L'Homme 2012 quant aux études menées sur ce sujet). Schøsler (2012) montre dans une étude diachronique sur les contextes non spécialisés que les verbes simples (ici les verbes terminologiques) ont un sens plus large que les constructions à verbe support (ici les constructions verbo-nominales), qui n'expriment qu'une partie du sens du verbe simple.

7 Notons que selon Buridant (1989 : 37), pour l'ancien français, les binômes (quasi-)synonymiques remplissent « une fonction explicative et intensive [...]. [R]épondant à une habitude rhétorique, les binômes synonymiques seront condamnés au XVIIe siècle [...] ».

8 Tabares Plasencia (2012 : 315) rejette le critère de l'idiomaticité en tant que signification métaphorique, puisque le discours du domaine juridique essaie d'éviter les ambiguïtés. Cela est valable au moins pour le discours juridique contemporain, bien que l'on puisse supposer que les auteurs des textes juridiques du passé essayaient également d'éviter les ambiguïtés.

9 De même, il est possible que dans un texte apparaissent des unités phraséologiques qui ne transmettent pas de concept juridique : elles ne constituent donc pas des UPD.

10 Cf. Cabré Castellví (2002 : 15, 29-30) : « unidades de conocimiento » et « unidades léxicas con valor especializado ».

11 Les approches traditionnelles ne prennent pas en compte ce critère.

12 Selon Bevilacqua (2004 : 15), le continuum s'étend des unités syntagmatiques libres aux unités terminologiques. Les unités phraséologiques spécialisées occupent une position intermédiaire.

13 Le travail de Brunner (1868) examine justement le caractère obligatoire (et rituel) des formules et de la répétition exacte (mot à mot) dans les procès médiévaux et le droit coutumier.

14 Voir Stutzmann & Tylus (2007 : 161) pour une description détaillée du manuscrit.

15 L'équipe du projet ConDÉ a retrouvé la trace de plus de trente exemplaires du texte dans les bibliothèques d'Europe et des États-Unis.

16 Malgré la tradition, nous ne signalons pas les lettres ajoutées des abréviations résolues dans les exemples du corpus pour ne pas compliquer la compréhension.

17 L'axe des abscisses indique la position dans le texte, c'est-à-dire l'occurrence de l'UT dans le manuscrit. Au début, recort apparaît plusieurs fois dans la table des matières, mais le sujet du recort est traité surtout vers la fin de l'œuvre. L'axe des ordonnées indique la fréquence d'occurrence dans les différentes parties de l'œuvre.

18 Les auteures se réfèrent aux unités terminologiques simples, dérivées ou polylexicales (c'est-à-dire syntagmatiques).

19 Les auteurs s'appuient sur l'œuvre de Terrien (1578).

20 Nous employons ce signe pour l'abréviation de capitulum qui figure dans le manuscrit.

21 Le recort de la court se trouve, par exemple, dans un exemple cité par Dupin & Laboulaye (1846, s. v. écris de la cour). Dans un autre exemple, Dupin & Laboulaye (1846, s. v. record) parlent du record de la Cour.

22 Une fréquence d'occurrence basse d'une unité (syntagmatique) de connaissance spécialisée ne constitue pas un critère suffisant pour dénier son statut d'UT (cf. Tabares Plasencia 2020 : 76 pour les textes historiques).

23 Godefroy (1880-1902, s. v. recort) cite également cette phrase du Grand Coutumier de Normandie attribuant à recort le sens de 'enquête testimoniale'.

24 Suivant la terminologie de Hourani Martín (2017) et de Tabares Plasencia (2020) nous employons noyau terminologique pour faire référence aux UTS ou UTP à l'intérieur d'un CVN, sans les différencier.

25 Nous ne distinguerons pas ici, parmi les CPrep, les compléments d'objet indirect des autres compléments. Une étude complémentaire, prenant en compte ces différents types de compléments, reste à mener.

26 Parmi les NT, nous avons pris en compte les référents des occurrences de relativisation et pronominalisation.

27 Nous reviendrons sur les constructions à Cprep à la fin de § 4.

28 L'attribution au domaine juridique manque dans les autres dictionnaires tels le DMF (s. v. record) où se trouve, entre autres, l'entrée « Faire le recort. 'Faire le rapport, dresser le procès-verbal' » (avec un article défini), le FEW (s. v. rĕcŏrdari), qui signale « faire un recort 'faire une enquête testimoniale, dresser un procès-verbal' », (avec un article indéfini), ou Godefroy (1880-1902, s. v. record) qui donne aussi cette acception de 'enquête testimoniale', avec et sans article (défini et démonstratif).

29 Pour Viollet (1906 : 92) « [i]l s'agit ici de la preuve ou, pour parler comme nos anciens jurisconsultes, du record d'une décision judiciaire » qui, à l'époque de l'élaboration du Grand Coutumier de Normandie, se faisait surtout à l'oral.

30 Adam (2005, 1.3) indique que « [l]'anaphore définie apparaît généralement dans des enchaînements de type : introduction d'un référent sous forme indéfinie, puis reprise lexicale identique […] ou presque identique ». Dans notre corpus, l'emploi avec un démonstratif est courant. Dans la base de données DocLing, 9 occ. avec faire sont construites avec un démonstratif toujours anaphorique. Un seul cas emploie un article défini à interprétation générique (le recort d'eskevins), et on trouve un cas sans article (recort fait partie d'un complément circonstanciel et est repris par un pronom relatif).

31 La valeur de la CVN est très proche, mais pas tout à fait équivalente à faire recort ou porter recort. L'AND (s. v. recort_1) signale sous l'entrée aver record de une acception relevant du domaine juridique « to have record of, refer to the accounts of previous legal proceedings ». Sous l'entrée faire recort, le NDHL (s. v. record) indique l'emploi d'avoir recort dans le domaine juridique sans autre explication.

32 L'AND (s. v. recort_1) donne l'exemple suivant : « Li reis demande le recort Sulunc le cleim e les respuns […] ». Dans Godefroy (1880-1902, s. v. recort_2), la construction apparaît aussi, mais sans attribution au domaine juridique.

33 Nous n'avons pas trouvé l'expression dans les dictionnaires consultés.

34 Dans tous les cas de passivation, le complément d'agent est un humain (le roy, les recordeurs, la personne qui représente une des parties dans le litige, etc.).

35 Il s'agit d'un mot barré dans le manuscrit.

36 Ces occurrences représentent un sous-groupe des cas de passivation de faire recort du manuscrit.

37 Ces six occurrences représentent également un sous-groupe des cas de passivation.

38 Tous les exemples sont extraits de la version beta du corpus accessible via https://txm-crisco.huma-num.fr/txm/. Leur emploi dans les commentaires a ensuite été vérifié sur le site du projet. Dans les Instrucions et ensaignemens, Berault (1614) et Pannier (1856), il n'y avait pas d'occurrence des CVN étudiées, construites à partir du NT recort/record. Nous n'avons pas pris en compte le manuscrit du Grand Coutumier de Normandie (GC) du corpus ConDÉ.

39 Pour ne pas compliquer la compréhension, nous supprimons les occurrences de [verbe phraséologique + pronom indéfini + NT] (7 occ.) et de [verbe phraséologique + adverbe + NT] (3 occ.) dans Le Rouillé (1539) et de [verbe phraséologique + pronom indéfini + NT] (1 occ.) dans le Terrien (1578).